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Patrimoine mondial de l’humanité : Saint-Louis au passé présent

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Patrimoine mondial de l’humanité : Saint-Louis au passé présent

Ville d’histoire hier et encore aujourd’hui mais résolument tournée vers le tourisme et la culture, Saint-Louis vieille cité de plus de trois siècles qui fut la première place forte européenne en Afrique a quelque chose d’un Phénix. Longtemps endormie après l’indépendance, chantée pour sa douceur de vivre et le sens de l’hospitalité de ses habitants, elle fait figure de vieille relique plutôt tournée vers son passé prestigieux que d’une cité tournée vers la modernité. Trois fois capitale de l’Aof, ville tricentenaire qui regroupait outre le Sénégal, le Soudan français, la Mauritanie et la Côte d’Ivoire puis du Sénégal et de la Mauritanie enfin de la seule Mauritanie jusqu’en 1960, Saint-Louis est devenue une simple capitale régionale. Cette ville qui a connu à trois reprises une occupation anglaise, cette cité où fut implantée la première cathédrale, la première mosquée, les premières écoles en Afrique de l’Ouest, les premiers casernements que venaient peupler la soldatesque venue de toute l’Afrique française de l’époque a joué un rôle pionnier dans la construction nationale avant de sombrer dans un profond coma. Après la grandeur ce fut la décadence, avec la perte d’attributs qui faisaient son prestige politique. Aujourd’hui cette ville telle le phénix, est en pleine renaissance. Le 6e anniversaire de l’inscription de l’Ile par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondiale de l’humanité a coïncidé cette année avec la tenue d’un atelier international sur le patrimoine. Retour sur le passé et le présent de cette ville qui a joué un rôle central dans notre histoire nationale et qui aspire à continuer de tenir toute sa place dans le destin de la Nation.

Le patrimoine bâti de Saint-Louis est soumis à des mutations profondes qui affectent l’intégrité du bien. Des travaux de restauration spontanée affectent les structures et les façades des bâtiments. De même, de nouvelles constructions non conformes au style saint-Louisien bouleversent le paysage urbain. L’état de ruine d’une partie des édifices de la ville représente une réelle menace. Et les populations locales sont les premiers acteurs de la destruction du patrimoine.

UNE ARCHITECTURE ORIGINALE

L’Ile de Saint-Louis présente l’architecture historique et culturelle la plus remarquable de l’Afrique de l’Ouest. C’est un des exemples bien conservés de villes coloniales, anciens comptoirs commerciaux développés à partir d’un fort comme Gorée, Rufisque et Karabane au Sud du Sénégal, ou Grand Bassam et Bingerville en Côte d’Ivoire. A Saint-Louis on retrouve ainsi une architecture de type méditerranéen adoptée à partir de la première moitié du 19e siècle au climat tropical et au milieu colonial, les maisons sont bâties autour d’une cour répartissant lumière et fraîcheur. Prés de la moitié des maisons sont en rez-de-chaussée : le tiers d’entre elles construites en briques porte des toitures de tuiles mécaniques à deux versants, le reste est couvert en terrasse avec arcotères dont les avancées font office de pare-soleil. Les maisons à étage, légèrement moins nombreuses que les précédentes construites en briques. Les plus vieilles maisons ont des balustrades en bois, quelques-unes en fer forgé et les plus récentes et les plus restaurées sont en ciment. La plupart des rez-de-chaussée de ce type de maisons étaient à usage de boutiques dont les plus anciennes s’ouvraient dans des arcades en plein centre. Les enduits des maisons anciennes sont colorés en ocre ou en rose et les entrées sont soulignées par des encadrements moulurés et peints. La cité de Saint-Louis vieille de plus de trois siècles s’est peu à peu endormie au XXe siècle avec la perte de son pouvoir économique et administratif entraînant la dégradation de bâtiments remarquables.

Classée patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, la vieille ville s’affirme désormais comme une destination culturelle et touristique. Certes de nombreuses potentialités contribuent à cet essor mais il est incontestable que le patrimoine urbain tant matériel qu’immatériel demeure le produit phare.

AU CœUR DE LA CITE

Le voyageur qui débarque à Saint-Louis est forcément tenté d’enjamber le pont Faidherbe sans lequel on ne peut pas accéder à l’île. Le pont est long de 507 m et large de 10,50 m avec sept arcs. Après avoir franchi le pont, vous êtes au cœur de la cité et à chaque pas, l’histoire se déroule sous vos pieds. Le premier bâtiment qui vous emplit le regard est le bloc d’édifices appelé «Gouvernance». De l’ancien fort colonial, subsistent encore des murs à la base très épaisse, vestiges des premiers contreforts visibles. A l’ouest la Gouvernance s’ouvre sur une place ombragée portant le nom du gouverneur Faidherbe. Sa statue trône majestueusement dans le jardin. La place Faidherbe d’abord appelée place Savate, ensuite place d’Orléans est bordée par les casernes Rogniat Nord et Sud qui semblent veiller avec le bâtisseur de Saint-Louis sur cette ville qu’il a construite et marquée de son empreinte que l’un des ses successeurs, le Général Blanchot célébra la victoire d’Austerlitz. De part et d’autre de cette place centrale, sont situés les deux quartiers de l’île, le Sud ou Sindons et le Nord ou Lodo. Le Sud a été la première zone d’habitation des Européens lorsqu’ils arrivèrent à Saint-Louis. En contournant la gouvernance, on tombe sur la cathédrale, grande bâtisse à la façade néo-classique, elle a été consacrée en 1828 et fut la première église d’Afrique noire. Son fronton est surmonté d’une statue de Saint-Louis. Sur le même alignement vers l’Ouest, l’ancienne école des Frères Ploërmel, devenue au début du siècle établissement Peyrissac conserve encore ses façades d’époque.

Vers le grand bras du fleuve, un magnifique bâtiment blanc en fer forgé qui fut d’abord le siége du Conseil général puis du Conseil colonial ensuite de l’Assemblée territoriale. Une fois franchie la lourde porte en bois, on peut admirer le superbe plafond en bois à caissons peints. En allant vers la pointe Sud on peut découvrir l’ancienne maison des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny. Sa caractéristique est son escalier monumental à deux volets circulaires. Avant d’arriver à la pointe Sud, on peut faire une halte au lycée Ameth Fall dont les bâtiments construits en 1840 sur l’emplacement du premier cimetière chrétien abritèrent successivement l’hôpital civil, puis le collège Blanchot avant de devenir lycée des jeunes filles. Accolé au lycée, un bâtiment plus moderne, le Centre de Recherche de Documentation du Sénégal (Crds) ex-Ifan, abrite une importante bibliothèque, un trésor inestimable d’archives de l’Aof. De l’esplanade du Crds, un magnifique panorama sur le plan d’eau qui s’écoule vers l’embouchure. Au-delà sur la Langue de Barbarie, le quartier populaire Guet Ndar qui organise chaque année de grandes régates, le cimetière de l’hydrobase d’où partait Jean Mermoz pour sa traversée de l’Atlantique. A l’Est de l’île se situent les quartiers les plus récents de Sor.

Retour vers le quartier Nord qui longe le grand bras. Commencée en 1830, la construction des quais tout autour de l’île fut renforcée par Faidherbe et achevée par Roume. D’abord en bois, puis de plus en plus en maçonnerie, ils permirent d’assurer la voirie et la salubrité de l’île, de même que sa protection définitive contre les inondations. Sur ces quais étaient débarquées et embarquées des marchandises qui faisaient l’objet du commerce fluvial. Des entrepôts alignés en enfilade témoignent de la prospérité d’antan de la cité. Ils étaient la propriété des maisons de commerce bordelaises et marseillaises qui occupaient généralement tout un îlot avec cour intérieure fermée.

Côté fleuve, il y avait les entrepôts où étaient stockées les marchandises débarquées, côté rue des boutiques à grandes portes en bois et vitrines au rez-de-chaussée et appartements des négociants à l’étage avec vastes terrasses et balcons à balustrade. Au bout des quais du Nord, après l’école française, une grande silhouette en fer se détache : c’est la grue à vapeur de 20 tonnes. C’est un témoignage vivant de l’intensité du commerce fluvial de l’époque. Cet ouvrage à vapeur est probablement l’un des rares existant encore au monde.

Plus loin, à gauche, le camp El Hadj Omar ex-camp Archinard abritant l’ancienne poudrière et les cantonnements de Tirailleurs sénégalais. De la pointe Nord on a une large vue sur l’amont du fleuve et juste en face, l’île Bopp Thior où fut installée la première briqueterie de la région. En revenant vers le centre ville, à la limite des allées, la Grande Mosquée de style maghrébin fut édifiée par l’administration coloniale à l’intention de la communauté musulmane majoritaire. Le clocher logé dans son minaret gauche reste une énigme.

Plus au centre deux édifices voisins sur la rue Abdoulaye Seck Marie Parsine ex Brière de l’Isle ; le Palais de Justice construit en 1841 dont l’escalier monumental et le portail en fer forgé frappent le visiteur et la Maison militaire à l’architecture si bien conservée. Cet édifice dit-on, serait bâti sur l’emplacement de l’habitation du Gouverneur Smaltz rescapé du naufrage du fameux radeau de la Méduse. Tout au long du périple sur l’île, le visiteur sera frappé par le caractère typique des habitations. C’est d’abord la maison à étage et toits en tuile avec rez-de-chaussée, de grandes pièces aux lourdes portes en bois servant de boutiques. Côté rue comme côté cour les appartements en enfilade au plafond haut en bois et aux nombreuses ouvertures qui donnent sur des balcons avec des balustrades en sapin et en fer forgé. Par temps de chaleur, l’intérieur de ces demeures offre une grande fraîcheur. Et l’on peut facilement imaginer la vie douce et aisée que les “signares”, ces belles métisses qui font encore rêver, menèrent en ces lieux.

LES SANCTUAIRES RELIGIEUX

En contournant la gouvernance vers le quartier Sud on aperçoit comme veillant sur la quiétude des lieux une statue qui surplombe la Cathédrale de Saint-Louis, la première construite en Afrique de l’Ouest. C’est dans ce quartier appelé Keur Thian du fait du grand nombre de chrétiens qui y habitaient que l’on choisit de construire le lieu de culte qui manquait à une communauté qui commençait à s’agrandir. Ce fut le 11 février 1827 sous la présidence du Baron Roger que fut posée la première pierre de cette église qui, de l’avis des autorités d’alors, devait redonner à la population de Saint-Louis le goût et le sens de la vie religieuse. Longtemps auparavant, les chrétiens de l’île ont dû se contenter de lieux de prière sommaires ou de domiciles privés où ils se réunissaient pour s’adonner à la pratique religieuse. Le gouverneur sous l’insistance de la Mère supérieure de la congrégation des Sœurs de Saint Joseph de Cluny à qui il devait son ascension, permit alors de mener à bien la construction de cette église. Un style sobre et élégant fut choisi avec des tours carrés qui encadrent le portique et un porche avancé. Sur le fronton surplombant la ville on érigea la statue du Roi de France protecteur de Saint-Louis. Sous la première pierre d’ailleurs fut enterrées de grandes médailles et plusieurs pièces d’or à l’effigie du Roi Louis XIV. Au-delà de l’aspect religieux, cet édifice devait marquer le passage de comptoir qu’était le Sénégal au rang de colonie. Car selon le gouverneur Baron, “les églises sont des choses durables, construites par des gens qui entendent s’installer et non plus être des hôtes de passage”.

Aujourd’hui encore malgré le poids de l’âge, elle résiste toujours au temps et ses fondements sont solidement ancrés dans cette ville tricentenaire. Cependant, elle demande à être réhabilitée avant qu’il ne soit trop tard. Son protecteur semble le lâcher et la statue qui la surplombait n’a plus sa tête effondrée depuis sous le poids de l’âge comme ce roi décapité et rangé dans les armoires attendant un éventuel restaurateur ; tout comme l’île, il fait partie du patrimoine classé par l’Unesco.

LA GRANDE MOSQUEE

Son édification ne fut pas facile malgré le fait que Saint-Louis comptait un grand nombre de musulmans à cette époque. Les notables surtout métisses récriminaient contre cette construction pour ne pas selon eux donner aux musulmans une consécration officielle. Cependant, la population de Saint-Louis finit par obtenir l’autorisation de construire une mosquée mais à l’extrême Nord de la ville dans la partie alors inhabitée pour atténuer les susceptibilités. La tradition orale nous dit que ce serait El Hadj Omar Tall en personne qui aurait tracé le plan de cette mosquée et indiqué la direction de la Kaaba. Construite sur une surface de vingt mètres sur vingt avec essentiellement les ressources collectées chez les noirs, elle ne tarda pas à connaître des difficultés vu la faiblesse des ressources et n’ayant pas bien calculé l’étendue de la dépense. Cependant après plusieurs interruptions, le gouverneur de l’époque consentit à leur allouer une aide financière afin de terminer les travaux en 1847.

Elle fut une des plus anciennes mosquées de l’Afrique occidentale française. Sa cloche accrochée à une corde reliant les deux minarets suscite toujours une attraction. Construite dans le style colonial avec escaliers en bois et balustrades en fer forgé, elle constituait un ensemble homogène avec les édifices officiels. Depuis 1987, elle a fait l’objet de grands agrandissements sur ses façades où le béton est venu remplacer le bois. Aujourd’hui, malgré l’édification d’autres mosquées, certains n’hésitent pas à traverser les quartiers pour s’y rendre et perpétuer le sacrifice que faisaient les musulmans d’alors qui traversaient toute la ville afin de pouvoir accomplir le rituel sacré. Son puits qui sert à faire des ablutions aurait des vertus thérapeutiques.

 



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