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ACCUSE DE MAUVAISE GESTION A LA FAO, JACQUES DIOUF REJETTE ET MAINTIENT LE CAP

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ACCUSE DE MAUVAISE GESTION A LA FAO, JACQUES DIOUF REJETTE ET MAINTIENT LE CAP

Carences dans la gestion administrative et financière, lenteurs dans les interventions, centralisation excessive, démotivation du personnel, objectifs assignés non atteints ... Cibles de ces accusations de mal gouvernance et de bien d’autres contenues dans un rapport d’évaluation, l’Organisation des nations unies pour l’Alimentation et l’agriculture (Fao) et son Directeur général, notre compatriote Jacques Diouf. Interpellé sur ce rapport et sur bien d’autres questions relatives au fonctionnement de la Fao, Jacques Diouf rejette, chiffres à l’appui, ces accusations, donne des indications précises sur l’exécution des budgets, la mise en oeuvre des programmes, la situation du personnel, la transparence dans l’octroi des postes et des promotions. Des intérêts voudraient-ils le pousser à démissionner avant le terme de son mandat en décembre 2011 ? Concentré sur l’exécution de son troisième exercice à la tête de l’Organisation et conforté par les témoignages de satisfaction des pays membres, il dit ne pas s’en occuper . « Ce qui est important, c’est ce que je fais pour assumer les responsabilités planétaires qui m’ont été confiées afin de mériter la confiance de ceux qui m’ont élu et de continuer à avoir le grand bonheur de ressentir la chaude amitié et l’affection sincère de beaucoup de personnes à travers le monde », précise t-il. 

Quatre experts commis pour évaluer la gestion de la Fao soutiennent que l’organisation que vous dirigez est au bord du gouffre, avec des chances de survie très minces. Ils vous reprochent, entre autres, d’avoir concentré tous les pouvoirs, démotivé le personnel, aggravé le déficit financier et retardé l’exécution des programmes. L’Etat de santé de l’institution faîtière dans les domaines de l’alimentation et de l’agriculture est –il aussi préoccupant ?

Certaines des critiques sont justifiées, en particulier les lourdeurs administratives. Mais celles-ci sont en grande partie dues au cadre réglementaire commun à tout le système des Nations Unies. Cependant, c’est aussi le respect de ces règles et de ces systèmes de contrôle qui a permis à la Fao de ne pas être prise en défaut à l’égard du programme « Pétrole contre nourriture ». L’Organisation a pourtant géré des projets de plus de 580 millions de dollars en Irak dans le cadre de ce programme. A ces procédures, qui sont des garde-fous, s’ajoutent pour une organisation comme la Fao les conditions spécifiques imposées par les Etats Membres pour l’utilisation de leurs contributions volontaires. La Fao a cependant montré qu’elle est prête à engager des changements, puisqu’à mon initiative, en novembre 2005 les organes directeurs ont décidé d’une importante réforme qui vise à remédier à beaucoup des critiques qui ont été faites. Le rapport d’Evaluation indique d’ailleurs que « le Directeur général a bien lancé des initiatives courageuses pour débloquer la situation et redynamiser l’Organisation (voir les premières réformes adoptées en 1994-95, le Sommet mondial de l’alimentation en 1996, plus récemment les propositions de réforme en 2005-06). »

A la Fao, comme dans tout le système des Nations Unies, la structure des grades, le niveau des salaires, les conditions de promotion, par exemple, sont décidés à New York. Les fonctionnaires ont droit de recours à l’encontre de toute décision qui n’est pas fondée sur ces règles, notamment auprès du Tribunal de l’Oit.

En ce qui concerne le recrutement du personnel professionnel, un comité de sélection où siègent les représentants de tous les départements de la Fao et du personnel, étudie les dossiers de candidature. Le Directeur général prend ses décisions sur la base d’une liste restreinte de candidats soumise par chaque division concernée et approuvée au préalable par ce comité. Une procédure similaire existe pour le personnel des services généraux et la décision finale est déléguée au Directeur des ressources humaines.

Le recrutement des Sous-directeurs généraux, Directeurs et Représentants de la Fao fait l’objet d’une sélection rigoureuse avec interview des candidats par un comité de quatre membres des plus hauts dirigeants de l’Organisation, avant ma décision finale. J’ai, au demeurant, communiqué aux évaluateurs le curriculum vitae du personnel recruté dans ce cadre depuis 1994, en leur demandant de m’indiquer lequel de ces agents ne possède pas les qualifications requises pour occuper le poste qui lui a été attribué. Je n’ai reçu aucune réponse à cette question.

Dans une période d’austérité et de réduction de postes budgétaires, j’ai fait mettre en place un système garantissant la transparence et l’équité à travers un comité de redéploiement où étaient représentés la direction et le personnel. Le comité a examiné toutes les situations, cas par cas, et le résultat a été positif, car je n’ai reçu aucune plainte dans le cadre de ce processus.

En fait, je ne suis jamais intervenu dans les questions techniques des départements et je laisse aux Sous-directeurs généraux la responsabilité de la gestion de leur personnel. Quand à l’absence d’incitations positives, le système des Nations Unies exclut les primes. J’ai donc utilisé les promotions pour motiver le personnel, mais naturellement je ne pouvais pas promouvoir tout le monde.

La Fao serait-elle , comme l’indique le rapport ,confrontée à des problèmes financiers si aigus qu’elle court le risque de ne pouvoir, à terme, faire face à ses obligations ? Dispose t-elle de ressources suffisantes pour assumer ses missions ?

Le budget régulier de la Fao est de 765,7 millions de dollars couvrant les deux années 2006-07. Soixante-dix pour cent des contributions ont été versés au mois d’octobre 2007. De surcroît, des Etats membres ont déjà des engagements fermes de contribution d’environ un milliard de dollars aux fonds fiduciaires de l’Organisation. Or, le terme fiduciaire dérive du mot « fiducia » qui signifie « confiance ». Voilà la situation financière réelle de la Fao.

Ce que le rapport dit, c’est que le budget régulier est en réalité inférieur de 22% en valeur réelle (compte tenu de l’inflation) à ce qu’il était en 1994-95. Ce budget régulier équivaut aujourd’hui au budget du ministère de l’agriculture de l’Afrique du Sud, à la moitié de celui de l’Italie et à la moitié de celui du département des forêts de l’Etat de Californie. Il dit aussi que les pays développés ont appliqué à la Fao les mesures d’austérité avec une croissance zéro, comme dans les autres agences du système des Nations unies. Il rappelle que le Pnud a cessé de remplir sa fonction initiale de mécanisme de financement principal de la coopération technique dans le système des Nations unies (à la Fao, la part du Pnud dans les contributions budgétaires, y compris les secours d’urgence, est passée de 31,3% en 1994-95 à 2,5% en 2004-05).

Ces deux facteurs combinés ont contraint l’Organisation à supprimer 1 686 postes entre 1994 et 2005. Le rapport conclut que si ces tendances se maintiennent, les capacités de la Fao ne lui permettront plus d’assurer convenablement ses différentes fonctions et son existence sera mise en péril. Il faut souligner que, face à cette hémorragie dans les ressources humaines de la Fao, j’ai naturellement réagi et j’ai signé avec 133 pays des accords de coopération entre pays en développement et aussi entre pays en transition pour disposer de consultants de haut niveau à un coût moindre que sur le marché international, tout en donnant l’opportunité à des cadres des pays en développement et en transition d’effectuer 3 700 missions, ainsi qu’à des agents à la retraite d’effectuer 5 200 missions pour l’Organisation. J’ai aussi signé avec des pays en développement avancés 39 accords pour mettre 183 experts et 1 272 techniciens de la coopération sud sud à la disposition des Etats membres. Ces agents ont pu ainsi transférer directement des technologies plus efficaces aux communautés rurales pauvres dans les champs, les élevages, les activités de pêche et d’aquaculture.

L’Organisation a aussi essayé avec succès de faire plus avec moins de ressources. Le rapport d’évaluation a ainsi noté « On peut reconnaître à l’Organisation et ses Etats Membres le mérite d’avoir pris conscience de l’importance de réaliser des gains d’efficience dans les domaines administratifs et techniques. La Fao peut par ailleurs être louée pour avoir pris un certain nombre de mesures positives, comme par exemple, celles visant à quantifier les économies au fil des années et à établir un nouveau cadre pour tirer partie des efficiences. »

Malgré toutes les contraintes, la Fao a réussi à être présente au bon moment sur tous les continents grâce à son système d’alerte précoce et de réaction rapide dans la lutte contre les criquets, la grippe aviaire, les fièvres aphteuse, porcine et de la Vallée du Rift. Avec ses partenaires, elle est en train d’arriver à l’élimination complète de la peste bovine. Elle a en outre conseillé les gouvernements et les a aidés à mettre en place des politiques agricoles mieux adaptées. Elle a été avec eux dans les situations d’urgence pour la reconstruction d’agricultures dévastées par les conflits, les sécheresses, les inondations, les ouragans et les tsunamis. Elle a organisé les négociations pour des accords mondiaux : Code de conduite pour une pêche responsable, Convention internationale pour la protection des plantes, Accord de Rotterdam sur l’utilisation des pesticides, Droit à l’alimentation, Traité international sur les ressources phytogénétiques, etc. C’est pourquoi le rapport d’évaluation a abouti aux conclusions suivantes : « La Fao continue à remplir des fonctions, à produire une gamme de biens et de services essentiels qu’aucune autre organisation ne peut ou ne veut fournir » ; « Si la Fao n’existait pas, il faudrait l’inventer » ; « Il faut une réforme à la Fao dans le cadre d’une augmentation de ses ressources. »

Enfin, il faut rappeler que le nombre des membres de la Fao va passer de 169 en 1994 à 192 en 2007, avec le retour notable en 2006 de la Russie, pays fondateur de l’Organisation, après 60 ans d’absence.

Des agents de la Fao n’ont pas manqué de signaler aux experts évaluateurs ce qu’ils considèrent comme de graves manquements dans votre management. Ils vous reprochent , l’absence de délégation de pouvoirs, l’opacité dans l’octroi des postes et dans les promotions, l’absence de mesures incitatives . Ces critiques ne contribuent-elles pas à vicier l’ambiance de travail ?

Il faut d’abord rappeler qu’après 18 mois d’évaluation à un coût de 4,6 millions de dollars, le rapport de 402 pages n’a fait état d’aucune faute de gestion financière. Depuis 1994, année où j’ai pris mes fonctions de Directeur général de l’Organisation, 844 audits internes et plus de 400 évaluations ont pourtant été menées sur les projets bénéficiant du financement des bailleurs de fonds. D’ailleurs, après avoir mené une étude sur l’amélioration du système d’audit interne de la Fao, les Etats-Unis ont versé à l’Organisation 100 millions de dollars d’arriérés accumulés par ce pays du temps de mon prédécesseur.

Plusieurs auditeurs externes ont examiné les comptes de la Fao – l’Auditeur général du Royaume Uni, la Cour des Comptes de France, l’Auditeur en Chef de l’Inde – et depuis mon arrivée à la tête de la Fao, ils ont tous approuvé les comptes des différents exercices sans qualification.

Pour ce qui concerne les agents, la Fao compte plus de 3 000 membres du personnel venant de toutes les régions du monde ; chacun d’entre eux bien évidemment a ses motivations, ses convictions, ses aspirations et ses ambitions. Certains ont leurs frustrations surtout en ces périodes difficiles de coupes budgétaires. Cependant, dans leur grande majorité, les fonctionnaires de la Fao sont des personnes de foi et d’idéal qui font le plus beau travail du monde : aider ceux qui ont faim à se nourrir et bâtir un monde plus juste et plus solidaire. Je suis heureux pour ma part d’avoir eu pendant ces 14 dernières années des collaborateurs de qualité et d’une grande loyauté.

Partagez vous l’idée que des éléments, pour l’heure tapies dans l’ombre ne manqueront pas de s’appuyer sur ces accusations pour exiger votre départ de la Fao avant le terme de votre troisième mandat ?

A la Conférence en 2005, les Etats membres ont fait preuve de confiance à mon égard en m’élisant pour un troisième mandat au cours d’un vote à bulletin secret, contrôlé par des scrutateurs, chaque pays ayant une voix. Par ailleurs, les pays membres avaient plusieurs mois pour présenter des candidatures contre moi. Ils ne l’ont pas fait. Je ne crois pas que cela soit courant dans le système des Nations unies.

Pour ce qui est des intérêts qui voudraient me pousser à démissionner avant le terme de mon mandat en décembre 2011, s’ils existent, ils ne m’intéressent pas et je ne m’en occupe pas. Ce qui est important, c’est ce que je fais pour assumer les responsabilités planétaires qui m’ont été confiées afin de mériter la confiance de ceux qui m’ont élu et de continuer à avoir le grand bonheur de ressentir la chaude amitié et l’affection sincère de beaucoup de personnes à travers le monde.

Plus d’une décennie après votre première élection à la tête de la Fao, l’Afrique traîne encore de sérieux handicaps dans le développement de son agriculture. Le continent attendait pourtant beaucoup de l’agronome africain que vous êtes pour inverser la tendance et impulser un nouveau cours à l’agriculture, dans le Tiers monde notamment . Aujourd’hui, on s’étonne de constater que les champs sont toujours en friche.

La situation actuelle sur le continent africain est différente de celle que vous décrivez. Les progrès de l’Afrique ont été importants au cours des dernières années. Depuis 2004, le taux de croissance du Pib annuel a dépassé les 5%, pourcentage significatif en comparaison avec 1,93 % en 1980-90 et 2,45 % en 1990-2000. Les Investissements directs extérieurs, c’est-à-dire privés, en Afrique sont passés de 18 milliards de dollars en 2003 à 38 milliards de dollars en 2006. Pour ce qui est de l’Afrique sub-saharienne, la croissance devrait dépasser 7% cette année et se situer autour de 6,7 % en 2008. Le taux de croissance moyen annuel enregistré dans le secteur agricole est aussi positif. Entre 1994 et 2004, il a atteint 3,9 % en Afrique sub-saharienne — plus qu’en Asie (2,4%) et en Amérique latine (2,6%). Dans beaucoup de pays du continent le taux de croissance du secteur agricole dépasse celui de la population. Cela a été rendu possible en grande partie grâce à une série de décisions courageuses prises par des chefs d’Etat africains, notamment au Sommet de Maputo en 2003. Il s’agit de l’adoption du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine préparé avec l’assistance de la Fao, ainsi que la décision de donner la priorité à la maîtrise de l’eau et à la réalisation des infrastructures rurales de base. Cinquante et un gouvernements africains ont par la suite demandé à la Fao de leur apporter son assistance pour préparer, dans le cadre du Programme continental, des Programmes nationaux d’investissement à moyen terme (Pnimt) et les Profils de projets d’investissement bancables (Ppib) correspondants. Le travail réalisé avec la collaboration de l’Organisation a abouti à un portefeuille de projets de 10 milliards de dollars. En outre, les gouvernements africains, sur les conseils de la Fao, se sont engagés à doubler les ressources qu’ils consacrent à l’agriculture pour atteindre en cinq ans le niveau de 10% de leurs budgets nationaux.

La Fao cependant ne peut que conseiller et informer les gouvernements, les appuyer dans la préparation des stratégies, des plans et des programmes, faciliter le transfert de technologies simples, efficaces et peu coûteuses, aider à la mobilisation de ressources par son Centre d’investissement, et intervenir en cas d’urgence pour reconstituer les capacités productives. Mais le développement économique et social incombe essentiellement aux peuples sous l’impulsion de leurs dirigeants. Les pays du tiers-monde qui ont adopté les bonnes politiques et priorités ont connu une forte croissance agricole sur tous les continents.

Au niveau mondial, le nombre de mal nourris diminue de 6 millions par an et l’objectif du Millénaire relatif à la proportion des personnes qui ont faim sera atteint, même si l’objectif plus ambitieux du Sommet mondial de l’alimentation, que j’ai convoqué en 1996 et qui porte sur le nombre de personnes, risque de ne pas l’être. La population mondiale augmente en effet de 78 millions par an et il faudrait une réduction de 31 millions par an des mal nourris.

Les taux de croissance sont certes encourageants mais les résultats enregistrés dans le développement de l’agriculture dans le Tiers monde et particulièrement en Afrique, restent très faibles. Le temps n’est-il pas venu, pour la Fao, de penser d’autres méthodes de déploiement pour varier la carte agricole, booster la production et assurer la sécurité alimentaire dans le monde ?

Les chiffres que j’ai fournis en répondant à la question précédente démontrent que l’agriculture africaine est en train de bien se développer. Naturellement, il faut faire beaucoup plus. Il faut d’abord renverser la tendance négative de l’aide au développement, car entre 1990 et 2000 la part de l’agriculture avait baissé de 50%. Ce que j’ai souligné lorsque j’ai participé au Sommet des chefs d’Etat du G8 à Gênes en 2001. Il faut ensuite revoir les politiques de soutien des pays de l’Ocde qui ont créé un marché mondial défavorable aux pays pauvres. Pour cela, il faut que les négociations de l’Omc aboutissent à des échanges agricoles plus équitables pour les pays les moins avancés, notamment leurs agriculteurs, pasteurs et pêcheurs. Je suis optimiste pour le continent, car je crois en la capacité de l’homme africain à relever les défis du développement économique et social avec de la volonté, de l’intelligence et du travail.

La Fao va continuer ses efforts en direction de l’opinion publique à travers des campagnes de communication et de promotion. TeleFood compte sur la contribution des médias et des célébrités, parmi lesquels en Afrique, les Ambassadeurs de bonne volonté Youssou Ndour, Oumou Sangaré, Miriam Makeba, mais aussi dans le monde, Dee Dee Bridgewater, le groupe Mana, Albano Carrisi, l’actrice Gong Lee et tant d’autres. Les activités de collecte de fonds comme, par exemple, les dîners de Gala et les programmes de télévision en Espagne ont permis de recueillir près de 20 millions de dollars E.U. et de financer plus de 2 500 microprojets au niveau local dans 130 pays du monde. La « Liga de Fútbol Profesional Española » (Lfp) a aussi dédié deux semaines à la Journée mondiale de l’alimentation 2007 pour sensibiliser le public et collecter des fonds à travers des Sms. Cet événement, commencé le 16 octobre, s’est achevé le dimanche 28 par une manifestation au stade Santiago de Bernabeu à Madrid en ma présence, avec la participation du Président du Real Madrid ainsi que de Raúl Gonzalez, capitaine du Réal Madrid et Ambassadeur de bonne volonté de la Fao.

Il y a quelques années l’agriculture n’intéressait personne, mais vingt-cinq ans après la Banque mondiale a de nouveau consacré son Rapport 2008 sur le développement dans le monde à ce secteur, en admettant qu’elle avait commis l’erreur de négliger le développement agricole en Afrique – une erreur qu’elle promet de rectifier. Elle n’était d’ailleurs pas seule dans ce cas, car les aides bilatérales et la plupart des institutions financières de développement avaient tourné le dos à l’agriculture.

Depuis 14 ans que je suis à la Fao, j’avais l’impression de prêcher dans le désert et de suivre le chemin du Don Quichotte de Cervantes dont les vertus ont été célébrées par Miguel de Unamuno. Je disais pourtant une chose qui relevait du bon sens : le développement de l’Afrique passe par l’agriculture, car 61% de la population est rurale et 70% des pauvres vivent essentiellement de l’activité agricole. Enfin, mieux vaut tard que jamais : on commence non seulement à nous écouter, mais maintenant à nous entendre.

Les priorités, comme je l’ai mentionné auparavant, sont la maîtrise de l’eau, car en Afrique subsaharienne seulement 4% des terres arables sont irriguées, contre 38% en Asie, et la réalisation des infrastructures rurales de base : routes, moyens de stockage, marchés, chaînes de froid, centres d’abattage, ports de pêche, capacités de conditionnement pour respecter les normes de qualité du Codex Alimentarius, ainsi que les règles phyto et zoo-sanitaires. Avec ces super-structures en place, l’acheminement des intrants modernes : semences, engrais, petit matériel, poussins d’un jour, produits vétérinaires, alevins, etc, pourra se faire dans des conditions économiques et permettre le développement d’une agriculture sécurisée contre les aléas climatiques, mais aussi productive et compétitive. L’agriculture africaine, comme celle des autres continents, devra cependant faire face aux nouveaux défis du XXIème siècle : changement climatique, bioénergie, grandes maladies transfrontières et prix croissants d’aliments de plus en plus rares. La Fao a d’ores et déjà lancé les études techniques, économiques et sociales sur ces problématiques. J’ai donc proposé aux Etats Membres, qui vont se réunir le mois prochain à Rome, l’organisation de deux conférences de haut niveau en 2008. L’une en juin sur « La sécurité alimentaire mondiale : les défis du changement climatique et des bioénergies » ; l’autre en novembre 2008 sur « Comment nourrir le monde en 2050 ».

La gouvernance de l’alimentation et de l’agriculture du monde impose des obligations, notamment en matière d’analyse des grandes tendances de la production, de la demande, de l’environnement et des technologies, ainsi que des conséquences probables de leur évolution sur les sociétés humaines, au plan économique et social. Ainsi les gouvernements responsables de l’avenir du monde pourront disposer des bases objectives et prospectives pour prendre les décisions politiques et stratégiques qui permettront d’assurer la sécurité alimentaire de la planète Terre. Gouverner c’est prévoir. La Fao essaye justement de faire cela.

Prompte dans l’alerte, la Fao marque souvent le pas dans ses interventions, en termes de mobilisation des ressources et d’appui technique aux pays confrontés aux invasions acridiennes, attaques des oiseaux granivores et autres périls. Faut-il y voir les effets d’une administration lourde, pesante ou des difficultés à s’accorder avec les partenaires pour une mise en place rapide des financements ?

Dès mon arrivée en 1994, j’ai créé « Empres » (Programme d’urgence et de prévention contre les ravageurs et les maladies transfrontières des animaux et des plantes) basé sur la trilogie de la détection précoce, de la réaction rapide et de la mise en réseau des centres d’excellence pour disposer de techniques de contrôle efficaces avec un impact réduit sur l’environnement. En 2000, ce dispositif a permis de donner l’alerte dans les pays européens sur la crise de la fièvre aphteuse. Les retards dans les mesures préventives ont entraîné des pertes économiques considérables en Europe.

La Fao a aussi alerté 11 mois à l’avance les pays d’Afrique de l’Ouest et du Nord sur les risques d’invasion par les criquets pèlerins. L’Algérie et le Maroc ont immédiatement mis sur pied un dispositif approprié et ont acheté les pesticides nécessaires pour faire face au danger. D’autres pays ne l’ont pas fait.

La Fao a utilisé ses ressources propres pour engager les premières actions et a demandé la contribution des bailleurs de fonds pour stopper au stade larvaire les criquets pèlerins en Mauritanie. Mais les ressources sont arrivées trop tard, au moment où les essaims avaient déjà pris leur envol. Quand la crise a été médiatisée au plan mondial, les donateurs se sont empressés d’annoncer leurs contributions. Il a pourtant fallu beaucoup de temps avant qu’elles ne soient effectivement versées dans les comptes de la Fao, ce qui a pu donner l’impression d’une lenteur de l’Organisation. J’ai été obligé de mettre sur Internet un tableau montrant les dates des annonces de contribution, de signature des accords de financement et de versement effectif des fonds dans les comptes de l’Organisation.

C’est à ce moment seulement que la situation a été clarifiée et les différentes responsabilités établies. Il faut dire aussi que la livraison des pesticides prend du temps, car il s’agit de produits toxiques qui ne sont fabriqués qu’après une commande ferme. J’ai passé une fin de semaine entière au téléphone pour mobiliser l’aviation française, italienne et turque pour transporter les stocks prêtés par l’Algérie et le Maroc vers la Mauritanie. Ils ont été remplacés par des produits commandés par la Fao et livrés ultérieurement. En outre la Fao ne peut livrer que des produits homologués par les différents gouvernements. Ce qui n’était pas le cas dans plusieurs pays. L’adoption des mesures réglementaires nécessaires a aussi entraîné des délais dans l’action. Enfin, la Fao doit effectuer ses achats dans des conditions de concurrence sur appel d’offres. Un audit a été ordonné d’ailleurs par les bailleurs de fonds dès la fin des opérations pour vérifier les conditions d’utilisation de leurs ressources. Ces contrôles n’ont pu qu’établir la transparence de nos actions et la justesse de nos comptes financiers. Vous comprendrez aisément que l’on fasse preuve de prudence dans la gestion des fonds publics provenant des contribuables.

Le rapport d’évaluation indique à ce propos que « La Fao accorde de plus en plus d’importance à la vérification des comptes » et que « la prestation du Service d’évaluation de la Fao a été d’un niveau élevé et que le Service peut être avantageusement comparé aux principaux organismes analogues ».

EXERGUES

*« 844 audits internes et plus de 400 évaluations : aucune faute de gestion financière ». *« Après avoir mené une étude sur l’amélioration du système d’audit interne de la Fao, les Etats-Unis ont versé à l’Organisation 100 millions de dollars d’arriérés ».

*« Ces contrôles n’ont pu qu’établir la transparence de nos actions et la justesse de nos comptes financiers ».

*« Vous comprendrez aisément que l’on fasse preuve de prudence dans la gestion des fonds publics provenant des contribuables ».

*« des Etats membres ont déjà des engagements fermes de contribution d’environ un milliard de dollars aux fonds fiduciaires de l’Organisation ».



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