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Amazonie: un sommet d'urgence sans Bolsonaro, sur fond de désaccords

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Amazonie
Les incendies qui ravagent l’Amazonie font l’objet d’un sommet d’urgence, dans la ville de Leticia en Colombie. Il réunira six pays latino-américains, dont la Colombie, le Brésil, le Pérou, et l’Équateur. Jair Bolsonaro sera représenté par son ministre des Affaires étrangères, Ernesto Araujo. Le chef de l’État brésilien ne peut pas voyager pour raisons médicales. 

 Le grand sommet amazonien a failli tourner au grand cafouillage, rapporte notre correspondante à Bogota, Marie-Eve Detoeuf. Premier incident : le président de la Colombie, Ivan Duque, a d’abord annoncé que la rencontre serait l’occasion de signer un grand traité de coopération amazonienne. Un tel traité existe depuis 1978. Selon le président Duque, le texte doit être perfectionné. Deuxième souci : le président Bolsonaro, invoquant des raisons médicales assez peu convaincantes, a annoncé qu'il ne viendrait pas. Un sommet amazonien sans le Brésil perd évidemment de son intérêt. Un journaliste local ironisait : « C’est un comme une Coupe du monde de football sans le Brésil ». La présence du Bolivien Evo Morales n’était toujours pas confirmée il y a trois jours et le Venezuela de Nicolas Maduro, qualifié de dictature, n’a pas été invité. 

 Bolsonaro en vidéo-conférence 

 Pour les écologistes, la défense de l’Amazonie est un enjeu plus important que ces querelles politiques. Ivan Duque qui voulait profiter de la crise amazonienne pour se poser en leader continental avait donc des raisons de craindre un fiasco, il y a encore 24 heures. Rappelons que la majeure partie (60%) de la forêt amazonienne se trouve au Brésil, le reste se répartissant entre la Colombie, la Bolivie, l'Equateur, le Guyana, le Pérou, le Surinam, le Venezuela et la Guyane française. 

Sur le plan diplomatique, le spectacle est prêt. Jaïr Bolsonaro sera présent par vidéo-conférence. Reste évidemment à savoir si les présidents latino-américains vont prendre des décisions de fond. 



Pour l'ancien ministre colombien de l'Environnement, Manuel Rodriguez Becerra, il est douteux que cette réunion débouche sur des résultats concrets. « La destruction de la forêt amazonienne est due à des causes structurelles liées à l'économie des pays de la région. Et à moins d'éradiquer ces causes, ce genre de sommets reste forcément purement symbolique. 

Les gens doivent comprendre que les causes de tout ce qui se passe actuellement en Amazonie sont à chercher dans les politiques menées par les gouvernements de la région : la construction de routes, de barrages hydro-électriques, les exploitations minières et pétrolières, l'installation de nouvelles fermes d'élevage soutenues par les gouvernements, l'exploitation forestière ... tout cela n'est rien d'autre que extractivisme du 19ème siècle qui se poursuit en Amazonie ! Vous comprendrez alors pourquoi, lors de ce sommet régional, aucun chef d'Etat ne renoncera à cette politique en vigueur ! » 


? Entretien avec Christophe Ventura, spécialiste de l’Amérique latine, directeur de recherche à l’Institut de Recherche Internationale et stratégique (IRIS) 

 RFI : Quel est le sens du sommet d’urgence qui s’ouvre à Bogota ? 

 Christophe Ventura : Il n’était pas prévu il y a encore 2 semaines. Décidé après le bras de fer et la tension entre la France et le Brésil au moment du G7, il a pour but de formaliser une réponse brésilienne, et plus largement sud-américaine, à l’interpellation par le G7 de l’urgence de sauvegarde de la forêt Amazonienne. Les participants doivent travailler à l’élaboration de propositions sur la protection de l’Amazonie dont ils rendront compte lors de l’Assemblée générale des Nations unies fin septembre. La plupart des 9 pays impliqués territorialement par l’Amazonie sont présent à l’exception du Venezuela, les présidents colombiens et brésiliens ayant décidé de l’exclure de cette rencontre en raison des différends politiques avec le gouvernement de Nicolas Maduro. Jaïr Bolsonaro est excusé pour des raisons médicales. L’Amazonie est pour les pays sud-américains une question de souveraineté. Pour les Brésiliens, c’est même une question de souveraineté nationale, et donc un problème complexe. Tous ces pays souhaitent désormais aplanir les tensions entre le Brésil et les pays du G7. 

 Sur cette question internationale de la sauvegarde de l’Amazonie, quelle est la position des États-Unis et de l’Europe à l’égard du Brésil ? 

Donald Trump et Jair Bolsonaro ont une vision commune concernant le dérèglement climatique. Ils partagent aussi la volonté d’une alliance de leur pays en matière énergétique et de distribution des ressources naturelles. L’épisode du G7 a aussi éclipsé l’annonce de Donald Trump et de Jair Bolsonaro de la signature très prochaine d’un accord commercial entre les États-Unis et le Brésil. Par ailleurs, le président brésilien s’est d'ores et déjà engagé à faciliter et à favoriser l’entrée des entreprises américaines dans l’exploitation des ressources naturelles, en particulier dans le cadre de concession minière en Amazonie. Autrement dit, il souhaite réaligner les intérêts du Brésil sur ceux des États-Unis. Les pays européens se trouvent eux dans une position plutôt contradictoire. Leurs contributions financières sont en fait des mécanismes compensatoires pour les Brésiliens. La production agricole (soja, filière bovine) inonde les marchés américains, chinois et européens. L’interdiction de pesticides en Europe, induit en quelque sorte, une production délocalisée en Amazonie brésilienne. Les projets de reboisement de l'Amazonie par les Européens viennent en fait compenser d'autres dégâts causés par les politiques européennes. C’est un cercle vicieux et une position difficile à tenir pour l’Union européenne. À cela, il convient d’ajouter la promotion des accords commerciaux par l’Union européenne, dont les logiques profondes, stimule les maux qu’on prétend vouloir combattre. À savoir le réchauffement climatique et la production de carbone. 

 Quelle est aujourd'hui la position française sur l’Amazonie ? 

 Emmanuel Macron s’est engagé assez fortement. Il a souhaité que les pays du G7 affinent une proposition sur la question amazonienne et qu'elle soit présentée à la l'Assemblée générale des Nations unies à la fin du mois de septembre. Ce sera le prochain épisode. Est-ce qu’il y aura des propositions qui pourront aboutir sur le plan diplomatique et créer les conditions d’une certaine détente ? On le saura à ce moment-là. Les propositions, issues des deux sommets sur la question amazonienne seront alors officiellement présentées. Dans ce contexte, le point central pour Emmanuel Macron est de trouver une justification de sa grande réticence à la signature française du traité du Mercosur. Il nourrit des doutes très profonds sur l’adhésion de la France à cet accord. L’affaire amazonienne pourrait ainsi justifier de manière indirecte un éventuel futur retrait de la France.


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