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Avec une éventuelle contraception obligatoire, les Pays-Bas questionnent les limites de la vie

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Avec une éventuelle contraception obligatoire, les Pays-Bas questionnent les limites de la vie

À Rotterdam, la proposition de loi d'un élu municipal a suscité une vague d'indignation en Europe. La ville pourrait imposer (implant, stérilet...) une contraception aux femmes dont une éventuelle grossesse serait définie par un juge comme extrêmement dangereuse pour l'enfant, du fait de leur état psychiatrique, toxicologique et sanitaire.

Au-delà de cette mesure extrême, Rotterdam pose la question de la parentalité et des limites même de la vie humaine. Face à ces problèmes éthiques que les progrès scientifiques du XXIè siècle vont multiplier, les Pays-Bas font fi de tous les tabous pour trouver, de manière pragmatique, des solutions nouvelles.

Oser se poser des questions

À l'origine de cette proposition de loi, qui concernerait 10 à 20 femmes par an, un constat alarmant a été établi : chaque année des enfants naissent dans des conditions si dégradées qu'elles auront des conséquences physiques et psychologiques lourdes, au point de menacer leur vie. Un programme a déjà été mis en place par la ville de Rotterdam pour suivre environ 150 de ces femmes à très haut risque, sans obtenir de résultats satisfaisants concernant la santé et la sécurité des fœtus, nourrissons et enfants. Si la proposition de loi est très contestable et induit des risques majeurs, la question de la qualité de vie de ces enfants à naître se pose aujourd'hui.

Faut-il laisser naître des enfants dans des conditions dangereuses risquant de leur laisser de graves séquelles physiques et psychologiques ?

Les réactions européennes et notamment françaises ont été virulentes, invoquant l'eugénisme, la violation des droits humains ou encore des campagnes de stérilisation forcée. S'il est juste de pointer les dérives potentielles de cette proposition, il est à déplorer qu'aucun autre pays n'ait osé affronter la même question que la ville de Rotterdam : faut-il laisser naître des enfants dans des conditions dangereuses risquant de leur laisser de graves séquelles physiques et psychologiques ? Leurs voisins européens et français, peu enclins à ces nouveaux questionnements éthiques, campent derrière des postures philosophiques et morales, refusant le débat. Pourtant les promesses des découvertes scientifiques vont faire peser de nouvelles responsabilités démiurgiques sur nos sociétés, nous obligeant à questionner la définition même de la vie humaine.

Le pragmatisme néerlandais contre les postures philosophiques

Ces questionnements sur l'éthique du vivant, les Néerlandais les abordent avec un pragmatisme caractéristique de leur culture. Loin des grands débats d'idées, leur société considère que ces nouveaux enjeux doivent être étudiés à l'aune des situations concrètes et non de principes moraux. Leurs débats touchent aux limites de la vie humaine, comme l'avortement ou l'euthanasie, ainsi qu'aux manipulations biologiques et génétiques.

La question de changement de sexe est abordée de la même manière. Partant du constat que ces troubles de l'identité, reconnus par la médecine, entraînaient des situations de détresse extrême, pouvant aller jusqu'au suicide, les pouvoirs publics ont ouvert un débat. Dès la fin des années 1990, un hôpital d'Amsterdam a été le premier au monde à proposer un traitement inhibant la puberté chez les enfants transgenres. Accompagnés pendant leur enfance et leur adolescence par une équipe de médecins et de psychologues, ils peuvent changer de sexe, dans de meilleures conditions, à leur majorité.

Il serait pourtant abusif de voir dans l'adoption de ces lois, l'incarnation d'une idéologie libertaire et progressiste. Elles ne sont que des réponses pragmatiques apportées aux problèmes concrets des Néerlandais. Ainsi, sur la question de la recherche génétique, les Pays-Bas ont répondu en autorisant en 2016 le développement d'embryons humains destinés à des recherches scientifiques très spécifiques portant sur l'infertilité, la reproduction médicalement assistée ou encore les maladies héréditaires. Fruit d'une longue réflexion, cette autorisation est extrêmement encadrée et contrôlée.

Pas de réponse, mais des solutions

Pour autant, le pays ne possède pas de réponse miracle. Ses réflexions sur l'éthique sont encadrées de procédures strictes où tout est quantifié, répertorié et analysé, comme c'est le cas pour l'euthanasie. Si la pratique est dépénalisée depuis 2001, elle reste encadrée par des critères précis et strictement contrôlés. Chaque demande doit suivre une procédure méthodique et contraignante, qui quantifie et évalue des données selon une échelle de valeur que bien des pays se refusent à analyser : la souffrance du patient, ses perspectives d'évolution et la qualité de la vie qui lui reste à vivre. La question à laquelle cette procédure doit répondre est de savoir à partir de quand la vie ne mérite plus d'être vécue. La réponse ne peut résulter que d'un suivi individualisé.

La proposition de Rotterdam ne mérite peut-être pas le feu nourri de nos critiques. Une approche culturelle permet de comprendre que ce petit pays pragmatique prend à bras le corps des réflexions nouvelles. Leur exemple nous prouve que nos modèles philosophiques et moraux ne suffisent plus à considérer la complexité des questionnements auxquels nous devons, malgré nous, répondre. Pourtant aujourd'hui déjà les médecins doivent trancher ces questions au quotidien, sans cadre législatif pour les soutenir. Les frontières que nos scientifiques redessinent, nécessitent, à l'instar des Pays-Bas, une approche pragmatique et individualisée prenant en compte l'extrême complexité de ces nouvelles limites du vivant.



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