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En Afghanistan, comment les talibans essayent de changer leur image

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SOCIAL MEDIA VIA REUTERS
Le Mollah Baradar Akhund, assis avec un groupe d'homme dans le cadre d'une déclaration vidéo, publiée le 16 août 2021
Outre l'offensive militaire qui leur a permis de remettre la main sur le pouvoir en Afghanistan, les talibans se sont lancés dans une vaste opération médiatique.

AFGHANISTAN - Souriant aux journalistes, posant pour des selfies et même s'asseyant pour une interview télévisée avec une femme journaliste, les talibans semblent lancés dans une vaste opération de séduction médiatique, pour convaincre les Afghans et le monde qu'ils ont changé.

Mais tout le monde n'est pas convaincu. Les Afghans, en particulier les femmes et les minorités religieuses, gardent le souvenir du brutal régime fondamentaliste qu'ils avaient instauré lorsqu'ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001, puis des dizaines de milliers de morts provoqués par leur insurrection les deux décennies suivantes.

Que promettent les talibans?
"Sur l'idéologie, et les croyances, il n'y a pas de différence", a déclaré ce mardi 17 août l'un de leurs porte-parole, Zabihullah Mujahid, tenant sa première conférence de presse à Kaboul. Mais en terme "d'expérience, de maturité et de perspicacité, sans aucun doute, il y a de nombreuses différences", a-t-il repris.

Il a ensuite énuméré une longue liste de promesses alléchantes: une amnistie pour tous, des droits pour les femmes, dont celui de recevoir une éducation et de travailler, des médias indépendants et libres, et la formation d'un gouvernement inclusif. Un autre responsable taliban a même joint le geste à la parole en s'asseyant avec une femme journaliste pour une interview en face-à-face.

Les talibans ont aussi dit vouloir faire partie de la communauté internationale et promis que le sol afghan ne serait plus utilisé pour des attentats à l'étranger. Les États-Unis, à la tête d'une coalition internationale, les avaient chassés du pouvoir en 2001, en raison de leur refus de livrer le chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden.

Surtout, ils ont envoyé des représentants à une cérémonie marquant Achoura, l'une des principales commémorations religieuses pour les chiites, que les groupes extrémistes sunnites, dont eux-mêmes, considèrent pourtant comme des hérétiques.

Les talibans donnent ce type d'assurances depuis des mois. Mais derrière ces propos très généraux, ils restent silencieux dès qu'il s'agit d'entrer dans les détails. Tous ces engagements s'accompagnent aussi d'un avertissement: tout devra se faire en conformité avec leur propre interprétation de la loi islamique. Mercredi, ils n'ont pas hésité à tirer sur une foule de manifestants à Jalalabad.

Pourquoi n'inspirent-ils pas confiance?
Personne n'a oublié les excès auxquels leur interprétation ultra-rigoriste de la charia les avaient menés sous leur précédent régime.

Toutes les formes de divertissement (musique, télévision…) étaient interdites, les voleurs avaient les mains coupées, les meurtriers étaient exécutés en public, les femmes ne pouvaient ni travailler ni étudier, et celles qui commettaient des crimes comme l'adultère étaient fouettées et lapidées à mort.

Ils avaient été condamnés par l'ensemble de la communauté internationale pour avoir massacré des civils, en particulier les membres de la communauté chiite, restée une cible privilégiée de leurs attentats même après 2001.

Comme cette semaine, les talibans avaient aussi promis une amnistie générale quand ils étaient entrés dans Kaboul en 1996. "Nous ne croyons en aucune forme de vengeance", avait alors affirmé leur fondateur, le mollah Omar, aux habitants de la capitale.

Deux jours plus tard, ils exécutaient l'ancien président Najibullah et pendaient son corps à un lampadaire.

Pendant que ceux qui sont la face publique des talibans tentent de montrer un visage modéré, leurs combattants sont accusés, dans certains endroits du pays, de continuer à traquer des journalistes et de ne pas laisser les femmes entrer dans les universités.

À Kaboul, des images de femmes sur des devantures de magasins ont été vandalisées. Et dans les zones rurales et les villes plus petites, ils sont aussi accusés de brutaliser la population.

"Ils sont meilleurs en relations publiques maintenant (…) Ils parlent anglais, s'adressent aux médias internationaux", a relevé Pashtana Durrani, qui gère une ONG dédiée à l'éducation des femmes à Kandahar (sud), dans une interview à la chaîne britannique Channel Four.

"Ce qu'ils disent en conférence de presse et ce qu'ils font sur le terrain (…) sont deux choses différentes", a-t-elle souligné. "La grave réalité, c'est qu'ils n'ont pas changé. Ce sont les mêmes."

Les Afghans et le monde croient-ils en leurs promesses?
Malgré des mois de campagne pour s'attirer les bonnes grâces de la communauté internationale et rassurer leurs compatriotes, les talibans sont encore loin de les avoir convaincus.

Terrifiés, de dizaines de milliers d'Afghans ont essayé de fuir le pays depuis dimanche, se ruant vers l'aéroport de Kaboul dans des scènes de désespoir absolu.

Les femmes évitent depuis de sortir dans les rues. Les journalistes et les personnes ayant travaillé pour des organisations internationales qui n'ont pas pu quitter le pays tremblent de peur à l'idée d'être victimes de représailles.

La Chine, la Russie, la Turquie et l'Iran ont lancé des signaux d'ouverture aux talibans, mais personne n'est encore allé jusqu'à les reconnaître. Comme le note cependant le spécialiste de l'Afghanistan et professeur de sciences politiques, Gilles Dorronsoro sur franceinfo, certains n'auront d'autre choix que de dialoguer: "Iran, Pakistan, Russie (qui gèrent plusieurs frontières, comme celle du Tadjikistan) – ont intérêt à négocier, voire à reconnaître le régime qui va se mettre en place, car il faut gérer la frontière. Le trafic de drogue, les migrations, les flux, les douanes… Tous ces dossiers font que les talibans sont un interlocuteur obligé (…) Plus généralement, la Chine et le Pakistan veulent faire entrer l'Afghanistan dans leur sphère d'influence", note-t-il.

Interrogé sur Good Morning América, Joe Biden a estimé que les talibans traversaient une "sorte de crise existentielle sur le fait de savoir s'ils veulent être reconnus comme une gouvernement légitime par la communauté internationale". "Je ne crois pas qu'ils le veulent", a ajouté le président américain.
Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a prévenu mercredi les talibans qu'ils seraient "jugés sur les actes, pas sur les paroles", une position partagée entre autres par l'Allemagne, les États-Unis et la France.


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