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En Afghanistan, les calculs électoraux de Donald Trump se heurtent aux Taliban

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En Afghanistan, les calculs électoraux de Donald Trump se heurtent aux Taliban
En mettant fin aux négociations de paix engagées il y a un an avec les Taliban, Donald Trump a jeté un voile d’incertitudes sur l'une de ses promesses électorales : le retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Décryptage.


Donald Trump avait promis, lors de sa campagne électorale, de retirer les dernières troupes américaines d’Afghanistan et d’en finir avec les "guerres sans fin" dans lesquelles sont impliqués les États-Unis. Une promesse répétée à maintes reprises et qu’il espérait tenir au plus tard avant la présidentielle de 2020, afin d’en faire l’un des piliers de sa nouvelle campagne.

Un accord historique et inespéré semblait se dessiner entre Washington et les Taliban, mais après plusieurs mois de pourparlers en vue de trouver un compromis visant à mettre fin à dix-sept ans de conflit en Afghanistan, le président américain a fait volte-face. Deux tweets présidentiels lui ont suffi pour annoncer, le 7 septembre, la rupture brutale des négociations avec le mouvement insurgé afghan, et l’annulation d’un projet, jusqu’ici confidentiel, d’une rencontre avec "les principaux dirigeants des Taliban" à Camp David, une résidence aussi prestigieuse que symbolique.

Pour expliquer ce coup de théâtre retentissant, Donald Trump a mis en avant son exaspération, après l'attentat perpétré le 5 septembre à Kaboul. Cette attaque revendiquée par les insurgés a notamment tué un soldat américain. "Qui sont ces gens qui tuent autant de monde pour soi-disant faire monter les enchères ? Ils ont échoué, ils n'ont fait qu'aggraver leur position !", a tonné Donald Trump sur Twitter.

Un accord insuffisant aux yeux de Donald Trump ?

Selon le New York Times, la mort du soldat américain, Elis Angel Barreto Ortiz, a forcé Donald Trump à renoncer à la rencontre de Camp David, programmée, comme un symbole, quelques jours avant le 18e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, à l’origine de la guerre d’Afghanistan. "C’est terminé, nous ne pouvons pas faire cela", aurait déclaré le président américain, selon un officiel cité par le quotidien.

Toutefois, les spéculations vont bon train de l’autre côté de l’Atlantique quant aux raisons réelles qui ont motivé la décision soudaine de Donald Trump de mettre fin aux négociations avec les Taliban. D’autant plus que depuis le début du processus de dialogue, entamé il y a environ un an, plusieurs attentats ont été revendiqués par les Taliban. L’année 2018 a d'ailleurs été la plus meurtrière pour les civils en Afghanistan, avec 3 800 morts, en grande partie imputés aux insurgés.

"Les Taliban n’ont pas cessé ces derniers mois d’attaquer l’armée et la police afghanes, tout au long du processus de négociations, expliquait récemment Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes. Ils veulent dicter leurs conditions à une administration Trump, qui tente de trouver une porte de sortie honorable dans cette crise".

Le président américain a-t-il voulu reprendre la main sur un accord qu’il jugeait insuffisant, lui qui a coutume de vilipender les traités signés par ses prédécesseurs, comme l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, conclu par l’administration Obama et qualifié "de pire accord de l’Histoire ?". Certains experts le pensent.

"On ne peut être sûr de rien avec Donald Trump, mais il semble que sa décision a été motivée par plusieurs points, dont le premier est effectivement l’attentat dans lequel un militaire américain a été tué la semaine dernière, explique à France 24 Afzal Ashraf, professeur assistant de relations internationales à l’Université de Nottingham. Mais il se peut également qu’il cherche, lui qui se définit lui-même comme un négociateur hors-pair, à pousser les Taliban à faire des concessions de dernière minute, bien plus importantes."

Et d’ajouter : "Les deux parties cherchent à tirer profit de ces pourparlers mais aucune d’elles ne peut se permettre de sortir des négociations en position de faiblesse". Surtout pas Donald Trump, qui est déjà en campagne pour un deuxième mandat à la Maison Blanche.

Pressions sur la Maison Blanche

D’autant plus que ces derniers jours, malgré un consensus national sur la nécessité de mettre fin à l'intervention militaire en Afghanistan, une partie de la classe politique américaine a fait part de ses doutes concernant un processus mené tambours battants en raison du calendrier électoral américain.

Ainsi, plusieurs ex-ambassadeurs des États-Unis en Afghanistan ont mis en garde dans une tribune contre l’éventualité d'un retrait américain total, avant que la paix ne soit réellement revenue dans le pays. "Un retrait majeur des forces américaines devrait suivre et non pas précéder un vrai accord de paix", ont estimé les signataires de cette lettre ouverte, dont cinq ex-ambassadeurs, tous en poste dans les années qui ont suivi l'invasion américaine de 2001, après le 11-Septembre.

"Il y a eu beaucoup de pression sur la Maison Blanche concernant ce processus, et pas seulement de la part des anciens ambassadeurs, mais aussi du côté du Congrès et des sénateurs qui ont fait part de leur inquiétude", explique à France 24 Fahimeh Robiolle, spécialiste de l’Afghanistan et maître de conférences à l’ENA.

D’après les médias américains, des divisions sur cette question sont apparues au sein même de l’administration Trump, notamment entre d’un côté le secrétaire d’État Mike Pompeo et le négociateur en chef Zalmay Khalilzad, favorables à l’accord et le conseiller du président à la sécurité nationale John Bolton, partisan d’un retrait sans accord pour ne pas se compromettre avec les Taliban.

Selon les premiers éléments dévoilés, le projet d’accord prévoit un retrait initial, sous 135 jours, de cinq bases dans lesquelles les forces américaines sont postées. Au terme de cette première étape, 8 600 soldats américains resteraient en Afghanistan, contre 13 000 à 14 000 aujourd'hui. En échange, les Taliban promettaient des garanties dans le contre-terrorisme, une "réduction de la violence" et le lancement de négociations de paix directes avec les autorités de Kaboul, ce à quoi les insurgés s'étaient jusqu'ici toujours refusés.

L’initiative surprise de Donald Trump a jeté un voile d’incertitudes sur ce processus, même si Mike Pompeo a assuré que la porte des négociations restait ouverte, à condition que les Taliban "changent d'attitude".

De leur côté, les Taliban, qui auraient provoqué le courroux du président américain en refusant de se rendre à Camp David selon le New York Times, ont promis, après la volte-face de Washington, de "poursuivre leur jihad" jusqu'à la "fin de l'occupation" et de faire souffrir "l'Amérique […] plus que tout autre". Et contrairement au président américain, pressé par le calendrier électoral, le temps joue en leur faveur.

"Les Taliban ont défini depuis plus d’une décennie que leur victoire passait par le départ des Américains d’Afghanistan, quelle que soit la manière ou la date, souligne le professeur Afzal Ashraf. Car leurs principaux atouts dans ce conflit sont la patience et la persistance. Même si ces négociations échouent, ils savent qu’en définitive, les États-Unis reviendront à la table des négociations, afin que Donald Trump puisse tenir sa promesse de ramener ses troupes au pays. Parfois, la patience et la persistance sont plus forts que les capacités militaires."


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