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États-Unis: le grand recul des droits des personnes trans

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États-Unis: le grand recul des droits des personnes trans
Entre criminalisation des soins et invisibilisation, le backlash conservateur a cette année une violence inédite.

«Le transgendérisme doit être totalement éradiqué de la vie publique.» La phrase de Michael Knowles, commentateur politique au Daily Wire, n'est pas passée inaperçue durant la Conservative Political Action Conference (CPAC). L'événement, grand-messe du conservatisme états-unien, a souligné l'ampleur de la menace que représente le Parti républicain pour les droits des personnes trans. Dans près de la moitié du pays, les propositions de loi se multiplient depuis plus de quatre ans et connaissent cette année une ampleur inédite.

Au niveau fédéral, la Chambre des représentants, désormais à majorité républicaine, vient de voter le Parents Bill of Rights, un texte qui renforce l'implication des parents dans l'éducation de leurs enfants et contient de nombreuses dispositions «anti-trans». S'il apparaît évident que le texte ne parviendra pas à être voté au Sénat, il symbolise l'unité du Parti républicain autour de cette bataille culturelle alimentée par un salmigondis anti-woke se traduisant par des mesures particulièrement hostiles aux libertés des minorités.

Ainsi, dans la Bible Belt, les soins de transition accordés aux jeunes trans sont désormais criminalisés ou en passe de l'être. Ce mouvement s'étend progressivement aux autres États dominés par le Parti républicain.

L'exode vers les côtes

«Parfois, les gens veulent simplement savoir s'il existe un État plus sûr dans lequel ils peuvent déménager. J'ai créé la carte des risques législatifs dans le but précis de répondre à cette question.» Sur son blog, l'activiste Erin Reed explique les raisons qui l'ont poussée à documenter de manière exhaustive les très nombreuses propositions de loi qui menacent les droits des personnes trans aux États-Unis.

Sur sa carte, la Bible Belt apparaît en rouge écarlate. Cette zone, qui couvre entre autres les États du sud tels que le Texas, l'Arkansas, la Louisiane, le Mississippi, l'Alabama, la Géorgie ou encore la Floride cristallise le poids du ressentiment religieux à l'égard de la transidentité.

Dans l'État du Texas, le discours du lieutenant-gouverneur Dan Patrick a donné le ton sur les priorités de la session législative 2023: rappelant que «la tradition veut que les numéros des propositions de loi 1 à 20 indiquent les priorités du lieutenant-gouverneur et du Sénat», le numéro 2 de l'exécutif texan a présenté un ensemble de trente propositions de loi introduites au Sénat. La Senate Bill 14 vise à interdire les soins de transition aux moins de 18 ans, la Senate Bill 12 à interdire les «drag shows» en présence d'enfants et la Senate Bill 15 à exclure les jeunes trans des compétitions sportives scolaires.

Certaines familles n'ont pas attendu le vote de ces lois pour fuir: la chaîne Spectrum News 1 parle ainsi du cas de Suzanne et Peter Sanders, qui ont fait le choix de l'exode pour protéger leur fille trans de 11 ans. La famille Sanders a choisi l'Oregon, un État de la côte ouest situé entre l'État de Washington et celui de Californie. À l'instar des deux États limitrophes, l'Oregon est un État particulièrement protecteur pour les personnes trans.

Témoignant pour Spectrum News 1, le président de l'association Equality Texas, Ricardo Martinez, évoque l'exode d'une quinzaine de familles, contraintes au départ pour se protéger d'une législation devenue hostile. Dans les États du sud supérieur, la situation est la même: dans le Kentucky, une déferlante de propositions de loi sévit depuis plus de quatre ans.

Dans le Kentucky, Berg contre Maddox

Le 18 décembre 2022, Henry Berg-Brousseau s'ôtait la vie. Le jeune homme, attaché de presse adjoint pour l'organisation Human Rights Campaign, se serait suicidé en raison des difficultés qu'il rencontrait pour se faire accepter. En 2015, Henry avait témoigné contre une «bathroom bill», une proposition de loi destinée à contraindre toute personne à utiliser les toilettes correspondant à son «sexe de naissance». «S'ils veulent adopter ces propositions de loi, je veux qu'ils me voient, moi et mon enfant mort, et qu'ils sachent qu'ils sont en train de tuer d'autres Henry.» Ces mots, publiés dans le Washington Post, sont ceux de la sénatrice Karen Berg, la mère de Henry.

L'élue démocrate doit composer avec une chambre haute radicalement républicaine: sur les 38 sièges qui la composent, 30 sont occupés par le Parti républicain. Une super-majorité qui s'exprime sans retenue contre les personnes trans: elle a récemment voté la Senate Bill 150 (SB 150), une proposition de loi destinée à interdire les soins de transition, à mettre en œuvre une «détransition» des personnes mineures et, entre autres, à autoriser le corps enseignant à mégenrer les élèves. Bien que le gouverneur démocrate Andy Beshear ait utilisé son veto, les deux chambres de l'État l'ont outrepassé en le votant à nouveau. Contrairement à de nombreux États qui requièrent un vote à la majorité des deux-tiers, le Kentucky est l'un des six États américains à n'imposer qu'une majorité simple.

La SB 150 n'est qu'un texte parmi d'autres: la House Bill 177 (HB 177) a pour objet d'interdire à tout enfant, quel que soit son niveau scolaire, de recevoir tout type «d'enseignement ou de présentation ayant pour but d'étudier, d'explorer ou d'informer les élèves sur l'identité de genre, l'expression de genre, l'orientation sexuelle ou les relations sexuelles». La HB 470, quant à elle, prévoit le retrait de l'autorisation d'exercer au personnel qui octroierait des soins de transition de genre à des personnes mineures. Derrière ce texte, l'élue républicaine Savannah Maddox. Opposante de longue date aux droits des personnes trans et cosignataire de nombreuses propositions de loi, elle s'est récemment félicitée de l'adoption de son texte par la chambre basse.

Parmi les alliés inattendus du Parti républicain et des mouvements réactionnaires tels que l'Alliance Defending Freedom ou la Heritage Foundation dans cette lutte, le nom du Women's Liberation Front revient souvent et apparaît comme la caution progressiste du combat conservateur contre la transidentité. Ce fait surprenant n'est pas circonscrit aux États-Unis: il se retrouve également au Royaume-Uni et en France.

«Radfem»: les ennemis de mes ennemis…

En 2020, la Cour suprême des États-Unis rendait sa décision dans l'affaire Bostock v. Clayton County. À la surprise générale, le juge Neil Gorsuch, nommé par le président Trump en 2017, concluait qu'un employeur qui licencie un employé simplement parce qu'il est homosexuel ou trans viole le Titre VII de la loi sur les droits civiques de 1964.

Dans l'affaire R.G. & G.R. Harris, consolidée avec l'affaire Bostock –et donc jugée simultanément–, un amicus brief (mémoire «en ami de la Cour») interpelle: celui du Women's Liberation Front (WoLF), en soutien à l'employeur ayant licencié Aimee Stephens. L'association féministe radicale est une alliée régulière du «transantagonisme», n'hésitant pas à s'afficher aux côtés de la droite radicale dans ce combat commun.

En 2019, l'une de ses membres, Julia Beck, s'était exprimée sur le plateau du commentateur phare de Fox News, Tucker Carlson, pour exprimer son point de vue sur la transidentité: «LG et B s'appuient sur la sexualité, sur des réalités biologiques, alors que le T s'appuie une identité de genre, ce qui n'est pas une réalité biologique. […] LGB est donc très différent du T. Je ne pense pas qu'il soit juste de nous regrouper sous le même acronyme», avait-elle affirmé.

Le phénomène n'est pas propre aux États-Unis: au Royaume-Uni, la LGB Alliance se livre aux mêmes pratiques, au point que sa branche irlandaise a été récemment classée à l'extrême droite par le Global Project Against Hate and Extremism. En France, la plateforme Femelliste sert de porte-voix à Marguerite Stern et Dora Moutot, lesquelles s'expriment volontiers dans les colonnes de Valeurs actuelles, média pourtant peu reconnu pour ses engagements féministes. Le féminisme radical est-il ici l'allié du camp conservateur?

Pour Louve, du collectif de femmes trans et cis Toutes des femmes, cette alliance paradoxale est à relativiser. Interrogée, elle affirme que ces organisations «n'ont rien de “radical” à part leur “transphobie”: elles n'adhèrent pas à une vision de masse du mouvement féministe mais privilégient de passer par les médias et “la culture”, elles s'appuient sur des structures très élitaires, et surtout, leurs demandes à ce stade sont quasiment exclusivement limitées à ce sujet».

L'engagement «radfem» (mot-valise constitué de «radical» et «féministe»), en opposition aux droits des personnes trans, s'exercerait ainsi en trompe-l'œil: «Le Women's Liberation Front, aux États-Unis, qui intègre les éléments discursifs du féminisme radical, propose une plateforme législative exclusivement consacrée au fait d'interdire le changement de sexe, comme si se débarrasser des personnes trans était l'alpha et l'oméga pour éradiquer le patriarcat –ce qui soit dit en passant est également plus ou moins ce que propose la plateforme Femelliste, que l'on aurait du mal à qualifier d'organisation et est davantage une agence de relations publiques pour deux influenceuses», surenchérit Louve.

Prochainement, la Cour suprême aura à se prononcer sur une demande d'annulation d'injonction: cette décision, qui ne concernera pas le fond de l'affaire, pourrait néanmoins permettre à la jeune Becky d'intégrer une équipe de cross-country, ce qui lui est actuellement impossible en raison d'une loi promulguée récemment en Virginie-Occidentale. Parmi les mémoires déposés en soutien à l'État, on y retrouve le WoLF.


2 Commentaires

  1. Auteur

    En Avril, 2023 (23:31 PM)
    des paroles pleine de bon sens

    il faut eliminer cette culture de dégénéré
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  2. Auteur

    Bill

    En Avril, 2023 (07:30 AM)
    Et seneweb nous en fait la promo

     
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