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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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Hollande et les pères de la Nation

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Hollande et les pères de la Nation

Un climat détestable.

Pas seulement à cause du racisme qui vient de s'inviter dans une partie -heureusement minoritaire quoique bruyante- de l'opinion. Pas seulement à cause des conflits dont les meneurs aimeraient bien qu'ils coagulent, mais qui n'y parviennent pas : écotaxe, hausse de la TVA annoncée, ras le bol fiscal, Bretagne inquiète, enseignants en colère, maires frondeurs, parents d'élèves ébranlés, camionneurs mobilisés, jusqu'aux supporters de l'équipe de France qui, ce week-end sur Twitter, faisaient porter au Président français la responsabilité de l'échec face à l'Ukraine!

Cela étant, malgré l'instrumentalisation par certains de mécontentements disparates, les vrais sujets sont incontournables: crise de l'agroalimentaire, essoufflement des contribuables auxquels on demande de plus en plus de participer au redressement d'une économie dont ils ont le sentiment qu'elle piétine, angoisse devant des lendemains français et européens incertains, vertige devant une école dont on voit bien qu'elle n'est plus adaptée, mais à laquelle toutes les parties concernées répugnent à toucher.

Les Français ont donc de quoi vaciller dans leurs espérances et le pouvoir politique s'inquiéter.
Toutefois, les appels à la dissolution sont vains et ceux à la démission indécents.

Si l'on sentait que la droite réconciliée, modernisée, avec des propositions fortes, allant au-delà de la flatterie des populismes ambiants, avait un projet clair, une force de conviction argumentée, un leader charismatique, la dissolution serait un outil pour permettre à la droite de mettre en oeuvre sa politique à la place d'une gauche qui semble perdue entre l'affirmation de ses valeurs et le réalisme obligé. Mais c'est loin d'être le cas: elle surfe sur les fractures, et rien ni personne ne s'impose.

Alain Juppé, dont on entend la voix forte dans les épreuves mais par ailleurs silencieux, sait bien que la situation est très difficile, et serait-il l'enchanteur Merlin, qu'il serait tout aussi impuissant que le prestidigitateur Hollande. Nicolas Sarkozy, qui prend garde à ne rien dire qui pourrait rappeler de mauvais souvenirs (comme le fait que l'écotaxe soit son héritage, par exemple), n'en serait, lui non plus, pas si heureux que cela. Le scénario qui, à l'allure où nous allons, conduit la majorité actuelle dans le mur en 2017 lui est autrement profitable, plutôt qu'une cohabitation qui interviendrait pendant trois ans de gestion du marasme. Il se rappelle les élections de 1986, où pendant deux ans, la droite au gouvernement sous François Mitterrand Président a capoté de telle sorte que le Président sortant fut réélu en 1988.

Quant aux souhaits de démission de François Hollande, ils sont tout simplement indécents, et reposent sur la vieille idée que la gauche n'est pas légitime. Hollande est l'élu du suffrage universel, exprimé nettement il y a 18 mois, la démocratie impose que l'opposition s'en accommode et se contente de préparer son retour. Heureusement, les lamentables sifflets du 11 novembre ont permis aux démocrates de droite qui les ont dénoncés de se différencier des extrêmes.

Reste à donner une feuille de route, probablement à un nouveau gouvernement. Un remaniement n'aurait aucune portée s'il s'agissait, comme sur les stands de foire de renverser seulement la figurine Ayrault. Et même sur la politique économique, un futur gouvernement Manuel Valls, Michel Sapin ou Pascal Lamy ne pourrait que s'entêter, en espérant l'embellie qu'on nous annonce périodiquement, tout en faisant des changements à la marge.

En revanche, un discours non de la méthode, mais sur les objectifs, sur la vision du monde vers lequel nous allons, paraît inévitable. Il n'est pas facile à tenir à une France en perte de vitesse dans le monde, désormais soumise à des impératifs mondialisés. Pas facile des les convaincre non plus qu'avec l'Europe, c'est tout de même mieux que sans. Il doit pourtant être possible de dire aux Français des paroles de vérité sur la place plus réduite d'une France en crise dans un continent qui ne l'est pas moins. Plus qu'un virage sur l'aile, c'est une conviction forte que les citoyens semblent attendre aujourd'hui.

Un Président, quoiqu'on pense de nos progrès démocratiques, est d'abord et toujours un "père de la Nation". Un rôle plus facile à endosser quand on est Clémenceau ou Churchill et qu'on est cerné par l'ennemi, mais qu'un de Gaulle, un Mitterrand, voire même un Chirac saurait assumer aujourd'hui.

Si le Président pense qu'il vaut mieux maintenir l'écotaxe plutôt que la ranger aux oubliettes, il devra le dire. S'il est convaincu que la semaine de 4 jours et demi est meilleure pour les enfants et la qualité de l'enseignement, il doit s'y tenir, quitte à aménager -ce que Vincent Peillon a annoncé- un mode de financement pour les activités périscolaires. S'il veut convaincre que la pause fiscale est réelle, il doit s'interroger sur l'opportunité de l'augmentation de la TVA sur les transports en commun. Si son autorité et son esprit de décision sont en cause, il doit montrer une fermeté sans égale face à la loi bafouée tous les jours au nom d'intérêts particuliers. Car il suffit désormais qu'un projet de loi déplaise à certains pour qu'ils fassent acte de désobéissance civile, que les bonnets rouges demandent la suppression quand la suspension seule a été annoncée, ou que les enseignants ou les maires décident que dans telle commune, la loi ne s'appliquera pas. C'est à mon sens la première fois qu'hors période révolutionnaire, la force de la loi est ainsi mise en cause.
On en revient donc à l'éternelle problématique: c'est au Chef de l'Etat de proposer le chemin. S'il l'affirme avec force, il sera peut-être politiquement sanctionné à terme - c'est la beauté de la démocratie - mais pas démantibulé, mis à mal, jour après jour.

Au-delà même du pouvoir d'achat, de l'emploi, de l'avenir des enfants qui sont les vrais sujets d'alarme des Français, ceux-ci demandent aussi de la sécurité, de l'autorité, de la fierté d'identité. Qu'est-ce que la France aujourd'hui ? Que sera-t-elle en 2020 ? La solidarité, fondement de la politique sociale française depuis le Conseil National de la Résistance est-elle toujours notre socle ? Comment chacun de nous peut-il participer de cet avenir pour le construire, ou pour en atténuer les remous?

Tous les analystes, chercheurs en sciences sociales, tentent de déchiffrer depuis quelques semaines le désarroi français, face à une gauche qui paraît irrésolue, et une droite pour laquelle tout est bon pour fragiliser un pouvoir qu'elle trouve illégitime depuis le début. Je retiens l'analyse de Gael Brustier, politologue, chercheur, spécialiste de l'extrême droite qui donnait son point de vue dans Libération cette semaine: "Le moteur de la droitisation sont les paniques morales", disait-il. Et il ajoutait "Toutes les défaites politiques sont d'abord des défaites de la pensée".

Face à la panique et à l'absence de pensée, François Hollande doit mettre en musique sa mission d'adulte qui rassure parce qu'il sait où l'on va, alors que les enfants ne le savent plus. Il lui reste trois ans et demi pour devenir ce personnage.



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