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L'émouvante histoire de ce Syrien parmi les ruines

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L'émouvante histoire de ce Syrien parmi les ruines

Au milieu d’une chambre en ruine, il est assis sur le bord d’un lit, une pipe à la main, les jambes croisées. Une épaisse barbe blanche mange son visage. Il écoute de la musique, des gravats tout autour de lui. Cette frappante photographie de Mohammad Mohiedine Anis, un Syrien de 70 ans, prise à Alep, le 9 mars, est devenue virale sur internet, le week-end dernier. Le vieil homme, aussi connu sous le nom d’Abu Omar, est un collectionneur de voitures vintage. Il habite al-Shaar, un des quartiers les plus pauvres d’Alep Est, la zone qui a le plus souffert de l’affrontement entre les rebelles et les forces armées du régime de Bachar al-Assad.

Les voitures de collection de Abu Omar sont stationnées dans sa rue, au milieu des décombres. (Photo : Joseph Eid/AFP)

Abu Omar a déjà croisé la route des journalistes du bureau de l’AFP de Beyrouth. En 2016, Karam al-Masri lui consacrait une vidéo. On découvrait alors cet homme, père de huit enfants, qui dirigeait une usine de cosmétiques à Alep, avant le début du conflit, il y a six ans. Ce fervent adepte des « vieilles choses » possède trente voitures de collection. Elles sont entreposées dans les rues, tout autour de sa maison de deux étages où il vit seul, car sa famille a fui les violents affrontements. Il les chérit « comme ses proches », raconte-t-il dans la vidéo.

Cadillac, Chevrolet, 2 CV van…

Dans la rue défoncée, il passe en revue ses véhicules aux pare-brise éventrés, aux phares explosés et à la carrosserie crevée, témoins des bombardements qui ont eu lieu : des Américaines des années 1950, des Buick, des Cadillac, des Chevrolet et quelques Allemandes dont des Volkswagen et une Française, une 2 CV fourgonnette Citroën. « J’ai trois Cadillac parce qu’il s’agit des voitures les plus luxueuses. Tout collectionneur de voitures se doit de posséder une Cadillac », explique-t-il aux journalistes.

On lui a proposé de les acheter. Il ne veut pas s’en séparer. Il espère les léguer à ses enfants. Mais depuis, Abu Omar a perdu un tiers de sa collection. Les voitures ont été volées ou complètement détruites.

Le vieil homme a perdu un tiers de sa collection dans le conflit. (Photo : Joseph Eid/AFP)

Après la reprise du quartier par l’armée du régime, le chef du bureau de l’AFP à Beyrouth, Sammy Ketz et le photographe Joseph Eid, sont retournés dans Alep Est, pour évaluer la situation. Là, ils ont retrouvé Abu Omar. Le vieil homme avait quitté la zone lorsque les combats s’intensifiaient. Il raconte son retour à l’AFP. « Quand je suis revenu et que j’ai vu ce qu’il restait de ma maison, je suis resté sous le choc. »

En 2016, Abu Omar, dans sa maison, avant qu’elle ne soit davantage détruite dans les bombardements. (Photo : capture d’écran AFP)

Les journalistes qui ont frappé à son grand portail vert le suivent dans les ruines de sa maison. « En voyant la situation, nous avons senti qu’il fallait que nous racontions son histoire », témoigne le photographe, dans l’hebdomadaire américain TIME. Une fois dans la chambre dévastée, Abu Omar leur a expliqué qu’il continuait à utiliser son phonogramme, le même qu’on peut voir dans la vidéo de 2016. « Il s’en sert beaucoup, surtout ces derniers jours. Le mécanisme est manuel, pas besoin d’électricité. Il nous a proposé d’écouter un disque, mais en nous prévenant qu’il ne pouvait pas écouter de la musique sans fumer sa pipe. »

Six ans de conflit

Alors les journalistes ont attendu que le vieil homme allume sa pipe, qu’il s’installe sur son lit détruit, dans sa chambre ravagée et dans ce qu’il restait de sa maison, dans ce quartier en ruine, pour immortaliser ce moment hors du temps. Abu Omar a mis son disque préféré, un vieux morceau en arabe du chanteur syrien Mohamed Dia al-Din. C’est là que les journalistes ont compris pourquoi il n’avait pas quitté les lieux. « Il est tellement attaché à son passé et aux choses qu’il a toujours aimées et chéries… Il perdrait son identité s’il devait vivre sans tout cela », assure Joseph Eid.

En 2016, Abu Omar avait reçu des journalistes du bureau de l’AFP de Beyrouth. (Photo : capture d’écran AFP)

D’autres ont dû s’y résoudre. Depuis le début du conflit, il y a six ans ce mercredi, la guerre en Syrie a fait plus de 321 000 morts (dont 96 000 civils), et 145 000 disparus. Il s’agit du dernier bilan publié par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (l’OSDH, une ONG proche de l’opposition syrienne qui utilise un réseau de contacts en Syrie pour dresser un bilan quotidien de la guerre). L’Onu, elle, a arrêté de compter les victimes du conflit, faute de pouvoir s’appuyer sur des relais locaux hétérogènes. Le Haut-Commissaire de l’Onu aux droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, estime que le conflit syrien est « la pire catastrophe provoquée par l’homme depuis la Seconde Guerre mondiale ».



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