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Pour G'nima, atteinte de diabète sévère, l'expulsion signifie "la mort"

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Pour G'nima, atteinte de diabète sévère, l'expulsion signifie "la mort"

"C'est l'Etat qui est en train de me tuer." Les mots sont amers mais expriment le calvaire de G'nima, une sénégalaise de 44 ans diabétique, depuis le refus de renouvellement de sa carte de séjour en 2007. Restée en France malgré tout, son sort de mère célibataire est suspendu à l'issue du débat sur le droit au séjour des "étrangers malades", soulevé dans le cadre du projet de loi sur l'immigration.

Le pas est lent, l'œil cerné, mais de son imposante stature, enveloppée dans une robe traditionnelle noire ornée de sequins dorés, se dégage une force. Aucun apitoiement, juste le soulagement de se délester un peu du poids du quotidien, accaparé par son triple combat : contre la maladie, les administrations et la misère. Sans sa fille et sans la foi, G'nima l'avoue : "je serais déjà morte".

L'exil en France, G'nima ne l'avait jamais envisagé. Ni pendant son enfance heureuse au Sénégal, entourée de ses parents et de ses quatre frères et sœurs. Ni pendant ses douze années de vie de femme d'expatriée et d'heureuse maman de trois enfants en Arabie saoudite, où elle a suivi son mari professeur d'anglais.

"MOI, J'AI DIT NON"

La France, elle y vient en 2000 "sur un coup de tête". Lors d'un séjour au Sénégal, son mariage tourne court. "Il a épousé ma copine derrière mon dos, alors j'ai demandé le divorce", s'insurge-t-elle, arguant de la clause de monogamie stipulée sur le contrat de mariage. La famille ne veut pas entendre parler de divorce. "Moi, j'ai dit non, assène-t-elle, je ne me laisse pas faire juste parce qu'on a des enfants ensemble". Rien n'y fait. Visa en poche, elle choisit de fuir.

A Paris, G'nima n'a que quelques contacts. Les enfants sont restés au Sénégal, avec sa sœur. "Je veux qu'ils continuent leurs études, je veux que mes enfants grandissent au Sénégal pour leur éducation", explique-t-elle. Le manque se fait sentir. Ils s'appellent souvent, elle leur envoie ce qu'elle peut.

A son arrivée à Paris, elle travaille au noir dans une blanchisserie de Saint-Lazare. Ils font la tournée des foyers en camionnette pour récupérer les vêtements. "Ca marchait très bien", se souvient-elle. Elle arrive à gagner 1 000 à 1 200 euros par mois. Un petit pécule qui fond comme peau de chagrin, une fois payés, au marchand de sommeil, les 500 euros de son deux pièces à La Chapelle. Elle espère pourtant économiser pour "acheter une maison au Sénégal".

"JE N'AI PAS COMPRIS"

La maladie la rattrape fin 2003. Hospitalisée pour une tuberculose, ses analyses révèlent quelque chose de plus inquiétant encore. Le verdict tombe: "diabète sévère". "J'étais paniquée car je ne connaissais pas la maladie", se souvient-elle. La drépanocytose, une maladie génétique dont elle est porteuse, aggrave son état. Commencent alors les hospitalisations à répétition et les checks-up complets tous les trois mois. Et le traitement, lourd : quatre injections d'insuline par jour et des médicaments "qui n'arrêtent pas de changer" avec les complications : hypertension, problèmes aux pieds, cécité progressive.

Dès son premier mois d'hospitalisation, le médecin entreprend les démarches pour qu'elle obtienne l'assurance-maladie et la carte de séjour temporaire pour "étrangers malades". En septembre 2004, elle obtient une première autorisation d'un an, au motif de soigner sa tuberculose. Facilement. "Ils ont peur, il faut qu'ils me traitent pour éviter l'infection de tuberculose". C'est un enjeu de santé publique. Sa carte de séjour sera renouvelée deux fois, cette fois pour traiter son diabète. Elle quitte enfin son immeuble insalubre du 18e, pour un centre associatif qui l'accueille avec sa fille, née entre-temps.

G'nima profite de sa régularisation pour rentrer quatre mois au Sénégal en 2006, voir ses enfants. Elle essaie de s'y faire soigner. Là-bas, le traitement "coûte tellement cher que les gens demandent à ceux qui sont en France de leur amener". Sans assurance-maladie, il ne reste que la médecine traditionnelle. Le diabète, "beaucoup en meurent", résume-t-elle. Pendant son séjour, son fils aîné décède, lui, de la drépanocytose.

AU JOUR LE JOUR

En septembre 2007, nouveau coup dur. La préfecture lui refuse sa troisième demande de renouvellement, à "état de santé constant", précise-t-elle. "Les Sénégalais peuvent se faire soigner chez eux", lui oppose-t-on. Elle a un mois pour quitter le territoire. G'nima s'accroche et multiplie les recours, aidée de la Cimade. A chaque passage à la préfecture, les règles ont changé. Le projet de loi actuellement discuté ? "J'en ai entendu parler", mais pour elle, la "loi" a changé en 2007, "sans raisons". La faute à Sarkozy, dit-elle. "La France a ses problèmes, mais dès qu'ils veulent les résoudre, il faut qu'ils nous emmerdent, nous, les immigrés." Elle n'est sûre que d'une chose : "Si je n'ai pas le traitement, c'est la mort."

G'nima est expulsable à tout moment. Mais, elle n'a "pas peur", elle "est habituée". "Je ne suis pas contrôlée, ils savent que je suis là, ma fille va à l'école", explique-t-elle. Le plus dur, ce serait d'être "dans la rue, malade, avec une fille". Elle vit "au jour le jour", sans aide sociale, hormis 80 euros de cantine. "Le reste, c'est moi qui me débrouille", travaillant au noir quand la maladie lui laisse un peu de répit. Mais son état empire. Elle reste parfois des mois en fauteuil roulant. Le diabète a touché ses yeux, elle a besoin de lunettes. "Je n'arrive pas à faire le régime normal", admet-elle, elle mange ce qu'on lui donne au foyer.

L'avenir ? "Zéro, répond-elle. Parfois, j'ai même pas envie de continuer. Ma vie est foutue, ratée." Sa fille est sa seule motivation. "Je donne toute ma vie pour qu'elle réussisse", dit G'nima. La petite a des problèmes de peau, elle est "traumatisée", lui disent les médecins. "Je continue pour qu'elle ne me dise pas 'tu n'as même pas tout essayé', poursuit-elle. Si c'était pas pour elle, je ne sais pas."



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