Jeudi 18 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Top Banner
International

Que peut-on vraiment espérer de l'accord sur le cessez-le-feu en Syrie?

Single Post
Que peut-on vraiment espérer de l'accord sur le cessez-le-feu en Syrie?

Sommes-nous à l'aube d'une sortie de crise en Syrie ? Mardi 23 février, Damas a en tout cas accepté l'idée d'un cessez-le-feu sur la base de la proposition faite la veille par la Russie et les États-Unis. Proposition qui a d'ailleurs été approuvée "sous conditions" par l'opposition syrienne.

Cet accord prévoit la cessation des hostilités en Syrie à partir du samedi 27 février, mais ne concerne toutefois pas les organisations terroristes, à savoir Daech et le Front al-Nosra. Dès l'annonce de ce projet, le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-Moon, saluait l'initiative américano-russe expliquant que cette trêve constituait un "signe d'espoir pour la population syrienne". Cette proposition d'arrêt des combats intervient près de trois semaines après l'échec de négociations de paix intersyriennes à Genève et alors qu'une trêve censée entrer en vigueur vendredi dernier, conformément à un accord parrainé par Moscou et Washington, a été complètement ignorée.

Est-ce que cet accord validé à la fois par l'opposition syrienne et Bachar al-Assad signe-là un début de résolutions de crise ? Au regard de l'implication des différents acteurs dans le dossier, la prudence doit rester de mise. Explications.

Le soutien de la Russie à Damas a (malgré tout) des limites

Depuis l'annonce de cet accord, la Russie se montre optimiste sur ses suites. D'ailleurs, le Kremlin a promis que sa diplomatie "fera le nécessaire" pour que Damas respecte les conditions du cessez-le-feu. "Le plus important c’est que les conditions sont en train d’être créées pour le lancement d'un vrai processus politique, à travers un large dialogue inter-syrien à Genève sous l’égide de l’Onu", a même renchéri Vladimir Poutine qui, avec cet accord, confirme son statut d'incontournable sur le dossier syrien.

Cependant, au vu de l'action (très contestée) de la Russie en Syrie, peut-on faire confiance à l'enthousiasme du Kremlin ? Ce n'est pas impossible. Il y a quelques jours, Poutine douchait les ambitions de Bachar al-Assad lequel souhaitait retrouver l'intégrité territoriale de la Syrie. "Ce qui compte ce n'est pas tant ce que Bachar el-Assad dit, mais ce qu'il finira par faire", avait d'ailleurs mis en garde Vitali Tchourkine, ambassadeur russe à l'Onu. Une façon de faire comprendre à la Syrie que le soutien de la Russie a (malgré tout) des limites, la volonté de Vladimir Poutine étant d'apparaître comme une solution à la crise, et non l'un de ses problèmes.

Ce faisant, la Maison Blanche et le Kremlin consentent de plus en plus à accorder leurs violons. "Si le scepticisme est toujours de mise, il semble y avoir aujourd'hui une coordination encore plus étroite entre Russes et Américains, qui semblent prêts à se porter garant de cette trêve et à influencer leurs alliés respectifs", a d'ailleurs expliqué à l'AFP Karim Bitar, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques. "La priorité désormais est de garantir des réponses positives de la part du régime syrien et de l'opposition armée, ainsi qu'une mise en oeuvre fidèle (de l'accord) par toutes les parties", a souligné de son côté le président américain insistant sur la nécessité de concentrer les efforts dans la lutte contre Daech.

Des législatives annoncées

Quelques heures après l'annonce du cessez-le-feu par la Russie et les États-Unis, Damas a annoncé l'organisation d'élections législatives pour le 13 avril. Faut-il y voir un hasard du calendrier ? Sûrement pas. Pour Karim Bitar, cette annonce est tout sauf anodine et s'inscrit bien dans le processus de fragilisation des négociations entre les différentes parties. Selon le chercheur, le dictateur syrien '"veut montrer qu'il continue de maîtriser l'agenda, nonobstant les ballets diplomatiques". Si ce projet d'élection arrive à son terme, il s'agira donc du premier scrutin organisé en Syrie depuis 2012.

Alors, faut-il voir dans cette décision prise par décret par Bachar al-Assad un geste en direction de l'opposition syrienne ? Hélas, pas du tout. Car au regard de la tenue des dernières législatives, qualifiées à l'époque de "mascarade" par l'opposition, difficile de se réjouir de cette nouvelle annonce qui traduit plus une volonté de fragiliser les négociations que d'en accepter les règles. Une annonce qui montre également le mépris de Bachar al-Assad pour le calendrier établi par la communauté internationale, la résolution 2254 de l’ONU prévoyant des élections parlementaires et présidentielle "dans les dix-huit mois" après la mise sur pied d’une "gouvernance de transition".

En annonçant ses propres élections, Bachar al-Assad fait une nouvelle fois fi des négociations entre les différentes parties et tente à nouveau de saper le travail de la communauté internationale et de retarder un peu plus la résolution politique du conflit. Quitte à agacer le Kremlin.

Qui est terroriste et qui ne l'est pas ?

L'accord accepté aujourd'hui par Damas explique que la cessation des hostilités ne concerne pas deux formations terroristes. Ainsi, le régime de Bachar al-Assad a indiqué qu'il était question de poursuivre les "opérations militaires pour lutter contre le terrorisme de Daech, le Front Al-Nosra et les autres groupes terroristes qui leur sont liés conformément à l'annonce russo-américaine". Et c'est sur ce point justement que beaucoup restent sceptiques. Sur le terrain déjà, l'hypothèse de la cessation des hostilités par les troupes du régime peine à convaincre. "C'est une perte de temps, c'est un accord difficilement applicable", a affirmé à l'AFP un commandant de la faction rebelle "Brigade 10" qui combat les troupes loyalistes dans l'ouest et le nord-ouest du pays. Pour le militant Zein el-Basha, originaire de Damas, cet accord n'est ni plus ni moins qu'une "mascarade".

"Les milices alliées du régime (...) seront à l'abri de tout acte hostile mais eux auront le droit d'attaquer les zones contrôlées par Al-Nosra et l'EI", peste-t-il encore sur sa page Facebook. Car oui, si le Front al-Nosra est classé parmi les organisations terroristes par l'Onu, le groupe islamiste est devenu avec le temps un allié non négligeable sur le terrain pour les opposants au régime, et ce, malgré la proximité du groupe avec Al-Qaida. De fait, certains craignent que la proximité de certains groupes d'opposition avec le Front al-Nosra soit utilisée en prétexte par Damas pour bombarder au-delà des groupes désignés par le traité. "Cet accord pourrait échouer sur une problématique bien connue en Syrie : qui est terroriste et qui ne l'est pas", synthétise Foreign Policy.

Il n'est donc pas très étonnant de voir la France et la Grande-Bretagne exprimer leur prudence quant à réalisation de cet accord. "Nous serons très vigilants sur sa mise en œuvre de bonne foi par toutes les parties concernées", a indiqué le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault en marge de son déplacement à Kiev. Des "réserves" et des "doutes" que l'on retrouve également du côté de la Turquie qui voit mal la Russie stopper ses frappes. Dans ces conditions, difficile d'être optimiste concernant les chances de succès de ce cessez-le-feu.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email