"Ce n'est pas possible, j'ai couché avec le curé"

Au tribunal de Lyon, le cardinal Barbarin doit répondre de non-dénonciation d'agressions sexuelles, commises par le père Preynat dans les années 1970 et 1980. Pendant presque quarante ans, il a gardé pour lui ce terrible secret. Mardi soir au tribunal correctionnel de Lyon, après une longue journée d'audience, Christian Burdet a raconté avec beaucoup de courage comment le père Bernard Preynat avait abusé de lui dans son enfance. "J'ai 53 ans, je suis entré aux scouts à Sainte-Foy-lès-Lyon en 1976. J'avais 11 ans", a-t-il expliqué selon le site de France Info.

"Il m'a serré de plus en plus fort contre lui" La première agression a eu lieu lors d'un camp scout à l'automne 1977. "Nous avions monté les tentes, et le père Preynat m'avait demandé de venir le voir quand je serais en pyjama", se souvient Christian. Le prêtre a attiré l'enfant dans sa tente et l'a serré contre lui. "Il m'a serré de plus en plus fort contre lui. Il m'a embrassé sur la bouche. Avec la langue. Je me demandais ce qu'il m'arrivait." "C'est notre secret à tous les deux" Le père Preynat a baissé son pyjama avant de le forcer à pratiquer des fellations et à le masturber.

"Je ne connaissais rien de tout cela", déclare la victime. "Je me suis dit: Ce n'est pas possible, j'ai couché avec le curé." Les abus ont duré trois ans. "C'est notre secret à tous les deux", a insisté le prêtre. "Depuis toujours, je me pose des questions auxquelles je ne trouverai jamais de réponse. Pourquoi m'a-t-il choisi moi?", se demande Christian. Ce n'est qu'en janvier 2016, presque quarante ans après les faits, qu'il a osé se confier à sa femme, lorsque l'affaire a éclaté dans les journaux. "Si je suis là aujourd'hui, c'est pour comprendre comment ce système a pu se mettre en place.

C'est comme si j'étais atteint d'une maladie incurable et qu'on n'ait rien pu faire pour moi", poursuit-il. "Mes souffrances auraient pu être abrégées si des personnes, plus tôt, avaient dénoncé les faits. Peut-être que s'ils n'avaient pas été prescrits, j'aurais eu droit à un procès contre Preynat. J'aurais aimé entendre pourquoi un tel pervers est resté si longtemps dans le circuit." Il faisait partie de la famille Selon son témoignage, le père Preynat était devenu un proche de ses parents. "Il avait son couvert à la maison. Il venait souvent, il faisait partie de la famille.

Mon père lui donnait même des chèques", explique Christian. Les enquêteurs ont découvert son existence grâce à une lettre de sa mère, qui a pris la défense du curé lorsqu'il a enfin été écarté en 1991. "J'ai le sentiment aujourd'hui que beaucoup de personnes savaient mais qu'on se renvoie la balle, et qu'elle rebondit sans arrêt." Le cardinal Barbarin et cinq autres accusés risquent trois ans de prison et 45.000 euros d'amende pour ne pas avoir dénoncé les agressions sexuelles du père Preynat.

"Jamais, jamais, jamais je n'ai couvert le moindre acte de pédophilie", a juré l'archevêque de Lyon en 2016, avant d'ajouter: "La majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits." À 72 ans, Bernard Preynat "a pas mal de soucis de santé", d'après un vicaire interrogé par La Croix. Il vit à Lyon sous contrôle judiciaire.