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Rama Yade, Secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme : " La France Ne Décrétera Pas La Fin De La Françafrique "

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Rama Yade, Secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme : " La France Ne Décrétera Pas La Fin De La Françafrique "

Passée la période des émotions, la Secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme est devenue le symbole des capitulations du président français.

Elle vit une extraordinaire aventure politique, la diplômée de Sciences Po devenue fonctionnaire au Palais de Luxembourg (siège du Sénat) avant d’être catapultée membre du gouvernement français. Rama Yade, Secrétaire d’Etat chargée des Affaires étrangères et des droits de l’Homme, expérimente à un niveau très élevé la pratique de la realpolitik sous son aspect le plus rude, le plus cru. Quand Nicolas Sarkozy l’a extirpée des instances ronronnantes de l’Ump pour la placer sous l’autorité virtuelle de Bernard Kouchner, la jeune femme s’est très vite procurée, par mental interposé, des bottes de sept lieues indispensables à l’ampleur de la «mission humanitaire» dont elle s’est sentie investie. A trente deux ans alors, fringante, pétillante, intelligente, d’une forte personnalité, elle appréhende le monde avec la naïveté d’une débutante, prête à soulever les montagnes d’intérêts économiques et financiers qui recouvrent la question des droits humains de par le monde. Lorsque Mouammar Kadhafi débarque à Paris en juillet 2007, se paie une partie de chasse dans la forêt de Rambouillet, et installe sa tente dans la cour de l’hôtel de Marigny, à un pas de l’Elysée, Rama Yade explose avec une bonne dose de sincérité. A l’endroit du Guide libyen mais sûrement aussi de son mentor de président, elle lance son retentissant : «Notre pays n’est pas un paillasson (…) La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort», qui met mal à l’aise tout le monde et départit les Libyens de leur sérénité. Si la gauche raille alors ce qu’elle considère comme une cacophonie gouvernementale, l’Ump perd quelque peu la voix car c’est son patron-candidat devenu président de la République qui avait promis de mobiliser la France «du côté des opprimés du monde». Courageuse, Rama Yade l’était, à une période où son supérieur hiérarchique, Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et ex-pourfendeur des dictatures, avait opportunément trouvé le moyen de se trouver hors de France, une manière comme une autre de se dispenser d’accueillir le fondateur de la Jamahiriya. Même si elle a avoué s’être ralliée au successeur de Jacques Chirac «par intérêt», ce qui se conçoit bien en politique, Rama Yade est une sarkozyste de cœur et d’esprit. Alors, elle fait les frais des incohérences diplomatiques de son patron. Et dans le même temps, elle aide le président à devenir réaliste en revenant sur des engagements politiques. Et cela se passe plutôt bien ! Nicolas Sarkozy avait quasiment juré d’enterrer les pratiques souterraines mafieuses d’une certaine élite franco-africaine. Douze mois plus tard, la Françafrique est plus rayonnante que jamais. Jean-Marie Bockel, transhumant venu de la gauche d’ouverture et propulsé Secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie, demande solennellement au président Sarkozy de signer l’acte de décès de la Françafrique. Quelques semaines plus tard, avec le camouflage permis par le remaniement consécutif aux élections locales et cantonales, le trop «prétentieux» Bockel est ravalé à la gestion des Anciens combattants. Sanction. Bongo, Sassou et leurs compères applaudissent, leur ami commun, le «cher Nicolas», ayant vite décodé le sens et la portée de leurs colères. Pour prendre le relais de Bockel, Sarkozy ne cherche pas loin. Ce sera un de ses obligés, homme d’affaires prospère, obscur numéro quatre de l’Ump, dont il dirige les fédérations. Alain Joyandet prend aussitôt la direction de Libreville, dans les bagages du premier collaborateur de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée. Il fallait bien rassurer le supposé gourou de la secte. Joyandet y retourna même une seconde fois, seul.

Aujourd’hui, Rama Yade prend la défense de Sarkozy dans le magazine l’Express. «Le système de la Françafrique dure depuis l’indépendance. On ne peut pas demander au président (Sarkozy, Ndlr) de l’enterrer en un an, alors que personne, pas même les socialistes, sous François Mitterrand, ne s’était ému quand Jean-Pierre Cot avait été sèchement limogé pour cause de contestation de la Françafrique.» Question de système, c’est pourquoi la répartie est imparable. Alors, «(…) pour la rupture, il faut être deux. La France ne la décrétera pas. La rupture se fera en Afrique par les Africains, ou ne se fera pas». C’est toute la rhétorique sarkozyenne sur les «Valeurs» et sur les «Devoirs de la France» qui subit un révisionnisme outrancier. Comme rappelé par l’Express, Nicolas Sarkozy affirmait en janvier 2007 : «Je ne crois pas à la realpolitik, qui fait renoncer à ses valeurs sans gagner des contrats.» Et dans ce même magazine, Rama Yade dit cette semaine-ci : «On ne fonde pas une politique étrangère uniquement sur des valeurs (...) Tout est dans le dosage.» Elle apprend à apprendre comment fonctionnent les affaires d’Etat, elle «creuse son sillon» comme elle dit. Sous cet angle, le jeu de yoyo auquel elle s’est livrée après une interview au journal Le Monde, a donc été un pas de plus dans l’univers du réalisme politique au sommet. En effet, sur la question du Tibet, la France ne pose plus «trois conditions» à la Chine pour que Nicolas Sarkozy assiste à la cérémonie d’ouverture des J.o de Pékin. C’est le journaliste du quotidien parisien le Soir qui a déformé ses propos ! Pour la Tunisie, la secrétaire d’Etat qui dénonçait le «tyran» Kadhafi, s’aplatit, en compagnie de son chef, devant le dictateur Zine Abidine Ben Ali. A son niveau, la nouveauté est que «l’indignation ne peut tenir lieu de politique». La preuve ? Elle avoue même que l’audience qu’elle a accordée aux responsables de la Ligue tunisienne des droits de l’homme «a été obtenue à la suite d’une très difficile négociation», avec les autorités tunisiennes évidemment.

A force de fréquenter Nicolas Sarkozy, Rama Yade a transformé sa naïveté initiale en une redoutable force argumentaire. Par la force des choses, elle est devenue l’égérie des reniements sarkozystes, elle qui, pourtant, affirme ne rien ignorer des codes de la vie politique. Faut-il lui en vouloir si elle rappelle que son travail «consiste à représenter la France à l’étranger, à défendre ses intérêts ?»



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