Sarkozy fait peur aux enfants

Réaction de Cécile Duflot sur Twitter : "Je pense, M. le Président, qu'on ne parle pas ainsi à des enfants. Le devoir des adultes c'est protéger, pas angoisser."

Selon GQ, ça a fait du buzz. Sur Twitter, le hashtag #ToiAussiFaisPeurAuxEnfantsCommeSarkozy est devenu numéro un dans la journée. Il s'agissait de parodier le ton menaçant du Président s'adressant aux enfants. Parmi mes préférés : "Si F.Hollande devient Président, il va manger tout vos goûters" ou encore "Si t'es méchant, Gérard Depardieu viendra faire pipi dans ta chambre".

Même Mélenchon participe en tweetant : "Ils viennent d'où tes parents, petit ?" Puisqu'il n'y a pas de majuscule à "petit", on en déduit que la question ne s'adresse pas au Président. C'est sans doute lui qui est censé poser la question. Mélenchon suggère ainsi qu'au yeux de Sarkozy, tous les enfants ne sont pas égaux en fonction de l'origine de leurs parents.

Léger malentendu

Si le Président de la République s'est rendu au collège François-Couperin, dans le 4ème arrondissement de Paris, c'est que cet établissement public est situé en face du Mur des Justes. Un mur où sont inscrits les noms des personnes qui ont sauvé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

En France, quand des enfants sont assassinés parce qu'ils sont juifs (comme la veille à Toulouse), ça rappelle forcément quelque chose. Pour être sûre de ne pas oublier, la Mairie de Paris a d'ailleurs décidé en 2001 de fixer des plaques commémoratives sur les façades des écoles : "Par délibération en date des 24 et 25 septembre 2001, le Conseil de Paris a décidé solennellement de rendre un hommage particulier aux 11 000 enfants juifs des écoles parisiennes, morts en déportation." À ce jour, ce sont 6 403 enfants dont le souvenir est nominativement rappelé sur 332 plaques commémoratives réparties sur les établissements scolaires de la capitale.

Quand Sarkozy dit aux collégiens : "Ça aurait pu se passer ici. Il aurait pu y avoir le même assassin, ces enfants sont exactement comme vous", le président ne les met pas en garde contre l'assassin qui rôde tel un croque-mitaine. Il les met en garde contre le lâche soulagement qui nous guette dans ces cas là. Pour ne pas les angoisser, il aurait peut-être dû être plus pédagogique : "Rassurez-vous, ici ce n'est pas une école confessionnelle, vous ne risquez rien. Mais maintenant, restez concentrés, on va expliquer pourquoi ce n'est pas bien de tuer des enfants parce qu'ils sont juifs."

Sans doute n'était-ce pas non plus la bonne formulation. À la limite, ce qu'il aurait pu dire, c'est : "C'est un sujet grave, et tellement grave que c'est toute la République qui doit être concernée, vos professeurs, vos familles et vous-même. Nous tous, nous sommes concernés par ce qui s'est passé". Mais justement, c'est exactement ce qu'il a déclaré pour conclure sa petite allocution devant les collégiens.

Qui fait peur aux enfants ?

C'est vrai que les enfants sont impressionnables. Quand on les emmène voir Guignol, c'est amusant de les entendre crier tous ensemble quand le méchant arrive. Un peu comme les militants des Verts quand on leur agite Sarkozy sous le nez. En vrai, pas sûr que Sarkozy fasse faire des cauchemars aux enfants. En revanche, on pourrait s'interroger sur la couverture médiatique des récents événements.

En 2002, le rapport Kriegel sur la violence à la télévision a mis à part la question de la violence dans les journaux télévisés. Selon ce rapport, on ne peut pas comparer la violence des images de JT à celles des fictions, car dans un journal, le choix des sujets n'a pas pour but de susciter des pulsions de violence chez le téléspectateur. Les JT ne sont que "le miroir de la violence du monde".

En 2006, une étudiante de l'IEP de Lyon a elle aussi planché sur le sujet dans un mémoire intitulé "Enfants et images de violence dans les journaux télévisés : une comparaison France, Allemagne et Grande-Bretagne". Pour définir la relation qu'entretiennent les JT avec les images de violence, elle cite le philosophe Yves Michaud : "La violence qui vient interrompre le cours normal des choses est essentielle pour les médias, qui consomment essentiellement des faits-divers et du sensationnel."

Puis,  elle enfonce elle-même le clou dans la conclusion de son mémoire : "Avant de réaliser le JT, le personnel de la chaîne se demande ce qui va intéresser le téléspectateur. Souvent, comme nous avons pu le voir, les informations débutent avec les catastrophes, les crimes et les accidents, afin de mettre le téléspectateur en condition grâce à la fascination qu'ils exercent. L'intensité émotionnelle permet de captiver les téléspectateurs."

Elle ajoute par ailleurs cette phrase : "D'autres événements tels que les actes de terrorisme permettent en général de faire grimper l'audience d'une émission".

Favoriser la propagation de la peur dans la société après un attentat, c'est contribuer indirectement à l'objectif visé par les terroristes. C'est donc un sujet sur lequel on doit s'interroger sérieusement, c'est-à-dire sans accuser Sarkozy d'être à l'origine de tous les maux de notre société...