Vouées à la prostitution sans le savoir

Des milliers de Nigérianes sont contraintes à la prostitution en Italie : telle est la conclusion alarmante de Be Free, une association romaine qui se propose d’aider les victimes du trafic humain. La plupart de ces malheureuses sont originaires du Delta du Niger, dans le sud-ouest du Nigeria. Elles ont quitté leur terre natale, rêvant d’une meilleure vie en Europe et ont atterri dans la prostitution. Une d’elles s’appelle Monica.

Monica a 19 ans, mais on ne les lui donnerait pas tant elle est frêle et a l’air timide. Il y a à peine cinq ans, elle a quitté Benin City, dans le sud-ouest nigérian dans l’espoir d’une vie meilleure en Europe. Avant de se confier au journaliste, la jeune fille souhaite dire un mot à ses consœurs restées au Nigéria, pour les conjurer de ne pas faire les mêmes fautes qu’elle : “Ne les croyez surtout pas ! Ils voudront vous amener dans des lieux où vous ne devez pas être. Ce n’est pas vous qui les intéressent. Tout ce qu’ils veulent, c’est le fric. ”

On lui a dit avant son départ du Nigéria qu’elle allait travailler comme vendeuse dans un grand magasin. Un individu lui a acheté un billet d’avion pour Amsterdam, mais à son arrivée aux Pays-Bas, les douaniers ont découvert que ses papiers étaient faux. Monica a été conduite au centre des réfugiés de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, puis à un autre centre d’accueil dans le sud du pays.

“J’ai rencontré une Nigériane qui voulait fuir du centre. Nous nous sommes échappées ensemble, mais ensuite, je l’ai perdue de vue. A la gare, une autre compatriote m’a aperçue. J’étais désespérée. Elle a eu pitié de moi et elle a promis de veiller sur moi.” Cette femme a emmenée Monica à Florence, en Italie, où elle a été forcée à faire le trottoir. Monica n’avait pas 18 ans. Elle sourit timidement : “Ma poitrine était plutôt menue et je me mettais des chaussettes dans mon soutien-gorge pour paraître plus vieille.”

Le cas de Monica n’a malheureusement rien d’exceptionnel. Les routes provinciales d’Italie sont jalonnées de jeunes filles nigérianes. Elles sont des milliers que l’on oblige à exercer le métier de prostituées, précise Francesca Esposito de l’association Be Free.

“Leur nombre exact est difficile à déterminer,” ajoute-t-elle, “mais nous leur parlons. Elles sont issues de milieux divers. La plupart sont des Nigérianes comme Monica, mais d’autres jeunes femmes viennent de l’Europe de l’Est, de Roumanie, par exemple.”

Monica a eu de la chance dans un certains sens : elle est arrivée en Europe par avion. La grande majorité des fugitives ont dû traverser le Sahara et ont terminé dans des bordels libyens avant même d’arriver en Italie. Le livre 'Storie di Ponte e di Frontiere' (Histoires de ponts et de frontières) publié par Be Free raconte certains de ces voyages infernaux où il est question de chantages et de magie noire, mais aussi de viols et d’avortements forcés. Monica connaît bien des cas, elle aussi : “D’autres filles m’ont raconté comment elles sont parvenues en Italie. Elles ont fait mention des cas de personnes perdues en cours de route et de fortunes qu’elles ont dû payer pour venir ici. ”

En 2009, le gouvernement italien s’est mis d’accord avec le leader libyen Mouammar Kadhafi sur le blocage des immigrations en provenance de l’Afrique du Nord. L’immigration est pratiquement inexistante depuis, suite de quoi de nombreuses femmes africaines, Nigérianes ou autres, sont bloquées à Tripoli, capitale libyenne. Francesca Esposito : “Comme nous ne pouvons pas nous rendre en Libye, nous ignorons leurs conditions de vie dans les centres de réfugiés. Nombre de ces femmes sont victimes de trafic humain ; d’autres sont des réfugiées politiques. Aucune n’est en mesure de rejoindre l’Italie et d’y demander asile. Nous craignons de ce fait que ce traité a aggravé le sort de ces malheureuses.”

Depuis que la Libye est plongée dans la révolte et le chaos, l’Italie craint de nouvelles vagues de fugitifs.