Le journaliste René Capain Bassène a entamé une grève de la faim illimitée pour, dit-il, dénoncer "sa détention arbitraire". Seul détenu dans l'affaire du massacre de Boffa-Bayotte, il a été condamné à la prison à perpétuité. Dans une lettre dont nous publions des extraits, René Capain clame son innocence, en revenant en détail sur son arrestation dans cette affaire. Il déclare : "Plutôt mourir que de se déshonorer."
" Trop, c'est trop
Je m'adresse par cette lettre à toutes celles et tous ceux qui n'ont jamais douté de mon innocence et qui, depuis mon arrestation, ne cessent de me témoigner, chacun à sa manière, un soutien sans faille. Vous resterez à jamais dans mon cœur, et je vous adresse mes sincères remerciements. Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi.
En raison de mon emprisonnement, je suis devenu à la fois une charge sociale et un mendiant, contraint de tendre la main pour subvenir aux plus minimes de mes besoins. Après plus de 7 ans de détention, je vous informe que j'ai atteint la limite au-delà de laquelle il devient impératif de mettre fin à la situation que je vis actuellement.
Depuis la nuit du 13 au 14 janvier 2018, j'ai tout vécu. Atteinte à mon honneur, à ma dignité humaine, j'ai subi et enduré toutes sortes de tortures physiques, morales, psychiques et psychologiques. J'ai été humilié de manière inimaginable. Ma présomption d'innocence a été bafouée, et j'ai subi la méchanceté humaine dans toute sa brutalité : la loi du plus fort, qui, sans pitié ni scrupule, cherche à anéantir, détruire et écraser le plus faible simplement parce qu'il gêne. Je n'en peux plus, et voici les raisons ".
Dans le début de ses confidences, le Journaliste René Capain Basséne affirme atteindre le seuil suite à un acharnement sur sa personne, et clame comme toujours son innocence. Capain est revenu sur son arrestation dans ses confidences, tous les événements relatifs à l'enquête jusqu'aux différents jugements.
- René l'agneau du sacrifice
L'affaire Boffa Bayotte du 8 janvier 2018 dont René est le seul à être en prison, laissera une tache dans la mémoire collective en Casamance et au Sénégal. Ce jour-là, 14 coupeurs de bois ont été retrouvés morts dans cette forêt, 25 avaient été arrêtés à l'époque et aujourd'hui, René Capain Bassène seul à écoper d'une peine d'emprisonnement à la réclusion criminelle à perpétuité. Dans ses confidences, il se décrit comme " l'agneau du sacrifice ".
" Parmi les 25 personnes arrêtées, je suis le seul condamné pour complicité. Complice de qui ou de quoi ? Ils veulent prendre ma vie, ils vont la détruire. J'ai décidé de leur donner cette vie et de m'écrier : Gloria Victis, heureux vaincu, heureux opprimé. Jean ne peut plus garder espoir, car la justice continue de chercher César Atoute Badiatte. Ils risquent de ne jamais le retrouver, et la vérité ne pourra jamais éclater. Je ne peux plus espérer qu'un jour les autorités de mon pays exécutent une décision de justice. Elles ne cessent de la bafouer en signant des accords de paix avec César.
Je suis donc l'agneau du sacrifice, que je le veuille ou non, et que vous le vouliez ou non. Je ne peux placer aucun espoir dans les organisations de défense des droits de l'homme. Ma situation est un non-événement pour elles. Je suis un homme sans droits. Après la publication de cette lettre, je commencerai une diète noire pour mettre fin à l'injustice que je vis depuis plus de 7 ans ", a écrit le journaliste d’investigation.
René Capain dit ne plus vouloir de cette vie en prison, de cette obsession envers sa personne, de cette détention arbitraire.
" La prison détruit l'homme et retarde tous les aspects de sa vie, surtout lorsqu'il s'agit d'une longue détention pour un crime ou délit qu'on n'a pas commis. Je refuse de rester un témoin passif de la déchéance de ma vie. Cela fait plus de 7 ans que je suis en prison, et ma santé se détériore. Depuis mon opération ratée pour tenter de réparer mon tympan droit, je me sens très mal.
Je ne peux pas tout détailler sur mon état de santé, mais je ne me sens plus moi-même. La prison tue à petit feu, la longue détention te broie lentement. Pour ceux qui ne me comprennent pas, je veux dire que, persister en prison pour quelque chose qu'on n'a pas fait, c'est se détruire. Les cas de Mamadou Dia et de l'imam Dao en sont des exemples flagrants.
Donc, dois-je rester jusqu'à ce que je meure ou que je sois complètement détruit pour réagir ? Je n'ai plus de vie, ma vie n'a aucun sens. Mes enfants ne me connaissent même pas, et je vieillis, avec une santé qui, depuis quelques années, se détériore constamment ".
Il termine ses confidences en ces termes : "C'est ce que je vis depuis le 13 janvier 2018. J'ai atteint le summum."
" C'est pourquoi j'ai jugé bon de m'ouvrir à vous, de vous alerter et de vous informer de la décision que j'ai prise afin d'éviter de vivre et de connaître une fin déshonorante, car je ne le mérite pas, et je n'ai rien fait de mal pour le mériter. Face à la lâcheté humaine, je suis accusé à tort. Ils ont réussi à me maintenir en prison, ils sont déterminés à me détruire. Leur principal objectif est de me faire taire à jamais et de briser ma plume. Je ne me laisserai pas déshonorer. Je ne supporte plus de rester en prison pour un crime que je n'ai pas commis. Je ne supporte plus la détention arbitraire dont je suis victime. Je ne supporte plus la machination politico-judiciaire dont je suis l'objet. Je refuse encore une fois de rester le témoin passif de la déchéance de ma vie. J'ai décidé de mettre un terme à l'injustice que je subis depuis bientôt 8 ans.
Non, je ne resterai pas à perpétuité en prison pour un crime que je n'ai pas commis. Mon seul "péché" est d'avoir enquêté sur le conflit casamançais. Tout a été mis en œuvre dans ce dossier pour cacher la vérité et pour me condamner. Je vais mener mon combat intime, mon ultime combat contre l'injustice et cette justice à deux vitesses dont je suis victime.
Je ne céderai pas. Je vais engager ma vie dans cette lutte, et je vais bientôt entamer une diète noire illimitée. Je vous exhorte à vous préparer au pire. Je sais ce que j'endure et à quel point ma santé se détériore. Ce n'est pas une décision facile à prendre, elle n'est pas non plus facile à annoncer. Elle n'est ni agréable à entendre ni à accepter, mais c'est l'unique moyen de lutter, et je suis déterminé à aller jusqu'au bout, étant conscient de tout ce qui pourrait m'arriver. Je n'en peux plus de cette justice à double vitesse, qui a pour seul but de me détruire.
Merci pour tout ce que vous êtes pour moi. Pour l'éternité, vous resterez gravés en moi et dans mon cœur. Soyez donc prêts au pire, et que rien ne vous surprenne."
Auteur: Max Euclide KANFANY Correspondant à Ziguinchor.
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