En raison des proverbes et maximes populaires qui illustrent et ponctuent souvent mes propos, les taquins me traitent d’ethnocentriste wolof. Pour qui est capable de discernement ou de recul, citer une pensée ne signifie pas forcement y être aliéné. Outre que mon patronyme suggère l‘appartenance à une ethnie autre que wolof. Pourvu que cette mise au point ne serve pas de prétexte pour réveiller des démons linguistiques qui risquent de divertir et éloigner du sujet de cette chronique!
A mesure que la mondialisation s’évertue à homogénéiser les cultures, mes références deviennent farouchement africaines. Il existe pourtant un diction américain que je me fais fort d’enseigner aux malappris: «you can take the boy out of the country but you can’t take the country out of the boy» qu’il me plait de traduire par: «l’homme peut sortir de son terroir mais le terroir ne quitte pas son homme».
South African Air demeure l'une des rares compagnies d'aviation à servir encore ses repas avec de vrais couverts en acier. Tradition et modernité vont argumenter sur le bien fondé d'une telle pratique. Hygiène, sécurité s'inviteront au débat avec des arguments irréconciliables.
L’ autre originalité de South Air s’annonce avec les préludes au décollage ..Après le descriptif de l’appareil et ses issues de secours, les consignes internationales de voyage «ne pas fumer dans les toilettes, attacher la ceinture, éteindre les appareils électroniques», le chef de cabine crût bon d’ajouter…«Eating, sleeping on the floor will not be tolerated!" -Manger, dormir par terre ne seront pas tolérés! Mon sang ne fit qu’un tour…Allons donc, pour qui nous prend -on, me surpris-je à proférer. La suite me rassura que la mise en garde n'était ni d'excessive ni raciste et que le personnel de bord savait bien que l'appareil pouvait se transformer en village africain du ciel. Tenez, ma voisine de siège...Une Africaine, vraisemblablement , si j'en juge par son costume et la tige de bois -cure dent - coincée entre ses lèvres. Je craignais d'ailleurs pour mon œil chaque fois qu'elle se tournait vers moi. A la fin du dîner, la Sista demanda son plateau à chaque passager de notre rangée... Comme elle occupait le siège de l'allée, on assimila son geste au réflexe naturel d’une maitresse de maison habituée à desservir son monde au terme d’un repas. Que non! Ma compatriote enfouissait cuillère, fourchettes, couteaux, gobelet à eau, tasses à café dans une sorte de gibecière grande ouverte à ses pieds. Nul doute que les couvertures destinées aux voyageurs frileux et qu’elle avait pris soin de collecter connaitront un destin de châle pour les cousines du village.
Dans les airs, l’Afrique en général et le Sénégal en particulier n’éprouvent aucun complexe à encombrer avec ses boubous amidonnés qui renversent le thé du voisin ou s’accrochent à ses écouteurs. Dans l’Afrique en l’air, palabres, parties de belote se tiennent aussi confortablement qu‘au Grand-Place. On pousse le zèle à rafraîchir ses ablutions, malgré l’exigüité des toilettes; à prier tout haut avec grands renforts de gestes et crachats. Comme si le salut du vol tenait à quelques litanies et postillons; comme si Allah en demandait tant. Cet autre qui rentre au pays après plusieurs années d’empêchement étrenne son premier complet-cravate et souliers vernis dans lesquels il souffre terriblement avant de se décider à prendre le veston par-dessus votre tablette pendant que ses chaussures vous livrent les secrets des pieds qui n’avaient rien à y faire. Ce qui me fait penser à un dicton bien de chez moi: “les mauvaises habitudes, sont comme les vieilles chaussures que l’on quitte au seuil d’une demeure respectable, pour les reprendre en partant.”
Amadou Gueye Ngom
Critique social
PS
- “ Où est l’os?
- L’os est là!
- S’est-il amolli?
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