BIG D, RAPPEUR « Mon prochain combat, la Mairie de Yarakh »

Armand Damas, allias Big D est une figure incontestable du mouvement hip-hop sénégalais. Après deux  décennies  de musique et de patriotisme, retracées dans ses 7 albums, le plus balèze du rap «Gal sen» arrêtera de faire de la musique après la sortie de son 8^ème album intitulé ’’ Identité’’. Trouvé à la cité Elisabeth Diouf, il explique sa décision, diagnostique le rap, décrypte le choix politique de Youssou Ndour, avant de terminer en déclinant son ambition de devenir Maire de Yarakh.

J’ARRETE LE RAP PARCE QUE….

« J’arrête le rap…», avait déclaré Big Damas au Grand Théâtre à l’occasion de la célébration des 20 ans du hip-hop. La phrase avait fait l’effet d’une bombe. Ces amis rappeurs ne comprennent toujours pas. Mais Monsieur Damas a déjà pris sa décision et elle semble être irrévocable. Il arrête le rap après la sortie et la promotion de son  «Identité», le dernier opus qu’il a mis sur le marché. Il explique «Je ne suis plus ce petit rappeur des années 90. Je suis un Monsieur maintenant. J’ai une femme et 3 enfants. Quand Dieu te donne la chance de rencontrer une femme qui t’aime et qui a accepté de franchir le pas avec toi, tu ne peux plus te permettre certains délires». Le rappeur a fait ses calculs. La dépense quotidienne, la scolarisation des enfants, la santé de ses bouts de bois, en un mot l’avenir de sa famille pèse plus lourd que la passion et l’amour  d’une musique stérile, incomprise mixée d’un engagement patriotique sans les honneurs. Il ajoute, «le rap ne nourrit plus son homme car la musique est en train de mourir. Je ne vais plus dépenser des millions pour sortir un album et me retrouver avec un déficit dans les ventes». L’avancée technologique, le téléchargement gratuit, la piraterie, font que les gens n’achètent plus de Cd. «Les producteurs n’existent presque plus. Talla Diagne, il est où ? Studio 2000 est où ? », demande –t-il. Pour  Big- D, le manque d’innovation dans le mouvement hip-hop sénégalais est aussi une des raisons qui font que le rap ne rapporte plus à son artiste. Il déclare que, «le rap  sénégalais est en train de se chercher. On doit évoluer en mettant sur le marché des tubes de discothèque qui permettent aux mélomanes  de danser. Comme le font si bien les Américains ou Awadi, Nix, Darra-J, le jeune Cannabasse etc. » Pour lui, Les contenus des textes et les beats doivent être arrangés, pour permettre à tous les Sénégalais de se retrouver dans le rap. Il ajoute que «le mouvement hip-hop est comme un baobab avec ses multiples branches. Il faut respecter le choix de celui qui fait du dance hall, du R’NB, du slam. Si un Big D veut chanter l’amour qu’on respecte son choix et on avance. Le hip-hop sénégalais doit aussi ouvrir ses portes aux filles car le rap n’est pas un truc de macho». D’après Big D, Le rap sénégalais a marqué l’histoire de la nation avec les événements du 23 juin 2011 mais l’engagement des rappeurs n’est pas reconnu à sa juste valeur. «Nous sommes des patriotes quand le pays va mal, c’est nous qui sommes devant. Le 23 juin 2011 en est l’illustration parfaite. Mais quand les choses vont bien, on nous oublie», rajoute-t-il. Big D de s’écrier avec rage : «Arrêtez de nous considérer comme des boys rappeurs. Nous sommes des responsables, des pères de familles». Un message qu’il adresse aux autorités pour que ces derniers à travers le Bureau sénégalais des droits d’auteurs puissent prévenir la retraite des artistes en général. Il déplore la condition dans laquelle se trouvent certains artistes à la retraite. «Un artiste confirmé qui fait ses preuves, mérite une retraite. Nous n’avons pas de couverture sociale, ni de mutuelle encore moins de contrat à durée indéterminée et pourtant, nous sommes au service du peuple», lance-t-il dépité. Dans un pays où personne ne se préoccupe du sort des artistes, il trouve logique de mettre fin à sa carrière de rappeur. «Je refuse que mes enfants me disent un jour Papa, voilà tu as passé toute ta vie à faire de la musique, tu es devenu célèbre certes, mais qu’est-ce que tu as gagné en retour ?» L’artiste sait que certains fans auront du mal à comprendre sa décision. A l’endroit de ces derniers il dit : «Je suis rappeur et je suis fier de porter ce nom car c’est le métier que je sais faire le mieux. Mais je veux mettre ma famille à l’abri».

YOUSSOU NDOUR  ET LA POLITIQUE

Big D a aussi analysé le choix politique de Youssou Ndour. Selon lui, l’ex-patron du Super Etoile «devait faire comme à la belotte. C'est-à-dire prendre tout ou laisser passer». Le rappeur part d’un raisonnement simple. Il pense qu’un homme qui fait partie des 100 personnes les plus influentes du monde, un businessman qui a créé autant d’emplois dans son pays, ou encore un artiste qui draine un monde fou, a les aptitudes et les chances d’être président  de la République. Pour lui, «You (NDLR : surnom affectif de Youssou Ndour) devait mettre un de ses responsables au poste de ministre et se préparer pour être président. Il devait jouer la carte de la présidence ou rien». Revenant sur l’actualité politique avec le dernier réaménagement, l’artiste déclare que «la politique est cachotière. Je pouvais comprendre qu’on laisse Youssou Ndour à la Culture. Ce qui s’est passé est un peu bizarre. C’est un acteur culturel, il fallait lui laisser le département de la Culture et donner le tourisme à un autre». Selon l’artiste, le show-biz rapporte beaucoup plus  à You qu’un poste de ministre. Il devait s’armer de patience, car c’est un homme qui pouvait surprendre.

RECONVERSION ET PROJET

De plus en plus on note la reconversion de certaines grandes figures du mouvement hip-hop. La télévision et la radio constituent les lieux de chute privilégiés pour ces rappeurs en manque d’inspiration ou à la recherche de profit. Et Big D n’a pas échappé à la règle. Il vient de signer avec la chaine de télévision Africa 7, un contrat à durée  indéterminée.  «C’est une continuité du show-biz» lance-t-il, avant d’ajouter que «dans ce genre de contrat, chacun trouve son compte. Cependant ce sont les télés ou les radios qui y gagnent beaucoup plus. Car, elles ont besoin de nos voix et de notre public».

Projet  et Reconversion

Le rappeur est un homme de défi et dans ces projets, il ambitionne de devenir le Maire de Yarakh sa commune. Pour lui, les musiciens et surtout les rappeurs, doivent s’investir dans la vie active de la cité. Il déclare, «nous critiquons tous les jours les politiciens. Il est temps que nous agissions  en prenant légalement  la place des personnes que nous accusons  de mal gérer les biens de la nation. Comme ça, on saura de quoi chacun est capable. Youssou Ndour a ouvert une brèche». Big D pense  qu’il a déjà posé des actes qui peuvent plaider en sa faveur pour la conquête de la mairie de Yarakh. A ce sujet d’ailleurs, il avait écrit une chanson dans laquelle,  il «dénonçait l’érosion de la baie de Hann». Incompris, il l’a été au début, car les gens pensaient qu’il insultait les habitants de sa commune.  Mais, tout a fini par rentrer dans l’ordre. «Ils ont compris que je me battais pour une bonne cause. Et grâce à cette chanson, le banque mondiale a financé le projet qui a permis de  réhabilité la  baie de Hann », affiche fièrement le futur candidat à la mairie de Yarakh. Un rêve certes, mais Adams Damas est «prêt à faire tous les sacrifices pour le réaliser». Car, c’est l’ambition qui fait les grands hommes. Mais avant d’aller à cette conquête, Big D a un gros chantier en cours, celui de son nouvel  album intitulé ‘’Identité’’. Cet album sera le dernier que l’artiste produira, sauf si des producteurs viennent à lui. Raison pour laquelle, il «le fait à (son) image», précise-t-il.