Il était presque resté dans les oubliettes, mais la cérémonie du "Tube de l'année" l'a ressuscité en lui rendant un grand hommage. Lui, c'est Mc Lida, premier rappeur de l'histoire du Sénégal. L'enfant du Ndiambour est devenu au fil des temps, en plus de sa casquette d'artiste, un fashion designer et un promoteur de spectacle à New-York où il vit depuis plus d'une décennie. Dans cet entretien, il retrace son histoire dans le rap.
Quelles sont les raisons de votre présence à Dakar ?
Je pense qu’il y a trois raisons qui peuvent l’expliquer. La première, c’est l’honneur que DJ Nicolas m’a fait et qui relève d’une grande importance. C’est comme un militaire qui est parti à la retraite puis honoré par l’armée. C’est une occasion qui n’arrive pas tous les jours. La deuxième, je suis venu parce que plus de la moitié de la population du Sénégal pensent que je suis mort, depuis longtemps. Les gens m’avaient confondu avec un lutteur qui a pris mon nom et qui est mort. Ils ont pensé que c’était moi. Beaucoup l’ont confirmé, mais j’ai laissé faire durant des années sans le démentir. Maintenant que je suis là, chacun peut juger par lui-même. La troisième, c’est que je suis venu faire une évaluation du pays, parce que j’entends beaucoup parler des progrès que le Sénégal est en train de faire. Je pense qu’on doit revenir investir, et j’y crois. Bientôt, je ne dis pas que je reviendrai en vacances, mais pour m’installer définitivement. On voit des choses magnifiques et quand vous demandez à qui cela appartient, on vous dit que cela appartient à un étranger. Je pense que ce n’est pas normal, c’est pourquoi il faut que tout le monde revienne pour investir dans son pays. Je pense que le Sénégal ne fait plus partie des pays du tiers monde. Mieux vaut commencer avant qu’il ne soit tard.
Comment
avez-vous noué le contact avec Dj Nicolas ?
D’après ce qu’il m’a expliqué, il y a des gens qui lui
ont signifié qu’il a pris une bonne initiative et que s’il incorpore un hommage
à Mc Lida dans son programme, ça serait un évènement exceptionnel. Il m’a
appelé à New-York pour me signifier qu’il va me rendre hommage. Je lui ai dit
volontiers d’autant plus que beaucoup de rumeurs racontent que je suis fou
voire mort. Je me suis dit que c’est une occasion pour que tout le monde sache
que je me porte bien, sinon, cela confirmerait davantage les rumeurs. Mais,
avant, je n’étais pas très content, quand on parlait du rap au Sénégal, on
dirait qu’on essayait de m’éviter. Alors que je fais partie de l’histoire du
rap sénégalais et personne n’y peut rien, parce que les témoins sont encore en
vie. Donc, je n’ai pas besoin d’aller plus loin.
Vous êtes resté
quatorze ans dans le mutisme, qu’est ce qui explique cela ?
Il y a un moment où j’étais découragé du hip-hop. Parce
que, quand j’ai commencé le rap, il n’y avait pas de télés ni de radios à part
la Rts. Notre temps était très dur, on payait parfois des animateurs pour
qu’ils balancent nos chansons à la radio. Si vous passez chez un journaliste ou
animateur, si vous ne le payez pas, vous ne passez pas à la télé. Et je fais
partie de ces gens-là. Parfois ils vous rabaissent et cela peut vous
décourager. Il faut aussi savoir que mon premier album a été censuré, je me rappelle.
Mais c’étaient des histoires infondées. En ce moment, j’étais encore jeune et
il y avait des gens qui racontaient que je faisais partie d’une famille de
marabouts, la plupart d’entre eux sont des proches qui faisaient leur devoir de
grand- frère. Et je comprends, car ça arrive dans toutes les familles. Cela
fait partie de ce qui m’a découragé. Mais croyez-moi, le talent y est toujours,
je suis capable de faire un peu de tout, pas seulement du rap. Je crois à tout
ce que je fais.
Nous allons
replonger dans l’histoire, dans quel contexte Mc Lida est entré dans le
mouvement hip hop d’autant plus que vous êtes le premier à le vulgariser au
Sénégal ?
C’est une ancienne histoire, c’était le moment des
matinées du Sahel avec les Edouardo et autres, c’était aussi l’époque des Funk,
disco, Motown. Moi j’étais un grand mélomane et on allait jusqu’à mémoriser les
mélodies sans pour autant comprendre la signification des paroles. Moi, j’avais
ce don-là. Quand j’étais en Italie, j’avais composé une chanson en wolof qui
s’appelle « Teubalmateup » avec l’expression « teubeul mateub mba Ndiaga teub
mba Matar teub mateub gnou dadié » et autres expressions. C’est un album de
quatre morceaux que j’ai dupliqué en plusieurs exemplaires de cassettes. Et
quand je suis arrivée avec, au Sénégal, la douane m’a intercepté juste à
l’aéroport. A ce moment je ne savais même pas qu’il fallait payer des taxes.
Finalement, on m’a fait payer un montant. C’est moi qui les écoulais à Sandaga,
chez Talla Diagne et au marché Kermel. Ça faisait marrer les Baol-Baols qui me
prenaient pour un clown. A chaque fois que je finissais, j’allais chez El Hadj
Ndiaye de Studio 2000 pour faire des duplications. C’est ainsi qu’au fur et à
mesure qu’Ambroise Gomis a fini par m’inviter à la télé et les gens ont
commencé à s’intéresser à moi. Après cet album, j’ai sorti « Mc Number One » et
petit à petit le boom a commencé.
Racontez-nous
votre collaboration avec le Positive Black Soul.
C’est « Peace Unity !», c’est le premier morceau où j’ai
pris un microphone pour chanter… c’était l’époque de la guerre du Golfe avec
Sadam Hussein. Quand on a fait ce morceau, j’ai été contacté par des Italiens.
J’ai refait, par la suite une version remix que les gens ont beaucoup apprécié.
Parfois, quand je passais dans la rue, je les entendais chanter. Je me
souviens, on était parti au studio d’Aziz Dieng, d’ailleurs, je ne sais s’il
est toujours à Dakar. Mais retenez que c’était quelqu’un de très rigoureux en
matière de musique, qui n’hésite pas à vous jeter hors de son studio si vous
n’êtes pas dans le tempo. C’est là-bas qu’on a sorti Peace Unity. A cette
époque c’est lui qui possédait un studio à part El Hadj Ndiaye. C’est eux qui
peuvent vous expliquer l’histoire de Mc Lida. Certes les jeunes producteurs ne
me connaissent pas, mais les anciens ne peuvent pas m’oublier. Aziz Dieng est
le premier à utiliser un ordinateur pour faire les arrangements au Sénégal. En
ce moment, on ne savait pas c’était quoi un ordinateur. S’il le confirme, je ne
peux le nier. En tout cas, je le respecte, c’est quelqu’un qui connait la
musique, donc je dis maximum de respect aussi à PBS.
Apparemment
c’était vraiment délicat de faire du rap ?
Ce qui fait que c’était difficile, c’est qu’on n’était
pas nombreux et il n’y avait pas de guerre ou clash entre rappeurs, même s’il y
avait un peu de scènes de jalousie, mais cela m’était indifférent parce que je
ne venais au Sénégal que pour des prestations après je retournais en Italie.
C’était ça la difficulté et c’était plus cool que maintenant. Je remarque
maintenant qu’il y a beaucoup de concessions dans le mouvement hip-hop.
Aujourd’hui le
Sénégal est composé de plus de 2000 groupes de rap, que pensez-vous de ces
mouvements. Est-ce la même réalité aux Usa ?
Je suis content pour le travail que les rappeurs font
ici. Qu’ils sachent que je suis leur fan number one, même s’il est vrai qu’il
fut un moment où je ne les écoutais plus. Mais cela fait trois ans que je les
écoute à nouveau. Je les suis à travers les médias, franchement ils ont fait le
maximum. Mais il faut qu’on fasse attention et ne pas se fier chaque fois aux
médias qui relatent qu’on est le troisième pays du rap dans le monde. Il faut
qu’on se base sur la qualité et non la quantité. Moi, je n’ai jamais aimé la
quantité. Plus de 2000 groupes, j’estime que c’est un peu exagéré et c’est une
insulte. Je pense qu’on ne devrait pas le dire ouvertement, c’est dangereux.
Vous savez, il n’y a pas plus facile que de trouver une ordure. Qui cherche de
l’ordure, la trouve. C’est de la poubelle, le nombre ce n’est pas important. Ce
que je vois aux Usa, et je peux le jurer sur le Saint Coran, pour vous dire que
New York n’a pas plus de 100 groupes de rap. Mais avec 12 millions de
Sénégalais on a plus de 2000 groupes. Je suis sûr qu’aux États-Unis au moment
où je vous parle, ils n’ont pas atteint ce chiffre-là. Donc il vaudrait mieux
qu’on continue à faire de la recherche, j’apprécie le rap sénégalais mais qu’on
ne m’évoque pas cette histoire de 2000 groupes de rap.
Quelle
appréciation faites-vous du le clash que font les rappeurs aujourd’hui ?
Vous savez il y avait une période où rap rimait avec
clash, c’était l’époque des Tupac Shakur. Ce qui fait que certains d’entre eux
ont été éliminés, parce qu’ils passaient tout leur temps à s’injurier. C’était
une période où si vous payez un cachet à un bon rappeur pour qu’il chante une
autre musique qui n’est pas du rap, soit, il va avoir honte de l’accepter soit
vous risquez de vous faire éliminer. A cette époque, si tu fais du bling bling
on te taxe d’homosexuel. Donc il faut qu’ils sachent qu’aux Usa, c’est révolu.
Il n’y plus de clans. Je suis désolé qu’on ne se rende pas compte que c’est du
passé. Actuellement, ce n’est plus le même contexte. Nous sommes dans l’ère du
bling bling et de l’argent, des techno house, tout le monde fait de la techno
house, que ça soit les Jay-z, Akon, et autres.
Comment
voyez-vous l’avenir du rap ?
Que les gens ne se fâchent pas contre moi. Je pense
sincèrement que c’est pour les jeunes. Personnellement je préfère laisser la
place aux jeunes, c’est mieux. Aujourd’hui si vous arrivez à y gagner votre
vie, moi je dirais que c’est un miracle surtout au niveau du Sénégal. Même dans
les autres pays, le rap ne rapporte plus de l’argent, on le mixe avec le tempo
DJ comme le fait David Guetta pour bien s’en sortir. Mais si vous faites du
100% rap, rarement, vous vous en sortez. Je pense qu’il y en a qui en font un
passe-temps, c’est bien.
On a
l’impression que le rap ne vous dit plus rien...
C’est une question de mathématique. A mon âge, je ne peux
plus vivre de rap surtout galsen. Parmi les gens qui y évoluent à ce moment,
plus de 90%, d’entre eux je peux être leur papa. Ce n’est pas une question de
honte, ainsi va la vie. Donc à un moment donné, il faut te rechercher une autre
voie, je ne veux pas qu’on me taxe de « Mag bou niak fayda » surtout s’agissant
des jeunes qui, au moment où on chantait, tétaient le sein de leur maman. Et
aujourd’hui, vous voulez les concurrencer ? Personnellement, ça me fait honte.
Cependant, je souhaite bonne chance à ceux qui ont opté d'être au même niveau
qu’eux.
Est-ce vraiment
la retraite ?
Si vous voulez. Le problème est que, ce n’est pas une
affaire de talent car j’ai rappé en chinois mais c’est pour faire des
publicités. C’est ce que je fais, mais le talent est toujours là, le physique
aussi, c’est aujourd’hui que je suis plus jeune qu’avant, d’après ce qu’on
raconte. Il faut qu’on sache que cela relève de ma décision personnelle. Pour
moi, c’est révolu.
Quels conseils
donnez-vous aux jeunes rappeurs ?
Je leur conseille de fournir plus d’efforts et qu’ils
abandonnent les histoires de clans parce que ce qu’ils font c’est bien.
Qu’est-ce que
cela vous fait qu’on te hommage de ton vivant ?
C’est comme un militaire qui est parti à la retraite et
que le Président te donne une décoration, c’est une reconnaissance que le
Sénégal m’a faite. Si on vous honore un jour, dites-vous que vous pouvez mourir
tranquillement. En tout cas, je dis merci à Nicolas et à tous les Sénégalais,
car c’est tout le Sénégal qui m’a honoré. Ce qui va permettre à mes
compatriotes de savoir que je suis le premier rappeur du Sénégal. Que les gens
n’hésitent pas à le dire, celui qui peut avoir des preuves qu’il aille demander
à El Hadj Ndiaye ou à Aziz Dieng voire le Bsda. Ils peuvent vous confirmer que
je suis le premier à amener au Sénégal un album de rap légalisé. Et quand je
dis premier, bien sûr c’est ce qui est légalisé
Maintenant qu’est-ce
que vous faites concrètement à New York ?
Je fais du fashion design, je suis styliste en même temps
que promoteur de spectacle. Je fais partie des gens qui amènent les stars américaines
dans les pays comme le Japon, la Malaisie, la Chine etc. Mais j’ai réservé 10%
à la chanson, c’est ce que je fais en Chine, mais pour des publicités ou pour
des enfants chinois. Ils apprécient mes chansons surtout « Timbdon » qui est un
terme même si tu n’es pas chinois te plaira. Il y a des chansons qui sont
bonnes à écouter pour les enfants, c’est ce que je fais maintenant.
Actuellement j’ai deux projets pour les enfants hospitalisés. Timbdon que je
fais sur Chinese talent show vu par plus trois millions de personnes, c’est
lors d’un casting avec plus de 1000 candidats et que j’ai était retenu.
Interview
réalisée par Cheikh Coka Camara
9 Commentaires
Lady
En Février, 2013 (16:43 PM)Rafeete
En Février, 2013 (17:19 PM)AVEZ BIEN ASSUME MC bravo:: ::
Leuzz
En Février, 2013 (19:06 PM)Mclidafan
En Février, 2013 (21:54 PM)Abubaakr
En Février, 2013 (22:15 PM)MC liida longtime ago
Bob
En Février, 2013 (22:18 PM)Le 1er sénégalais a sortir un single rap au Sénégal c'est M'Backé DIOUM .......
MC Lida a PEUT ÊTRE sorti la 1ère cassette légalisé (car le PBS avait sorti aussi Boul Falé remix), mais MC Lida faisait de la grosse m____de et encore j'suis poli
Pilat
En Février, 2013 (01:07 AM)Ene
En Février, 2013 (08:33 AM)Fekké
En Février, 2013 (18:41 PM)Participer à la Discussion