Les temps sont durs, très durs dans la capitale. Chacun, selon son génie ou sa bêtise, essaye de joindre les deux bouts. Même le diable, à force de se faire tirer la queue a fini par se transformer en unkk-gecko. Tout le monde sait en effet que le reptile échappe à ses poursuivants en leur abandonnant un moignon de queue pourrie entre les doigts.
L'histoire que je vais vous raconter pourrait être authentique; elle remonterait en 1975 et aurait eu lieu sur l'Avenue du Président, au carrefour faisant face au Palais.
Une religieuse, après les vêpres du dimanche à la Grande Cathédrale, rentre à Keur Moussa sa congrégation d'origine, au volant d'une vieille 2CV. Le petit véhicule poussif tousse, s'éreinte et menace de rendre l'âme à chaque arrêt de feu rouge…Alléluia! Le signal est encore orange. Bonne sœur appuie sur le champignon… Au même moment, l'ancien ministre Ken Yakaaruko se hâte vers le Building administratif pour y quémander des tickets d'essence. L'aile droite de la 2CV happe le boubou de Ken qui trébuche et atterrit sur son arrière train heureusement dodu. ..Plus de peur que de mal! Le miraculé, honteux d'avoir été distrait, s'époussette le derrière et entreprend de récupérer bonnet et babouches ces auxiliaires qui lâchent toujours leur propriétaire en difficulté. Trois badauds, témoins malencontreux de l'accident manqué lui lancent depuis le trottoir: - tëddël! Tubbab la-reste allongé! C'est une européenne
- amna Xaalis-elle a de l'argent
- tey sa afeer baax-ton affaire est bonne
Et le trio de se ruer au chevet du faux accidenté… D'autres badauds accourent vociférant, brandissant le poing comme s'ils allaient lyncher la pauvre Tubaab. L'un des trois fomenteurs de la scène s'approche du véhicule: - "écoute, mam’selle, si la police tarde à venir constater l'accident, ces gens risquent de vous créer des ennuis… Là, entre nous, dix-mille francs rek, je calme tout le monde…Affaire oubliée!
Seuls les imbéciles ignorent que les "bonnes sœurs", comme on les appelle, chez nous, sont entièrement prises en charge par leur diocèse et ne disposent d'aucun argent.
Notre religieuse, après avoir vainement tenté d'en convaincre le scélérat, tire un chapelet du fond de l'unique poche de sa soutane, récita quelques Ave Maria et s'en remit à Dieu… Pour la première fois, sans doute, Dieu qui aime se faire prier et attendre fut prompt à l'appel, sous la forme d'un camion bondissant sur ses essieux. Sauve qui peut sur le trottoir. Ken Yakaaruko, encore allongé sur l’asphalte, attendant ses pourvoyeurs n'a que le temps de lâcher un vibrant "Astafurlaa-Dieu me pardonne " que six paires de roues le transforment en pâté de chair.
Une morale à cette histoire ? Mon père disait: "galaaji saayssay moy dala gul-l'impunité du voyou ne dure que le temps d'un répit.
Amadou Gueye Ngom
PS.
Toute soumission irreflechie est suicide physique ou mentale.
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