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Politique

17 décembre 1962 : le jour où le Sénégal emprunta des sentiers obscurs

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17 décembre 1962 : le jour où le Sénégal emprunta des sentiers obscurs
La crise qui a opposé Président de la République Léopold Sédar Senghor et le Président du conseil des ministres Mamadou Dia a marqué à jamais notre conscience nationale. A peine deux années après son indépendance le Sénégal prit un virage historique qui allait modifier à jamais le socle de notre vivre ensemble. Senghor s’installa définitivement au pouvoir, Mamadou Dia et ses compagnons furent emprisonnés comme on le sait à la faveur d’un coup d’Etat imaginaire.

Il manque aujourd’hui de sérieuses références pour les jeunes générations tant la guerre de la mémoire ou plutôt le complot au service de l’argent roi est fort. Les « vainqueurs » de cette forfaiture indigne ont imposé leur histoire comme si le Sénégal n’avait pas d’histoire. Ces vainqueurs soutiers de la néocolonisation ont été les bras armés d’une certaine France dans la neutralisation de nos intérêts au profit d’autres intérêts liés à des réseaux d’affaires français qui n’avaient rien à voir avec nos aspirations, notre culture. Au Sénégal il ne faut surtout pas convoquer les héros qui avaient osé dire non. Pourquoi cette haine de l’histoire ? Pourquoi l’omerta autour de faits historiques qui se sont déroulés chez nous, à l’image de ce moment de l’histoire de notre pays relaté par le regretté Mansour Bouna N’diaye dans son livre « le prince qui croyait à la démocratie » :

« Ce Sénégal [de Mamadou Dia et Senghor] était une synthèse de l’éthique, de l’excellence et du dynamisme. Malheureusement cette orientation n’était pas au goût de forces obscures tapies dans l’ombre, qui réussirent à casser l’excellent duo en train de bâtir un pays moderne et prospère. Pire, ils iront jusqu’à travestir l’Histoire en tentant de gommer de la mémoire nationale que c’est sous la signature du Président du conseil Mamadou Dia que le Sénégal a accédé à l’indépendance. Ces accords furent signés le 04 avril 1960 avec le premier ministre Michel Debré par Mamadou Dia Président du conseil du gouvernement du Sénégal et Modibo Keïta Président de la Fédération du Mali. Le Président Mamadou Dia, père de l’indépendance mais surtout pionnier d’une vision socialiste du développement fondé d’abord sur nos propres potentialités ,mit en place un plan de développement économique et social hardi qui n’était pas du goût des forces néocoloniales et de leurs complices locaux »

En 1962 toute une génération d’hommes politiques s’était empressée de suivre la voie senghorienne teintée d’un lyrisme poétique au service d’une politique qui se voulait au service des Sénégalais mais qui n’était rien d’autre qu’une politique de dénaturalisation de nos aspirations pour un développement endogène et panafricain. Ceci en porte à faux avec celles que le duo de choc que Senghor formait avec Dia pour l’époque et qui mettait au cœur de son projet le bien-être de tout un peuple. L’Afrique n’étant pas en reste. Nous ne sommes pas là pour dénigrer l’apport du Président poète, avec la complicité de son ami Aimé Césaire, à l’émancipation de l’homme noir. Nous nous intéressons ici à la politique qui broie les âmes qui divise les hommes, et qui grève l’avenir. Jouer la partition d’autrui c’est jouer contre le temps à l’instar de cet adage espagnol qui suggère de « laisser le temps au temps ». Le temps est l’ami des monarques et il ne devient leur ennemi que lorsque la sénescence perturbe leurs prévisions. Les marchands de patience savent cela et ils en raffolent. Combien sont-ils à regretter le choix de 1962 ? En ce temps là, Jacques Foccart avec une cruauté raffinée et au grand jour effaçait de la surface de la terre des hommes comme Félix Moumié, Ruben Nyobé et bien d’autres encore. Les velléités progressistes ont été étouffées avec une violence innommable au nom de la guerre froide et des intérêts supérieurs du colonisateur. La solitude du combattant était devenue l’avenir immédiat pour ceux qui voulaient le meilleur pour leur pays. Beaucoup d’acteurs politiques de l’époque ont, au soir de leur existence regretté de n’avoir pas fait le choix qui aurait été de refuser l’injustice, l’arbitraire et le « prestige » éphémère que l’argent procure. Un choix qui n’aurait pas été contre Senghor mais pour le Sénégal. Déjà l’argent faisait des ravages dans notre société et le festival ne faisait que commencer. Une culture de la trahison s’installa avec la motion de censure contre le gouvernement de Dia, une sorte transhumance politique avant l’heure qui est devenue par la suite, nous l’avons vu, une pratique nationale. Le Président Senghor pressé de donner corps à sa vision politique n’a pas vu venir, aussi, il serait injuste de lui faire porter tout seul le fardeau de la plus grande forfaiture de l’histoire politique contemporaine du Sénégal. C’est-à-dire l’élimination politique de Mamadou Dia. Le Foccartisme était à son apogée. Sans doute que la carrière politique de Senghor allait être stoppée net s’il avait décidé d’accompagner son ami Mamadou Dia visionnaire. Puis arriva le temps de la succession de Senghor épuisé par une longue carrière politique par Abdou Diouf impétrant du « multipartisme foccartien » et successeur au pied levé de son mentor grâce à l’article 35, ceci au détriment d’autres candidats tout aussi capables de conduire les destinées de notre pays. Le cours naturel des choses avait été dévié tel un arbre sain en pleine croissance que l’on aurait choisi d’abattre. Le jeu démocratique fut contourné encore une fois. Mais ceux qui nous aimaient plus que nous nous aimions avaient préféré mettre aux manettes, Abdou Diouf, beaucoup plus malléable et qui se révélera beaucoup plus habile lorsqu’il a fallu survivre au sommet de l’Etat. Dés lors, la fabrique des serviles pouvaient commencer, même la poésie avait disparu de notre quotidien. C’était le temps des croupiers de l’assistanat, l’argent toujours l’argent. Une décennie plus tard François Mitterrand emboucha sa trompette au service de la démocratie. Cela permit aux Mobutu et autres rois nègres de se pavaner pendant que leurs peuples étaient de manière subtilement françafricaine conduits à l’abattoir. Mais à quoi sert le peuple ? Il faut l’inviter à voter après l’avoir affamé puis le tenir en respect avec des moyens policés et policiers. Nous y avons eu droit ici au Sénégal même si la démocratie que nous chantions était plus attrayante que celle de nos voisins. Malgré tout, de grands hommes parmi nos compatriotes étaient formés et officiaient au sein des instances internationales. Nos diplomates, nos professeurs, nos médecins, nos artistes étaient reconnus partout pour leurs compétences et comme étant les produits d’une nation en parfaite harmonie avec son histoire. Mais voilà nous avions et continuons d’avoir de sérieux problèmes avec notre histoire commune, c’est ce qui explique peut-être que le professeur Cheikh Anta Diop ait été combattu par les siens et par l’occident. Ils lui ont préféré les historiens (lettrés ou non) fossoyeurs de la République qui ont montré tout leur talent de transhumants politiques lorsque le Dioufisme souffreteux dégénéra en Wadisme à l’issue d’un scrutin libre et transparent. Ce fut un tremblement de terre dont les secousses telluriques étaient différées dans le temps. Même le Président Dia y cru un moment, lui qui avait œuvré pour le rapprochement du célèbre « opposant » avec une partie de l’opposition sénégalaise jadis radicale mais gagné par la real politique. Un radicalisme de gauche déposa les armes puis changea son fusil d’épaule en « gauche ultralibérale »lorsque le festin libéral commença. Cette gauche emmaillotée ne devait sa légitimité que par rapport à sa capacité à refuser les appels du pied du dioufisme en voie de dislocation. Cette gauche de la gauche assena des coups décisifs à la conscience des citoyens prisonniers de la vraie fausse histoire. C’était le début du cauchemar. Les institutions de la république si chères aux présidents Senghor et Diouf étaient devenues des paravents au service d’une concupiscence jamais égalée. Il fallait digérer définitivement le socialisme dioufien rejeté par les urnes. Puis la génuflexion intéressée finit par donner le coup de grâce au compromis sociopolitique avec les marabouts qui avait si bien réussi au modèle sénégalais. Sa majesté couronnée courut les rues, gava le peuple pétrifié par son image lisse de grand-père fondateur à tous les coins de rue. Il parcourut le monde, distribua de l’argent à ses partisans, qui sortis de leurs ghettos, prirent la mesure de l’enjeu et portèrent cravate. Une nouvelle aristocratie sénégalaise bariolée et vindicative était née. A chacun son ascension comme l’explique Henriette Niang-Kandé dans un éditorial :

« C’est ainsi que pour certains, l’ascension doit se voir. Coûte que coûte. La transhumance géographique est le premier acte qu’ils posent. Ils découvrent alors La ville, jusque là, pour eux, un espace délimité, contrôlé, sécurisé, infranchissable. Si l’on ne perçoit pas automatiquement tout à fait dans les langes de leur nouveau statut, ce qu’ils seront au juste, on voit déjà ce qu’ils ne sont pas. Nulle humilité dans ces personnages, d’un cynisme effrayant et d’une rare hypocrisie. Pour eux, rien de plus important que leur place parce qu’il faut bien assurer la « rentabilité » d’un investissement (le compagnonnage) aux fins de pouvoir s’en donner à cœur joie avec la République, ses fastes, ses ors et ses deniers. Boulimiques, fanfarons et démagogues, n’ayant aucun sens de l’Etat, incapables de se réserver pour les batailles décisives, comme la lutte contre la pauvreté par exemple. »

Les avalanches de paroles creuses proférées révélèrent leur empressement et leur goût pour les biens terrestres par delà leur inculture somme toute attendue car ce sont eux les véritables héritiers du tournant de 1962. Si tout ce beau monde, c’est-à-dire, les senghoristes affamés (car le senghorisme était plus prestigieux que thésauriseur) et les dioufistes révisionnistes se sont retrouvés dans le camp du pouvoir c’est parce qu’ils appartenaient tous, à quelques exceptions prés, au même conglomérat, celui qui était contre Mamadou Dia et ses courageux partisans. Le recyclage réussi des orphelins du socialisme senghorien puis dioufiste en atteste. Elle est là l’origine de nos problèmes car nous n’avons pas d’histoire et l’on nous raconte des histoires sur mesure, au fur et à mesure que le projet destructeur se révéle au grand jour. Et nous pouvons dire quarante six ans plus tard que c’est Mamadou Dia, « embarqué dans la galère de son temps », qui avait raison et que c’est à lui que revient la victoire sur le temps, le temps des assassins. La restauration de la république passera forcément par la prise en compte d’une culture d’éthique politique et sociale au service du développement inspiré du diaisme.



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