Il n’y a rien de plus douloureux que d’assister, impuissant, à cette « incompréhension » qui, au fil des jours, des semaines, des mois, des années maintenant, a dressé un mur entre le président Abdoulaye Wade et la population sénégalaise. Que l’on ait été, par le passé, pour ou contre lui, qu’on soit pour ou contre la « politique » qui est la sienne aujourd’hui, il faut bien reconnaître que Wade a, incontestablement, marqué l’histoire de son pays et même de l’Afrique noire. Dans l’opposition comme au pouvoir.
Mais cette remarquable personnalité intellectuelle et politique est, il faut le dire, mal traitée par sa famille et par son proche entourage. Certes, il est président de la République et chef de l’Etat mais cela n’empêche aucun de ceux qui sont en « proximité » avec lui, à commencer par son épouse, Viviane, et son fils, Karim, de dire au « Vieux » jusqu’où il peut aller et comment il peut y aller. Il y a un gouvernement aussi ; avec un premier ministre. Des conseillers, plus que nécessaire, au palais de la République. Des « éminences grises » aussi. Sans parler de ses amis politiques étrangers. Il est grand temps que ces gens-là justifient leurs émoluments, non pas pour « faire la roue » ou « griotiser », mais pour dire les choses telles qu’elles sont : le Sénégal va dans le mur, non pas seulement pour des raisons conjoncturelles, pas même pour des raisons politiques, mais parce que ce pays n’est plus gouverné comme une République et qu’il est soumis au bon vouloir d’un clan qui entend instrumentaliser un homme excessivement âgé pour la tâche qu’il a à accomplir et les responsabilités qui sont les siennes. Ils ne l’aident pas ; ils s’efforcent seulement de s’accrocher au pouvoir coûte que coûte.
« Lorsqu’il pleut un peu trop à Dakar, je suis indexé ; lorsque le vent emporte le toit d’une maison à Pikine, je suis pointé du doigt ; lorsqu’un train déraille à Thiès, j’y suis pour quelque chose ; lorsqu’un accident survient sur la route, je suis vilipendé ». C’est la complainte que Karim Wade a rédigée le 3 juillet 2011 et rendue publique quelques semaines après les « événements 23 juin ». Sans jamais se poser la question de savoir pourquoi il suscitait autant de sentiments extrêmes. Sans jamais s’interroger sur cet amoncellement de titres qui sont les siens depuis que son père est au pouvoir : Conseiller spécial du président de la République, président du Conseil de surveillance de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (ANOCI), ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des infrastructures et de l’Energie, candidat (battu) à la mairie de Dakar. Ce n’est même pas une question de compétence ; c’est une question de décence. Rien de plus.
Les Sénégalais ne sont ni sourds ni aveugles ; et s’ils tendent à devenir muets (sauf lorsqu’ils en ont vraiment « marre »), c’est qu’ils n’ont vraiment plus « rien à foutre » des hommes politiques, des partis politiques, des élections et de la « démocratie ». Ils savent que les dés sont pipés ; et que les perdants ce sont eux et personne d’autre. Et il est dommage que ce soit la voix de l’avocat français Robert Bourgi (né au Sénégal) qui se fasse entendre pour dire qu’à 87 ans, Wade « ne peut plus prétendre représenter l’avenir d’un pays doté d’une population aussi jeune que celle du Sénégal » (entretien avec Christine Holzbauer, lexpress.fr, 11 juillet 2011).
Wade s’affirme « libéral ». Il est, intellectuellement, anti-marxiste, et ne cesse jamais de revendiquer ce positionnement (n’oublions pas qu’il appartient à une génération où les idéologies n’étaient pas « mortes » et où le marxisme-léninisme s’imposait encore comme une composante philosophique). Mais il devrait relire le « Manifeste du parti communiste » dans lequel Karl Marx et Friedrich Engels fustigeaient les intellectuels représentatifs d’un socialisme critico-utopique : « A l’activité sociale, ils substituent leur propre ingéniosité ; aux conditions historiques de l’émancipation, des conditions fantaisistes ; à l’organisation graduelle et spontanée du prolétariat en classe, une organisation de la société fabriquée de toutes pièces par eux-mêmes.
Pour eux, l’avenir du monde se résout dans la propagande et la mise en pratique de leurs plans de société ». Dans nos entretiens, Wade, toujours, a réaffirmé son opposition au principe marxiste « des lois de l’histoire », considérant que ce sont les hommes et rien que les hommes qui « font l’histoire ». Il rêve aujourd’hui d’une démocratie sans peuple et sans partis politiques. « une société fabriquée de toutes pièces par [lui]-même » si on m’autorise ce détournement de Marx-Engels. « Je suis le seul président en état perpétuel de grâce. L’usure du pouvoir ne s’applique pas à moi. C’est un phénomène spécial lié à ma personnalité, mon charisme ». C’est son leitmotiv. Il y a quelques semaines, son entourage lui avait laissé penser que le « coup » de la majorité à 25 % pouvait marcher.
Hier, jeudi 14 juillet 2011, il proposait une « élection présidentielle anticipée » ne craignant pas de pouvoir être battu, non pas par « un excès d’optimisme » mais à la suite d’une « lecture correcte des rapports de forces ». Dans le même temps, il a lancé cet avertissement aux manifestants : « A présent, nous sommes avertis pour faire face aux velléités de déstabilisation de notre pays. Je vais donner des instructions fermes aux forces de sécurité dans ce sens, pour que force reste à la loi ».
Son « message à la nation » hier, jeudi 14 juillet 2011, annoncé et attendu depuis plusieurs jours, aura laissé les Sénégalais, au mieux, dans l’indifférence, au pire, avec un sentiment non pas de frustration mais d’humiliation. Alors que la population est confrontée à de multiples difficultés économiques et sociales, le président de la République a fait un show à l’intention exclusive de son clan, les élus de la majorité présidentielle réunis, pour l’occasion, à l’hôtel (ex-Méridien) des Almadies : je fais ce que je veux, quand je le veux, comme je le veux, parce que je suis Wade et que les autres ne sont rien. C’est, en substance, ce que les Sénégalais ont perçu à l’écoute d’un « message à la nation » qui n’était pas même adressé depuis le palais de la République mais depuis un hôtel. « C’est, déjà, une injure faite aux Sénégalais dans la forme », me confiait une de mes correspondantes à Dakar ; « dans le fond, il n’y a aucune réponse aux questions que nous nous posons au quotidien ». Dégagez, y’a rien à voir. « Fuite en avant présidentielle » commentait ce matin le quotidien Kotch.
Jusqu’où ? Il n’y a plus au Sénégal aucun levier politique sur lequel agir. Le palais de la République est une prison pour Wade. Le premier ministre est contesté y compris dans les rangs de la majorité présidentielle. Le pouvoir législatif est, à l’instar du pouvoir judiciaire, aux ordres. L’opposition, entravée par les ambitions personnelles des uns et des autres, est inefficace. La « société civile » est dans un embrouillamini qui ne lui permet aucune action politique et sociale cohérente. « Désormais, il y a un avant et un après 23 juin », écrivait Karim dans sa « lettre ouverte aux Sénégalais ». Il ajoutait : « Nous avons la profonde conviction que la démocratie sénégalaise en sortira toujours grandie et renforcée […] Ce message ne peut être ignoré ni par le pouvoir, ni par l’opposition. Notre formation politique, le PDS, et nos alliés ne peuvent faire autre chose que de consolider les acquis démocratiques de Léopold Sédar Senghor, d’Abdou Diouf et de Me Abdoulaye Wade ».
Wade a été celui qui a rendu possible l’alternance politique. C’était en 2000. C’était l’aboutissement d’un processus auquel les Sénégalais s’étaient, majoritairement, associés (et au cours duquel Wade avait payé de sa personne). Il y a longtemps. Très longtemps ! Nul ne sait aujourd’hui - surtout pas Karim - ce que sera « l’après 23 juin ».
JEAN-PIERRE BEJOT
LA DÉPÊCHE DIPLOMATIQUE
30 Commentaires
Young Girl
En Juillet, 2011 (21:11 PM)Kaddu Magg
En Juillet, 2011 (21:15 PM)Deugueu bü Wëer PING
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En Mai, 2022 (10:06 AM)Reply_author
En Mai, 2022 (10:19 AM)Il connait l'Etat. Même s'il aime se délecter du pouvoir et des honneurs, il reste qu'il a une solide et précieuse culture de gouvernement de usi inégalée dans le pays. Seuls Macky et peut être Idy pourraient prêtendre l'égaler sur ce terrain....et encore.Mame Niasse est un homme d'influence. Il connaît et est respecté par tous ceux qui pèsent dans la vie nationale. Il est écouté et entendu.Au sein de l'APR, ceux qui l'entourent ont des capacités qui sont très en deça de siennes. Il n'y en a pas a un seul qui émerge. Mame Niasse les domine par sa personnalité, ses qualités et son expérience. C'est un maître entouré de ses élèves dont pas un seul n'est vraiment brillant. Cela fait le désespoir de notre grand père.Le jour où Mame Niasse disparaitra -Yallah borom na deff mou yekh té rafète- alors ce jour l'APR disparaîtra.
Beug Sarew
En Juillet, 2011 (21:25 PM)Reply_author
En Mai, 2022 (11:45 AM)-couper la langue, les deux oreilles et les lèvres
- planter une barre de fer chauffée à blanc dans l'anus avant d'y insérer quatre grosses noix de coco
-sectionner un à un tous ses doigts de pied et de main, à l'exception de l'index afin qu'il puisse se gratter
-meukheul ko saccou ciment sococim ba paré mou naanloko foukki bouteillou Kirene
- après neuk, par humanité et gentillesse, tu lui mets de l'alcool à 90 degrés sur les plaies et tu le laisses rentrer tranquillement chez lui pour retrouver sa chère maman qui va le consoler "Lii dou dara. Mougneul rèkk. Yallah bakh Na".
😂 vraiment agresseurs yi lô lènn beugg dèff rèkk khèpp ko,. Il fait les déchoir de la nationalité sénégalaise et les envoyer en Sibérie ou au pôle Sud, ndakh Yallah gnou âme Djaal
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En Mai, 2022 (12:54 PM)Hé Bin!
En Juillet, 2011 (21:28 PM)senegal ndiaye
Nafi
En Juillet, 2011 (21:34 PM)Reply_author
En Mai, 2022 (09:49 AM)Ibou
En Juillet, 2011 (21:34 PM)Goor
En Juillet, 2011 (21:35 PM)Seul le mara de Louga s'est prononce pour le moment !!!!
Kadiel
En Juillet, 2011 (21:43 PM)Zibi
En Juillet, 2011 (21:45 PM)Waderek
En Juillet, 2011 (21:46 PM)vive Alioune Dia,
vive Ousmane Ngom,
vive Farba Senghor,
vive Ch. T. Sy
vive Karim Wade,
vive Aziz Sow
vive Fatou Aïdara
vive Doudou Wade
vive Modou Diagne Fada
vive Serigne Mbacké Ndiaye
vive Bamba Ndiaye
vive Me Babou
vive Mamadou Seck
vive Babacar Gaye
vive Habib Sy
VIVE IBA DER THIAM
vivent les Généraux sénégalais
vivent les officiers supérieurs sénégalais
vivent les hauts magistrats sénégalais
vivent les commissaires de police
vive Viviane Wade
vive Lamine Faye
vive Mbaye Pekh
vive Babacar Diagne/RTS
vive Racine Sy/Patronat
vivent les 2 Sérigne Mboup
vive Cheikh Amar
vive Pape Diop
vive Baba Wone,
vive Awa Ndiaye
vive la GC
Yaakar
En Juillet, 2011 (21:49 PM)Dani
En Juillet, 2011 (21:53 PM)Hadoye
En Juillet, 2011 (21:59 PM)Wade Dolignou
Bita
En Juillet, 2011 (22:08 PM)Tout le monde sait que wade est un grand democrate qui a passé tout son temps à defendre la democratie
Dem Dem
En Juillet, 2011 (22:20 PM)Iso
En Juillet, 2011 (22:23 PM)Sous fifres reconnaissable des leurs premiers mots
Aller demander conseil a gbagbo
Bita
En Juillet, 2011 (22:25 PM)Moi
En Juillet, 2011 (22:34 PM)Bita
En Juillet, 2011 (22:44 PM)Omzo
En Juillet, 2011 (22:47 PM)Marfaty
En Juillet, 2011 (22:52 PM)Beug Sarew
En Juillet, 2011 (23:01 PM)Idrissa Seck était l’invité de l’émission Grand Jury sur la Rfm. Mais la première remarque faite par les observateurs c’est la complaisance manifeste dont ont fait montre les animateurs de cette émission. Idriss Seck s’est défoulé librement et sans conséquences sur Mamadou Ibra Kane qui était devenu un presque spectateur. Allassane Samba Diop se comportait comme un conseiller officieux du Maire de Thiès avec ses questions légères sans consistances. Seul Barka Bâ a tenté de résister. Mais à chaque fois qu’il posait les questions qui dérangent, il est coupé par Alassane ou Mamadou Ibra. Décevants ! Par ailleurs, l’ancien Premier ministre Idrissa Seck a été nul durant toute l’émission. Il a servi la même soupe.
En plus Idrissa Seck est victime de ses longues absences du pays. Il est tout le temps entre Paris et NewYork. Le 23 juin dernier, comme lors des précédentes manifestations, Idrissa Seck a fui la bataille sur le terrain politique. C’est ce qui explique son manque d’information, son ignorance quand il dit : «le chef de l’Etat n’a pas renoncé à son projet de dévolution monarchique si non il allait mettre dans la loi qu’un père et son fils ne peuvent pas former un ticket ».
Le Maire de Thiès ignore que lors des plénières du 23 juin, des libéraux avaient introduit des amendements. L’un de ces amendements disait : «le Président et le Vice président ne peuvent pas avoir de lien de parenté ». Cette phrase a été introduite dans le texte initial pour rassurer ceux qui pensent que Wade veut aller en ticket avec son fils. Finalement la Loi a été retirée. Cela, Idrissa Seck ignorait cela. C’est ce qui explique sa sortie maladroite de ce dimanche sur la question. Le Maire de Thiès devait s’informer avant de parler…
Omzo
En Juillet, 2011 (23:05 PM)Quel Peuple?
En Juillet, 2011 (00:16 AM)Siga Diouf
En Juillet, 2011 (07:08 AM)Rufisquois
En Juillet, 2011 (09:31 AM)Tacko
En Juillet, 2011 (09:39 AM)Diekel
En Juillet, 2011 (10:11 AM)Jo
En Juillet, 2011 (13:47 PM)Un régime qui ne compte que sur sa police pour asseoir son autorité est un régime qui CHANCELLE : "Duverger"
"Cette police, si elle doit se trouver du côté des gouvernants, est insuffisante pour asseoir son autorité" G. Burdeau
Rone66
En Juillet, 2011 (17:27 PM)Participer à la Discussion