Aimé Assine, député Apr : « Constituer un bloc autour de Macky Sall, dans la sincérité »

vice-président de l’Assemblée nationale, Aimé Assine, ne s’épanche pas trop sur la presse. Mais pour cet entretien exclusif accordé au journal « Le Soleil », le député et responsable de l’Alliance pour la République, dans le département d’Oussouye, revient sur plusieurs questions : renouvellements du bureau de l’Assemblée nationale, compagnonnage au sein de Bby, déroute de l’Apr à Ziguinchor lors des locales, processus de paix en Casamance et la réduction du mandat du chef de l’Etat. Sur cette dernière question, Aimé Assine ne met pas des gants pour dire son opposition.

Le président Niasse a également appelé les députés à davantage descendre sur le terrain. Est-ce à dire qu’ils ne le faisaient pas avant ?
Non, je ne crois pas que c’est dans ce sens qu’il l’a dit. On ne peut pas être député et ne pas descendre sur le terrain, surtout quand on est élu à la base. Mais il faut que les gens sachent que les députés n’ont pas été élus pour rester seulement au niveau local. C’est pour faire la navette, porter les sollicitations des populations. Si vous voyez que certains restent un moment ici, c’est parce que c’est à Dakar que se trouve le pouvoir central. Mais on ne peut pas se détourner de la base, parce que c’est de là que viennent les sollicitations et c’est là que s’exécutent les sollicitations. 

Mais on ne sent pas toujours ce devoir de critique de l’action gouvernementale à l’Assemblée ?
Je suis convaincu que l’Assemblée fait son travail. Nous ne sommes pas là pour accompagner l’exécutif. Nous sommes là pour mettre les moyens, à travers le vote du budget. Nous sommes là aussi pour évaluer et sanctionner, au besoin. Demandez aux ministres quand ils viennent en commission. Ils arrivent tout frais, mais ils rentrent en sueur. Parce que nous ne sommes pas là pour cajoler les gens dans le sens du poil…

Mais dans les plénières, on ne ressent pas cela…
J’ai toujours dit que la plénière constitue 1/5 voire 1/10 du travail de l’Assemblée. Je considère même que c’est comme si l’on était dans une salle de cinéma où chacun veut prendre la parole, qu’on me voit chez moi et que l’on sache que je travaille. Mais le gros du travail se fait en commission technique, puis en commission de finances. La plénière, c’est la dernière étape. Et quand on nous dit qu’on ne travaille pas, je suis étonné. 

Le président Macky Sall a passé deux ans et demi à la tête du pays. Quelle analyse faites-vous de ces deux années, quand on sait que les Sénégalais aspirent toujours à un mieux-être ?
Il faut faire un bilan à mi parcours. Parce qu’il a opté pour la réduction de son mandat de 7 à 5 ans. Après deux ans et demi, c’est donc un bilan à mi parcours. S’il faut faire un bilan, c’est par rapport aux réalisations. C’est pourquoi, je disais que nous avons un problème de communication autant le gouvernement a ce même problème. Parce que quand  on regarde les importantes réalisations de Macky Sall, on se demande qu’est-ce que nous voulons réellement au point de continuer à critiquer. Vous avez la prise en charge des enfants de 0 à 5 ans ; le Plan sésame, une initiative du régime de Wade a été redynamisée. Il y a la couverture médicale universelle. Aussi avec la baisse des impôts, on constate une augmentation substantielle du salaire. On est en train de redynamiser l’agriculture, on ne parle plus d’inondations comme dans les années passées. Aujourd’hui, dans la campagne, nous sommes  en train de favoriser les grandes voies qui lient les capitales régionales avec les pistes de production. Pratiquement, tout le pays est désenclavé. Dans un an, on n’aura plus de problème d’aller d’un village à un autre.

Le Premier ministre fera sa déclaration de politique générale, ce sera la troisième déclaration du genre. Aujourd’hui, qu’attendez-vous de Mahammad Dionne ?
Si Mahammad Dionne va dans le même sens qu’Abdoul Mbaye et Aminata Touré, cela veut dire qu’il y a une continuité de régime. Je trouve que les deux précédentes déclarations étaient bonnes. Elles allaient dans le bon sens des besoins des populations et cela m’étonnerait qu’il y ait une autre déclaration qui n’aille pas dans le même sens. Peut-être que la stratégie est différente puisque le Premier ministre est l’entraîneur du gouvernement. 
Est-ce les membres de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar sont-ils vraiment des alliés ou un fardeau pour vous?
Ils ne sont pas un fardeau. Mais, je suis un politique. Je connais bien le terrain. De la même manière que l’Apr a créé son parti pour gouverner le pays, je considère que tous les autres partis ont cette ambition. Toutefois, il arrive un moment où l’on peut changer d’avis. Je crois que nous sommes dans un pays où certains sont obligés de s’allier à nous parce qu’ils ne peuvent pas avancer. Par contre, il y a d’autres qui, de manière très loyale, ont la capacité de continuer le combat pour la conquête du pouvoir, mais qui se retrouvent dans l’action et le programme du président de la République. Ils préfèrent donc se joindre à lui et travailler. Dans les instances du parti, j’ai dit qu’il était temps de demander à tous nos alliés de faire un choix clair. 
 
Qu’appelez-vous faire un choix clair ? 
Dans l’optique de l’élection présidentielle de 2017 que tous les partis alliés susceptibles de présenter des candidats nous le disent, dès à présent. Cela nous permettrait d’avoir une image claire par rapport à nos compagnons. Ceux qui pensent se retrouver dans ce que nous sommes en train de faire y resteront volontiers. En ce qui me concerne, je n’engraisse pas un porc ou un animal que je ne mangerai pas. Je n’aiderai personne à chercher des munitions pour se mettre en guerre demain contre moi. Notre souhait à l’Apr, c’est de créer un bloc très fort autour du président de la République, mais dans la sincérité. Celle-ci ne peut se manifester qu’à travers une décision ferme et dès maintenant.

Quelle est votre opinion sur la décision du chef de l’Etat de réduire son mandat de 7 à 5 ans ?
Il l’a annoncé avant qu’il ne soit président. Je loue son courage et son honnêteté. Macky Sall tient à la parole donnée. Je ne suis pas pour parce que c’est justement pour des raisons politiques. Ce n’est pas par rapport à l’éthique morale. Il y a des moments où la politique a ses exigences. C’est nous qui l’avons investi en congrès et le parti a porté sa candidature. S’il a dit que s’il gagne, il fera cinq ans, il faut que nous puissions donner notre avis. 

Malgré tout, il a annoncé un référendum en 2016 ?
Il tient à la réduction de son mandat. S’il a préféré un référendum, c’est pour avoir des chances que son projet passe parce que s’il avait passé par l’Assemblée nationale, j’aurais fait campagne pour le rejet de cette loi.

Dernièrement, lors des élections locales, l’Apr a été battue à Ziguinchor. Quel est le problème, selon vous ?
L’Apr a été battue à Ziguinchor et dans certaines collectivités locales. Si cela a été le cas à Ziguinchor, je considère qu’à Oussouye, nous avons gagné trois collectivités locales sur les cinq. Nous avons perdu le conseil départemental avec 94 voix. Nous avons pourtant 10 conseillers, c’est donc sur le quotient qu’ils nous ont battu.  Les élections locales ont leur particularité, en ce sens que pour un petit facteur, on peut aller à la catastrophe.

Mais qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
A Oussouye, trois facteurs expliquent cela. Le premier, ce sont les investitures. A certains endroits, celles-ci ont été mal faites. Le superviseur qui était à Oussouye a donné une autonomie totale aux différents comités électoraux qu’il a pratiquement lui-même fait monter, en réduisant notre pouvoir de contrôle et de suivi. Je serais intervenu pour dire que celui-ci ou celui-là n’est pas bon, j’aurais créé plus de problèmes. Alors que la mission de superviseur n’était pas cela. Il y avait une constitution de comités électoraux indépendants  qui a fait qu’au moment de constituer les listes, ces comités étaient hors de contrôles. Le deuxième, il s’est avéré en Casamance qu’on a assisté à des coalitions contre-nature. A Oussouye, il y a eu une coalition qu’on appelle « ADK » dont on  connaît à peine les origines des composants. Vous avez des  gens qui sont sortis de chez Baldé, d’autres de chez Robert Sagna et d’autres qui se disent mécontents de l’Apr. Finalement, on ne peut pas comprendre le genre de coalition. Pire, on n’a pas été aidé par le comportement de Sékou Sambou.

Est-ce que cela ne pouvait pas être réglé au plus haut niveau du parti pour éviter tout cela ?
Je prends le parti comme responsable. Si les Doudou Kâ, les Sékou Sambou ont empêché les gens de gagner dans la région de Ziguinchor, c’est avec la bénédiction du parti au sommet. Il y a des gens qui sont tapis dans l’ombre et qui travaillent pour ces personnes. Quand le président donne des instructions, elles ne sont pas respectées.

C’est grave ce que vous dites…
Ce que je dis est vrai et je l’ai dit au président de la République. Quand le président est venu à Ziguinchor, il a donné des instructions pour qu’on donne des appuis, mais dans la salle, nous avons trouvé des têtes qu’on n’a jamais vues avec nous. Et Sékou lui-même qu’est-ce qu’il était venu faire dans la salle, alors qu’il n’était jamais venu à nos rencontres. Benoît Sambou ne pouvait pas comprendre qu’on le mette en ballotage avec d’autres qui ne sont pas des responsables.

Dans le Pse, la Casamance bénéficie d’un programme de développement assez spécifique, après quelques mois de démarrage, êtes-vous satisfait du rythme d’exécution de ce programme ?
Je n’attends pas beaucoup du Ppdc (Pôle programme de développement de la Casamance) et c’est dommage. 

Et pourtant le président nourrit beaucoup d’ambitions pour ce programme ?
Je répète que c’est dommage Malgré l’intérêt que le président porte pour ce programme. Quand on veut faire du bon travail, on commence par faire la paix autour de soi. Sinon, on risque de se retrouver seul.

Vous faites allusion à Sékou Sambou….
C’est lui le responsable du programme. Le programme est lancé depuis le mois d’avril et les résultats attendus tardent. Il faut se demander où est-ce que nous en sommes ? Qu’est-ce que nous avons fait par rapport à des échéances qu’on doit se définir. C’est la même chose avec le Fongip. Aujourd’hui, les populations sont déçues.

Dans le processus de paix en Casamance, l’accalmie s’installe de plus en plus, quel est, selon vous,  le secret du chef de l’Etat ?
Quand il est arrivé au pouvoir, le président Macky Sall a posé des actes concrets par rapport à la paix. Il a tendu la main au Mfdc, dans son premier discours. Et concrètement, il est descendu sur Ziguinchor en effectuant des rencontres concrètes.  Tout cela pour dire qu’il est disposé à négocier avec tout le monde. Personne ne veut de la guerre même les rebelles. Diamacoune disait qu’on leur a imposé la guerre.  

Pour soutenir cette dynamique, sur quel levier pensez-vous que l’Etat doit miser davantage ?
Il faut louer la plateforme des femmes  qui fait un excellent travail parce que ces femmes ont compris qu’il faut travailler sur plusieurs leviers. Il y a le levier culture parce que l’Africain, en général et le Joola en particulier, est un peuple guerrier. Il y a tout un aspect mystique, culturel, religieux, traditionnel qui a dû être entrepris avant. S’il y a des sacrifices qui ont été faits pour conjurer les esprits à soutenir les combattants, il faudrait, à un moment, qu’on aille aussi les conjurer pour leur dire qu’on veut maintenant la paix. Par contre, il faut que certaines personnes cessent de penser qu’ils sont des incontournables dans le processus de paix en Casamance. Le Mfdc est une entité née en Casamance. Dans le gouvernement, il y a des membres qui sont issus de la Casamance. Il y a ceux-là qui ne sont nulle part. Je définis le Casamançais non pas par rapport à son ethnie ou sa souche mais comme celui qui aime la Casamance.

Propos recueillis par Maguette NDONG, Seydou Prosper SADIO (texte) et Ndèye Seyni SAMB (photo)