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Politique

ANALYSE - Leçons de campagne : Où est le pays réel ?

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ANALYSE - Leçons de campagne : Où est le pays réel ?

« Le politique n’est-il pas que l’expression de l’économique ? » écrivait, à une certaine époque, Fredrich Engels. Ce n’est certainement pas le cas pour le Sénégal. La vertu évacuée, le ou la politique dans notre pays reste surtout l’expression du nombre. Quel que soit ce qu’on mettra à l’intérieur. Quels que soient les gens, les groupes, associations et partis qui constitueront la frange dominante 

Depuis quelques jours, c’est à fort coup de meetings populaires, de marches, ( verte, bleue, jaune, rose, marron ou orange que s’adonne la classe politique. Devant les cortèges subitement créés aux portes des villes ou villages oubliés, dans un pays envahi de badauds et d’errants en quête de petites sensations, les leaders, (plutôt les politiques) trônent avec une sorte de fierté retrouvée. De légitimité tant demandée au peuple et qui soudain, arrive avec la caution du nombre. Plutôt de la foule. Alors dans ce cinéma ou ce théâtre de rue, le principal perdant reste le Sénégal.

Le pays réel y perd. Parce que dans cette masse virtuelle, on s’émerveille des voitures ritulantes, des grandes affiches, des caisses mécaniques, exaspérantes et impressionnantes ... Et que reste-t-il au peuple ? Rien d’autre que des faux-semblants et une manière d’être et de faire qui risquent d’enraciner la médiocrité, sources de tous les excès. C’est aussi la porte ouverte à toutes les dérives. Parce que cette foule, elle est comme l’opinion de Bachelard, « elle hurle, mais elle ne pense pas ». Elle ne sait pas penser. Alors à qui parle-t-on donc ? A la masse ou aux hommes et femmes qui savent et comprennent. En réalité, on ne parle à personne. On parle.

La foule n’est pas le peuple

Jusqu’ici, ceux qui ont fait le choix du nombre et qui semblent tirer leur épingle du jeu, n’ont abordé que les éléments connus d’une campagne. Ils ne sont pas nombreux à parler de programme, de vertu ou des valeurs réelles de la société sénégalaise. Certains n’en parlent que s’ils sont attaqués par d’autres candidats. Or, le vrai débat n’est-il pas aussi de préparer les générations actuelles et à venir à autre chose qu’à faire de la politique de cette manière. Trop beaux, ils se comparent entre eux, pèsent leur image et essaient de faire peur. Les deux maîtres dans ce jeu, Abdoulaye Wade, le président sortant et un de ses principaux adversaires, Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste (Ps).

A coup de phrases reçues ou rapportées, ils se lancent tous les jours dans un jeu d’attaques personnelles entrecoupées de promesses politiques. Maîtres de la litote et des hyperboles, ils ne cessent de recommencer les mêmes promesses. Histoire de faire rêver. Tout cela est possible, parce qu’au Sénégal, sept années après l’alternance survenue dans la gestion des affaires de l’Etat, peu de cas est fait de la vérité, du respect des règles et normes de la bonne gouvernance. Ceux qui tiennent les commandes (Wade et ses hommes) ne s’occupent guère des principes de base d’une économie agonisante à relever. Membre à part entière du Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (Nepad) et d’un des ses pendants, le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (Maep), dont le principal credo est avant tout la bonne gouvernance et la quête d’un plus grand bien être des populations, Ils ne donnent même pas l’impression d’être dérangés par le malaise d’un peuple soumis à la logique des pénuries et des délestages intempestifs : pénurie de gaz, d’eau ou de carburant, panne d’électricité etc. Dans ce qui est devenu l’ancienne coalition Alternance 2000 et des acteurs, combattants de la première heure, il ne reste pas grand monde. Et Wade se réjouit sans doute des immenses foules qu’il draine aujourd’hui, profitant d’une situation qu’il enviait, semble-t-il, à Diouf, et d’ailleurs qu’il ne dénonçait que parce que ce n’était pas lui, qui était au devant de la scène. Qui sait ? Le temps est passé depuis février-mars 2000. Et c’est un autre Wade que les Sénégalais ont retrouvé. Un autre Wade encore, parce qu’il a oublié que c’est la révolte d’un peuple qui a failli le porter au pouvoir en février 1988. Une révolte définitive et un référendum impulsé par le peuple contre Diouf, qui vont pousser Niasse à le rejoindre avant même la fin du premier tour de scrutin quel que fut le résultat du président sortant Abdou Diouf et sa coalition. A t-il, au profit du nombre, oublié que le pays attendait de lui une autre manière de gouverner ? Ils sont nombreux à le croire. Wade qui aura poussé l’indécence jusqu’à négocier sur le dos de tous ces gens et aussi de son parti, un retour d’Idrissa Seck pour se maintenir encore définitivement et sauver les meubles et le patrimoine du Pds.

Nécessité de rupture

Le principal malaise du peuple sénégalais vient sans doute de là et risque de durer si une rupture totale n’intervient pas aujourd’hui, avec de nouvelles générations d’hommes et de femmes politiques. Au détriment d’une vraie politique, c’est à un discours de haine et de mépris qu’on semble assister.

Tous ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous. Et gare aux dénonciations des dérives de gens incontrôlés qui semblent avoir le feu vert des lobbies autour du président. La fréquence de ces actes délibérés ont eu pour conséquence de diviser l’opinion en deux groupes : ceux qui dénoncent les dérives et ceux qui cautionnent ces excès. Dans ce jeu, pour plaire, il faut dénoncer le pouvoir ou parader avec lui en proférant des menaces à ceux qui osent. Quelle manière de faire de la politique ?

Et le peuple alors une fois encore ? Non, le peuple ne tient que très peu de place dans le discours des politiques depuis longtemps. Jamais dans une campagne ( celle de cette année comme d’autres qui l’ont précédée) ou dans l’exercice du pouvoir, le bien-être des Sénégalais n’a été aussi mal traité et maltraité. Le cas de Wade est le parfait exemple de cette situation. Après Diouf, il a incarné l’espoir. Pour peu. Depuis qu’il a été élu président, il s’est doté d’une Assemblée nationale presque monocolore, à qui elle a fait voter toutes les lois qu’il voulait, une constitution, (avec la caution de certains de ses alliés d’alors, Niasse et Bathily) taillée sur mesure pour lui. Place est faite au groupe d’amis, d’alliés complices, surtout à des transhumants, ennemis irréductibles hier, laudateurs aujourd’hui pour survivre.

Les clés de l’avenir

Les rares candidats qui se hasardent aujourd’hui à sortir un programme ennuient ainsi ce genre de foule. Il semble y avoir un monde entre celui de ses candidats et le monde de la folie et des excès. Ils ne semblent être écoutés que par des gens plus avertis qui ne se lassent pas de voir un Mame Adama Guèye auteur de la seule déclaration de patrimoine faite par un candidat, un Talla Sylla qui évoque dans un village, les conditions difficiles de transport qui le bloquent sur les routes, un Robert Sagna qui règle aussi des comptes à Tanor et refuse de faire des promesses folles aux jeunes, un Modou Dia, un Mamadou lamine Diallo ou encore Alioune Petit Mbaye tous limités par les moyens, mais qui n’abdiquent pas. Ils incarnent une autre manière de faire de la politique, nouvelle façon d’agir, de vivre et de travailler.

Le peuple qui a fait le pari de les écouter sera leur arbitre et leur juge. Le Sénégal qu’ils ambitionnent de diriger devrait, au terme de cette présidentielle, tourner la page des compromis négociés à coups d’argent et de promesse de poste, pour aller relever d’autres défis. Il ne s’agit plus pour demain, de parler, parler, parler… Le moment est venu de passer aux vrais actes du développement. Cela passera forcément par le respect de tous les engagements pris au nom des peuples, dans les conférences internationales sur le développement (bonne gouvernance à Kigali en mai 2006, villes durables à Vancouver en juin 2006, Changement climatique à Nairobi en novembre 2006) pour que l’Afrique change. Que l’Afrique bouge avec des hommes de valeur et non des foules.

En définitive, la vertu a cela de particulier qu’elle a toujours un nom et un contenu. Cela au détriment du nombre, qui a le don d’être souvent sans nom et sans visage. Toute la différence donc entre la foule et les gens.



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