Le phénomène ne prend pas d’ampleur, mais il est peu combattu. C’est la double appartenance à deux camps politiques antagonistes : le Pds et les amis d’Idrissa Seck. Tout le monde s’y complaît ; la confusion n’en est que plus déroutante.
Le phénomène naissant de la double appartenance politique fait son petit bonhomme de chemin entre le Parti démocratique sénégalais et la formation politique virtuelle annoncée par l’ancien Premier ministre et maire de Thiès. Le paradoxe s’installe peu à peu, avec à la clé un système de vases communicants qui semble ne fonctionner que dans un seul sens. Une situation délétère qui rejoint sans doute des préoccupations stratégiques dans lesquelles chaque partie se complaît, en attendant que les événements se précipitent ou que le statu quo prévale encore bien longtemps. En attendant, le confusionisme règne en maître.
Interrogé par Le Quotidien (voir notre édition d’hier), le député Mama Dabo dit se réclamer du Parti démocratique sénégalais en même temps qu’il soutient la candidature de Idrissa Seck. «(…) Normalement, on aurait dû aller à un congrès pour choisir un candidat (…) Le parti devrait le faire et il peut le faire ». La réplique, non officielle, est venue de Moustapha Diakhaté, du mouvement Wacook Alternance. «Pour parler du Pds, il faut en détenir la carte. Or, Mama Dabo n’a pas la carte du Pds. Il est un transhumant, de ceux-là que Idrissa Seck brocarde dans son dernier discours. Quelle est la section libérale à Ziguinchor qui s’est réunie pour désigner Mama Dabo candidat à la députation lors des législatives de 2001 ? Aucune. C’est Idrissa Seck qui l’a recruté et qui en a fait député quand il était à la fois le Congrès, le Bureau politique du Pds dans lequel il faisait la pluie et le beau temps. Alors, depuis quand Mama Dabo s’intéresse-t-il à la démocratie interne au Pds » ? Pour faire bonne mesure, Moustapha Diakhaté élargit le spectre des incohérences drainées par l’absence de cartes bleues. «Il n’y a pas eu de vente de cartes depuis 1996. C’est pourquoi la majorité de nos responsables qui sont dans le Comité directeur du parti n’en ont pas. C’est Abdoulaye Wade, en tant que secrétaire général national, qui nomme ces gens-là en violation des règlements du parti ».
N’empêche que le constat est flagrant. Nguirane Ndiaye, Garmy Fall, Talla Diouf, Mama Dabo, Ndèye Maguette Dièye et Samba Bathily, tous parlementaires, et Waly Fall, maire de la commune d’arrondissement de Dieuppeul-Derklé, sont aujourd’hui des responsables à la double casquette : militants Pds et proches collaborateurs de l’ancien Premier ministre. «Nous avons le droit de soutenir Idrissa en tant que candidat de Rewmi car c’est nous qui avons créé le Pds », souligne Garmy Fall. Pour sa part, Samba Bathily argue de sa légitimité pour justifier son statut de militant du Pds. Ancien membre du Secrétariat national, du Bureau politique, du Comité directeur, ex secrétaire national adjoint de l’Ujtl, ce député de Pikine dit reconnaître à Idrissa Seck «toutes les qualités requises pour diriger » le Sénégal. «Je suis toujours militant du Pds, cela ne m’empêche pas de soutenir la candidature de Idrissa à la présidentielle de février », ajoute-t-il. Mais avant d’avoir posé cet acte, Samba Bathily indique avoir reçu l’avis favorable de tous les responsables de secteurs qu’il dit contrôler dans la Fédération libérale de Pikine. Cette sorte de cumul ne le gêne pas. «Idrissa Seck n’a pas démissionné du Pds. On l’a exclu. Lorsque nous étions dans le mouvement des élèves et étudiants libéraux, le président Wade nous a toujours dit de manifester en permanence notre position quand nous ne sommes pas d’accord », rappelle-t-il.
Véritable pourfendeur d’Idrissa Seck, Moustapha Diakhaté dénonce le manque de courage caractéristique de ses ex-frères écartelés entre deux mares. «C’est un bal d’hypocrites auquel nous assistons. Ces gens se sont auto-exclus du Pds. Mais au-delà, le fond de la chose est qu’ils sont dépourvus de courage politique, et les Sénégalais doivent en tirer les conséquences. Comment pourront-ils faire confiance à des personnes aussi lâches ?» Ce à quoi Samba Bathily rétorque : «Si nous n’étions pas courageux, nous n’aurions pas mené la fronde à l’intérieur de l’Assemblée nationale, nous n’aurions pas également choisi Idrissa comme notre candidat à la présidentielle alors que nous sommes encore des militants du Pds ».
Sur au moins un point, Moustapha Diakhaté et Samba Bathily accordent leurs violons. Selon l’ancien coordonnateur de Wacook Alternance, «Le Pds doit avoir, lui aussi, le courage politique d’exclure des personnes qui posent des actes contraires à ses intérêts ». Quant à l’ex-responsable de l’Union des jeunesses travaillistes libérales, sa position est d’une clarté nette. «Je ne suis pas un cagoulard, j’ai pris toutes mes responsabilités en affichant ma préférence pour Idrissa en février 2007. C’est la direction du parti qui doit prendre ses responsabilités». Le comble serait que le Parti démocratique sénégalais investisse ses propres rebelles à des postes éligibles de députés aux législatives de l’année prochaine. Cette perspective, Samba Bathily ne la rejette pas. C’est seulement «un tout autre dossier » comme il dit.
Pour le moment, le Pds refuse de réagir face à cette situation. Après l’exclusion de Idrissa Seck, Awa Guèye Kébé, Pape Diouf et Omar Sarr, les autres rebelles sont relativement laissés tranquilles. Une porte ouverte pour ne pas insulter l’avenir ?
0 Commentaires
Participer à la Discussion