La convocation de Karim Wade devant les députés pour la présentation du bilan de l’utilisation de plus de 400 milliards FCfa dans les travaux de l’Agence pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci) avait été réclamée. Elle avait même été mal interprétée au point de valoir à l’ancien président de l’Assemblée nationale, Macky Sall, son exclusion du Pds et son éviction du Perchoir. Maintenant, une semaine après la dernière réunion du Conseil de surveillance de l’Anoci, son président, par ailleurs fils du chef de l’Etat, ainsi que toute son équipe vont devoir se présenter devant les Parlementaires pour faire le bilan de leur exercice. «Ainsi, en a décidé, hier, la Conférence des présidents du bureau de l’Assemblée nationale qui a fixé le face-à-face pour mardi prochain, 30 juin, à quinze heures trente minutes», souffle-t-on du côté de l’Hémicycle.
Seulement, «il ne s’agira pas d’une séance d’explication publique en plénière, mais plutôt d’une rencontre en inter-commission du Parlement». Laquelle rencontre va réunir les membres des commissions des Lois et des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. «C’est donc devant cette réduite composition du Parlement que Karim Wade et Abdoulaye Baldé vont défendre leur bilan, loin des autres parlementaires, de l’assistance et de la presse.» Car, le face-à-face se tient à huis-clos, dans la nouvelle salle sise à l’arrière-cour de l’Hémicycle.
«Peu importe la manière de rendre compte !»
Ce format retenu par la Conférence des présidents, pour l’audition des membres de l’Anoci, suscite déjà un questionnement, car certains élus du peuple disent «ne pas comprendre la restriction faite autour de cet exercice oral». En effet, d’aucuns dénoncent «le choix de restreindre l’espace d’expression de la transparence». Seulement, si l’on en croit les confidences de sources bien informées, ce choix n’est pas fortuit en ce sens qu’il «obéit à une logique de gestion de l’image du fils du Président». L’on révèle que «le passage de Karim Wade devant tous les députés et sénateurs, lors de séances plénières, serait suicidaire en ce sens qu’il serait difficile de gérer certaines questions gênantes». Autre explication fournie pour justifier le format d’inter- commission, c’est «le comportement hostile de nombre de députés de l’opposition et même de libéraux rebelles, qui n’hésiteraient pas, dans le seul but de faire échouer l’oral, à recourir à des pratiques politiciennes, ce qui pourrait mettre Karim Wade dans des situations pour le moins inconfortables». Il s’y ajoute, selon des interlocuteurs, que «la gestion du temps et de la langue de travail a été un élément déterminant dans la conception de cette formule qui, dans sa finalité, est de faire retenir que Karim Wade a rendu compte de sa gestion de l’Anoci devant les députés et sénateurs». «Peu importe la manière», commente-t-on au sommet.
De l’«incompétence» à la jurisprudence
De contorsions et torsions en coups de boutoir, la vitrine de la démocratie sénégalaise - la Constitution - est sérieusement craquelée. Elle a gagné en laideur. Du moins, comparée à nombre de pays de la sous-région dont on se gaussait naguère de la gestion «bananière» dans l’euphorie post-alternance. Que d’eau a coulé sous le pont ! Souffre-douleur particulier du régime de Wade, la Constitution a été tant de fois rectifiée, défigurée au gré des humeurs du prince. Aux nez et à la barbe de nos cinq sages du Conseil constitutionnel. Plusieurs fois saisis d’un recours en inconstitutionnalité, les gardiens du temple ont argué, invariablement, leur «incompétence». Ils ont remis ça vendredi dernier, en se lavant les mains du recours en annulation de la loi portant création du poste de vice-présidence, introduit par quinze députés. Et après son vote sans coup férir par la majorité libérale (députés et sénateurs) obéissante au doigt et à l’œil aux désidératas du Président Abdoulaye Wade. Cette «neutralité» récurrente des juges constitutionnels face aux requêtes prend les contours d’une jurisprudence tendant à donner foi aux retouches intempestives de la charte fondamentale ; les observateurs pointilleux parlent de 14 modifications depuis l’adoption du texte par voie référendaire en janvier 2001. C’est sans doute un record dans ce 21e siècle !
Ce qui se dessinait en 2000 comme une marche triomphale vers des lendemains qui chantent s’avère un parcours à rebrousse-poil qui ravale le pays au rang de ceux indexés au banc des moutons noirs de la démocratie. Ce n’est pas un hasard si les défenseurs zélés de l’institution de la vice-présidence en sont réduits à invoquer sans sourciller l’exemple du Gabon, qui est l’un des rares Etats -dire démocraties serait une forfaiture- à disposer de cette institution aux côtés d’un président et d’un Premier ministre. Encore que ce pays de l’Afrique centrale, tenu 41 ans durant de main de maître et de fer par son défunt président Omar Bongo, a jusque-là, et contre toutes craintes, respecté les dispositions légales en cas de vacance du pouvoir. En attendant bien sûr de voir venir.
Plus près de nous, au Niger, d’autres magistrats inamovibles ont pris, eux, leur courage et responsabilité à deux mains en renvoyant le président Mamadou Tandja au respect de son serment : «respecter et de faire respecter la Constitution». Quelle jurisprudence !
Tandja voulait organiser un référendum sur une nouvelle Constitution qui lui permettrait de rester au pouvoir au-delà de son second mandat de cinq ans. Il s’est évité de justesse un autre camouflet -être traduit pour "haute trahison" devant la Haute cour de justice- en décidant, sans crier gare, de dissoudre l’Assemblée nationale empêcheuse de faire des galipettes en rond. Les élus nigériens avaient donné le ton en rejetant au préalable une pétition des partisans de Tandja demandant une rallonge de trois ans de l'actuel mandat présidentiel.
La peur de perdre leurs sinécures n’a pas résisté face au devoir d’assumer leur noble mission. Leurs homologues sénégalais qui pensent et agissent inversement doivent se sentir dans leurs petits souliers.
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