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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

CHRONIQUE DE L’IMPROVISTE : Inquiétante légèreté

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CHRONIQUE DE L’IMPROVISTE : Inquiétante légèreté

Dans la mythologie wadienne, Maître est présenté sous les traits d’un travailleur infatigable, qui sort très tard de son bureau et n’hésite pas à appeler ses collaborateurs à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Le 1er avril 2000 (n’était-ce d’ailleurs pas un poisson ?), lors de sa prestation de serment, il exhortait le peuple « à travailler, encore travailler, toujours travailler ». Lui-même ou ses soutiers ne manquent pas d’occasion pour nous servir cette fable destinée à faire briller la couronne de sa Majesté, s’ils n’ont pas, qualifié ses prédécesseurs de fainéants : « En quarante ans, ils n’ont rien fait ».

Mais à y voir de plus près, Maître s’agite beaucoup, s’ébroue tout autant, cafouille souvent et maintient le cap…oral. Depuis son élection à la tête du Sénégal, l’homme n’arrête pas de promettre et de décider avec une telle légèreté, de brasser l’air, mais surtout du vent, à tel point que depuis, le Sénégal en connaît des perturbations météorologiques. Les habitants de la banlieue de me démentiront pas. Opportuniste jusqu’au bout des ongles, il tire avantage de toutes les situations qui l’intéressent. Les murs de la Présidence de la République n’étant pas étanches, on sait que ses collaborateurs n’ont aucun pouvoir. C’est sa Majesté qui régente tout. Rien, ni personne –à part sont fils- ne trouve grâce à ses yeux impériaux. Il pique des colères, violentes, dit-on. Son entourage reste inhibé. On ne contredit pas sa majesté et sa toute puissance, sous peine de remise au pas ou de perdre son poste et les avantages qui vont avec. Bref, la machine gouvernementale est réduite à Maître, qui dégringole dans le cœur des Sénégalais aussi bas que les espoirs qu’il avait placés en eux. Il n’y a pas d’équipe, pas de plans, pas de cohésion.

La formation du dernier gouvernement dirigé par Souleymane Ndéné Ndiaye en est une parfaite illustration. Quatre jours après sa publication, il n’a pas fini d’être composé ! Il ressort de cette cacophonie, un sentiment préoccupant en cette période de crise qui ne l’est pas moins. Le nouveau premier ministre, nommé le 1er mai, déclarait dès le lendemain lors de la passation de service avec Aguibou Soumaré qu’il venait de remplacer : « il faut parler moins et travailler plus ». N’a-t-il pas assez travaillé sur ce dossier de nomination des membres de son gouvernement, lui qui le soir même est allé à deux galas et a récidivé le lendemain pour être spectateur (assis entre le fils de Maître et du ministre des Sports) du combat de lutte Moustapha Guèye-Balla Gaye ? Ainsi donc, le premier acte officiel qu’il a pris, c’est d’aller au bal, d’où il est reparti parmi les derniers. « Mo ko tëjj ! » disent même certains.

Le gouvernement qui n’en finit pas d’être composé est, s’il en est, un exemple patent de la légèreté avec laquelle le pays est gouverné. Une gouvernance qui est truffée de malfaçons, hésite, bafouille, hoquette, manque de clarté et d’intelligibilité, qui conduit à la réduction de la République en instrument de politique de la famille et de clan.

Légèreté avec les partenaires sociaux, légèreté avec les investisseurs, légèreté avec les lois, légèreté avec les finances publiques, légèreté avec la justice, légèreté avec les libertés, légèreté avec la constitution, qui verra sa 16ème modification en neuf ans, avec l’introduction d’un poste de vice-présidente. L’embrouille érigée en système de gouvernement, l’exacerbation des ambitions, jouer les uns contre les autres, pour faire sa pelote.

Comment un président de la République, garant des institutions, peut-il continuer à jouer avec la Constitution sur une énième « habileté » de dernière minute, hors de tout cadre, de manière unilatérale, évoquant une « station » aussi imprécise que sans garantie, une dizaine de jours après le 22 mars ? Loin d’impressionner, cette grande légèreté et cette absence de tenue républicaine fait du Sénégal, un objet de risée.

C’est ainsi que du premier septennat au quinquennat courant de Maître, le pays dérive, Maître case et recase ses gens dans des postes convoités et les Sénégalais s’écoeurent de plus en plus. Ce sont les mêmes têtes qui font des allers-retours, aux arguments éculés, aux programmes faméliques. Les caciques connaissent une nouvelle jeunesse après la défaite. On les voit se pousser du coude, briguer les portefeuilles ministériels ou les postes de prestige. Quand au gouvernement encore inachevé de Souleymane Ndéné Ndiaye, il a l’allure d’une véritable auberge espagnole. On y sort et entre comme dans un moulin. Après l’entrée très remarquée de Karim Meïssa, fils de Maître lui-même, le remembrement du ministère de l’Economie et des Finances, la « réhabilitation » de Ousmane Ngom, la renomination de Mame Birame Diouf, au poste de ministre d’Etat chargé du Fesman, fait encore plus désordre. Et n’était-ce pas Maître qui s’était engagé à revoir le processus de désignation aux postes importants pour la République ? Ministre d’Etat pour coordonner un évènement, coacher par les amis… français du Président ! Fallait le faire. Ce n’est pas sa compétence qui est en cause, mais le poste créé, dans la nomenclature gouvernementale. Sûr qu’on en a pas encore fini avec cette monarchie républicaine, et ses frasques.

Les fonctions présidentielle et ministérielle, ou de grands commis de l’Etat, en effet, ont perdu de leur prestige et surtout de leur sens, de leur vraisemblance, et avec elles, la dignité et l’esprit républicain sont savamment éclipsés puisque l’Etat est devenue une « famille officielle » : « Je remercie mon frère de m’avoir consulté, Karim Wade est mon neveu, je suis l’aîné de la famille, Maître Wade est notre père » Voilà ce qu’est devenu le discours officiel. Le rayonnement du Sénégal a été fonction de sa capacité à prouver au monde entier que c’était une République, un Etat, capable de porter à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières une parole forte, et crédible. Ce sont nos idées, nos propositions et leurs mots, qui nous ont valu le respect. Aujourd’hui, cela a assurément une autre allure, avec ces anecdotes fielleuses dont les plus friands ne sont pas les derniers à pointer la vulgarité entre cacophonies, combinaisons d’une « famille » autocentrée et obnubilé par son agenda interne. Pas de saine et sage gouvernance, encore moins de progrès pour les citoyens. Ne parlons pas d’assainissement du budget. Comment peut-on comprendre ce énième vacarme théâtral qui a commencé vendredi, quand tant de dossiers souffrent d’être examinés ?

La conduite désordonnée des affaires du pays devient insoutenable. Contrairement aux avions d’Air Sénégal International qui ont des pilotes, mais sont cloués au sol, le nôtre est piloté sans radar et au pif, avec le risque d’atterrir n’importe où et dans n’importe quelle condition. Le show ne fait plus recette, mais c’est tout ce qui lui reste, au président élu qui se comporte en monarque. De la légèreté on va nous en servir pour le reste du quinquennat. Dieu, que cela va être long, pénible, frustrant et douloureux ! Comme m’a dit un excellent esprit : « Maître est quand même fort. Il est arrivé à nous faire regretter Diouf ». Triste, mais incontestable exploit



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