Samedi 20 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Commentaire du jour : Rendez-vous manqué

Single Post
Commentaire du jour : Rendez-vous manqué

Ceux qui s’attendaient à quelque chose de concret et de palpable pour sortir notre cher Sénégal du dédale de survie dans lequel sont piégés nos compatriotes, ont, une fois de plus, déchanté. Le président de la République a raté son rendez-vous avec le peuple. Alors que ce dernier l’attendait sur le grand boulevard de la dèche, de la misère, de la pauvreté des populations, accentuées par la flambée des prix des denrées de première nécessité, etc, lui, a préféré emprunter le sentier de l’irréel, de la vision, offrant - parfois avec une générosité qui sort de l’ordinaire - tramway, taxis maritimes, chemins de fer, centrale atomique. Il s’est accroché à l’évidence (employée ici au sens de l’acquis) (d’ailleurs, son fameux slogan de campagne résonne encore dans la tête des Sénégalais, weedi guiss bokku ci, « on ne peut pas nier l’évidence ») : infrastructures routières, chantiers de l’Anoci, bourses des étudiants, rémunération des instituteurs, ponction sur les salaires pour supporter la hausse des prix de consommation courante. Un air de déjà entendu, c’est le sentiment que nombre de Sénégalais ont eu à la fin de l’adresse à la nation du Président Wade. A-t-il profité de cette « baisse de concentration ? » des Sénégalais profondément meurtris, comme il le dit, par la disparition du Khalif général des Mourides ? Wade va alors surfer sur la vague émotionnelle pour montrer à ses compatriotes qu’il partage la même douleur. 

Le Chef de l’Etat affirme sa « Mouridité » en utilisant un « nous » impersonnel qui peut à la fois renvoyer aux membres du gouvernement et aux talibés qui se réclament de cette confrérie. Pour faire acte d’allégeance au nouveau Khalif, il a fallu que le président de la République s’éclipse devant le talibé. (…pour saluer Serigne Mamadou Lamine Bara Mbacké et lui déclarer que nous le reconnaissons désormais comme le nouveau Khalif Général des mourides, Serigne Touba, dit-il dans son discours).

Le grand boubou et le Coran offerts par le nouveau guide des Mourides, est loin d’être un geste anodin. Il s’agit d’une seconde intronisation après celle du regretté Serigne Saliou Mbacké. Me Wade a marqué son territoire et cela ne peut se faire que dans la continuité des actions entamées. Et c’est le contribuable qui va devoir financer, à coup de milliards, cette opération de charme en direction des « Mourides » qui constituent un poids électoral certain. Mariage de raison ou de « foi » ? Allez savoir !

Mais pour ne pas faire des jaloux du côté des autres confréries, Me Wade précise que ces importants investissements dans la ville de Touba, s’inscrivent dans le cadre du programme de modernisation des capitales religieuses. Cette modernisation de Touba, le Chef de l’Etat l’a présentée comme une œuvre personnelle, en atteste l’usage du « je » (…terminer complètement le programme de modernisation de la Ville Sainte de Touba que j’avais déjà entamé avec Serigne Saliou Mbacké…). Une sorte de « adya » (récompense) que l’on donne à son marabout pour, en retour, avoir sa bénédiction. C’est le même souci qui l’a amené à évoquer « l’élévation, à la dignité cardinalice, d’un illustre fils de notre pays », en l’occurrence Son Eminence le Cardinal Théodore Adrien SARR.

Seulement, le chef de l’Etat, en se mettant dans la peau du croyant (Mes chers compatriotes, en Nation de croyants, dit-il ) oublie que la République est faite de croyants et de non-croyants, en somme de citoyens. Peut-être même que la « distinction méritée » de Théodore Adrien Sarr n’a été qu’un prétexte pour Wade de répondre à ceux qui soutiennent que notre peuple a perdu ses repères, traversé qu’il est, par une crise profonde des valeurs. Il y voit le « signe de l’identité remarquable par laquelle la Nation sénégalaise, dans toutes ses composantes, se définit, se distingue et s’épanouit, une singularité qui nous vaut beaucoup de considération dans le monde ».

Par ailleurs, le président de la République a évoqué certains sujets, comme la campagne agricole, l’énergie, la crise de l’éducation etc.

Une fois n’est pas coutume, Me Wade a reconnu la dure réalité du monde rural, du fait d’une « campagne agricole 2007 qui n’a pas été des meilleures ». Seulement, il refuse de faire endosser la responsabilité au gouvernement qui a mis « d’importants moyens pour l’achat de matériels, d’intrants agricoles et l’encadrement du monde rural ». L’hivernage tardif, avec l’arrêt précoce des pluies serait, selon lui, à l’origine des malheurs des paysans. Le Chef de l’Etat a parlé de « vision stratégique » pour soustraire le secteur agricole aux aléas climatiques. Car l’on (critiques formulées par l’opposition) a longtemps reproché à son régime de manquer de vision pour mettre notre agriculture sur les rails de la modernité. Les programmes niébé, maïs, manioc ; le Plan Reva, constituent aux yeux des opposants la marque indélébile de l’échec des politiques agricoles du régime dit de l’alternance. Et c’est pour répondre à ces critiques que le Président Wade a utilisé la notion de « vision stratégique », histoire de montrer à ses détracteurs que son régime fait dans la planification, avec des échéances. Seulement, dans le cas qui nous intéresse, il est incapable - ce qui se fait dans d’autres pays - de dire dans quelle échéance notre agriculture ne sera plus dépendante des aléas climatiques.

Il a eu la même attitude concernant l’énergie. Pour lui, la responsabilité incombe aux producteurs de pétrole qui imposent leur « diktat » aux pays non producteurs. C’est la meilleure façon de nous faire avaler la pilule. Wade ne présente pas la crise énergétique comme un problème sénégalo-sénégalais, mais il lui donne une dimension mondiale, en mettant l’accent sur la nécessité des pays africains non producteurs de s’unir pour apporter ensemble des réponses. Non sans oublier de se mettre dans la peau d’un Président proche du peuple, de ses préoccupations, qui a « conscience des frustrations légitimes des consommateurs et des pertes en compétitivité pour les entreprises, occasionnées par les perturbations dans la fourniture d’électricité ». Le Prince doit de temps en temps montrer qu’il a de la compassion pour ses « sujets ». C’est la figure du renard dont parle Machiavel.

Me Wade a rappelé les mesures prises par le gouvernement pour tenter de juguler la crise, la ponction sur les salaires des autorités. Mais, il ne parle pas innocemment en utilisant l’expression « j’ai en outre proposé au Parlement un projet de loin portant prélèvement sur les salaires…), surtout dans ce contexte de crise entre lui et le Président de l’Assemblée nationale. Il faut bien affirmer la séparation des pouvoirs et démentir ceux qui soutiennent que le législatif est à la solde du patron de l’Exécutif.

Concernant la crise de l’enseignement, nous pouvons remarquer que le rapport de force lui est défavorable, c’est pourquoi il utilise un ton conciliant avec ce vocabulaire : « dialogue », « soutenir », « évitons », « alliés ».

La volonté réelle de manipuler l’opinion apparaît lorsque le Président évoque quelques réalisations ( 500 collèges, 39 lycées, taux des boursiers, rémunération, parité garçon-fille etc). Il entretient délibérément le flou, en noyant la complexité de la réalité dans des chiffres, des mots dont le sens peut parfois prêter à équivoque. Quand il dit porter le nombre des boursiers de 20.000 à 65.000, surtout à l’université de Dakar, Me Wade met dans le même lot, sans le dire, des étudiants qui ont bénéficié de l’aide qui est annuelle, alors que la bourse est mensuelle. La parité garçons-filles n’est pas une réalité dans plusieurs régions du pays. Il parle de rémunération d’instituteurs qui est passée de 50 000 à 95 000 Fcfa par mois, sans dire clairement qu’il s’agit plutôt de volontaires de l’éducation.

Nous entrevoyons la même manipulation quand il a parlé des infrastructures (…les habits neufs de notre capitale continuent de prendre forme avec la nouvelle génération de réseaux routiers déjà achevés ou en cours de réalisation). On peut être amené à croire qu’il a parlé en toute innocence de « nouvelle génération de réseaux routiers », que non ! L’expression utilisée dans le contexte des travaux de l’Anoci, ne peut pas ne pas nous faire penser à la « génération du concret » dont le fils du Président serait le porte-étendard, avec toutes les conséquences que cela va entraîner du point de vue de la représentation populaire. Et le fait qu’il taise le nom de son fils lorsqu’il se réjouit du « rythme d’avancement des travaux tant au sein de l’Anoci que de la Commission nationale préparatoire », n’est pas fortuit. L’on peut soupçonner le Président de vouloir orienter l’attention de l’opinion vers cette absence-présence de Karim Wade. Le silence à ce niveau est évocateur, parce qu’il est bavard.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email