L’Union européenne ne lâche plus le dossier de l’accord de pêche avec le Sénégal qui autorise 45 navires de pêcher 10 000 tonnes de thon et 1 750 tonnes de merlu noir par an, pour une contrepartie de 3 millions d’euros par an, pendant 5 ans. Après une première tentative ratée de justifier le caractère «gagnant-gagnant» de cet accord, l’Union européenne revient, avec ce communiqué que nous vous proposons in extenso, cette fois-ci pour «apporter des corrections aux affirmations inexactes, et pour certaines calomnieuses, relayées par plusieurs médias». À quelques heures du vote du budget du ministère de la Pêche par l’Assemblée nationale, le timing est bien trouvé.
«L’Union européenne (UE) tient à apporter des corrections aux affirmations inexactes, et pour certaines calomnieuses, relayées par plusieurs médias sur l’accord de pêche entre l’UE et le Sénégal. Le présent communiqué répond à l’engagement de l’UE de communiquer ouvertement sur ses politiques, notamment celles en faveur d’une meilleure gouvernance des océans et de l’économie bleue en Afrique de l’Ouest. Il complète les informations publiées dans notre communiqué de presse du 13 novembre 2020.
1. L’Accord de partenariat de pêche durable UE-Sénégal, signé en 2014, a fait l’objet d’une évaluation complète en 2019, en amont des négociations du nouveau protocole de mise en œuvre ainsi que le prévoit la réglementation de l’UE. Publiée sur internet le 5 avril 2019, cette étude est disponible en libre accès.
2. Cette étude a été réalisée par un cabinet indépendant sur base d’entretiens et de données fournies par les autorités (ministères en charge des Pêches et des Finances), les scientifiques et les acteurs privés sénégalais.
3. L’évaluation apporte des éléments précis sur l’état de la ressource halieutique, les activités des navires de l’Union et des flottes sénégalaises, et les réalisations financées par l’appui sectoriel fourni par l’UE.
4. L’évaluation, partagée avec les autorités sénégalaises avant la négociation du nouveau protocole, identifie l’existence d’un reliquat de ressource que les autorités sénégalaises ont décidé d’allouer partiellement à la flotte de l’UE.
5. Les négociations du protocole se sont déroulées en 2019, en étroite consultation avec les principaux acteurs privés sénégalais (armateurs, mareyeurs, industrie). Avant la tenue des négociations, en 2019, les représentants de l’Union ont également rencontré les acteurs de la pêche artisanale sénégalaise et ouest-africaine afin d’échanger et de partager les résultats de l’appui sectoriel. Les ONG de la pêche artisanale ouest-africaine ont publié leurs recommandations destinées aux négociateurs.
6. Les négociations ont été clôturées et paraphées en juillet 2019. Le protocole 2019-2024 a été signé par les deux parties le 18 novembre 2019 et il est provisoirement mis en œuvre, depuis cette date, dans l’attente de sa ratification par les parties. Ainsi, le Parlement européen a récemment consenti à la conclusion du protocole. L’application provisoire d’un accord international est une disposition conforme au Traité sur le fonctionnement de l’Union.
7. L’UE est ainsi le seul acteur de pêche distante à concrétiser la transparence dans la négociation et la gestion de ses accords conclus pour l’accès aux zones économiques exclusives de ses partenaires, conformément au Droit de la Mer.
8. La législation de l’Union impose de suivre les meilleurs avis scientifiques disponibles et de ne signer des accords, qu’après avoir identifié un surplus non ciblé par les flottes nationales.
9. Pour les stocks régionaux, l’avis scientifique du COPACE (FAO) est la référence. Tous les pays membres concernés doivent prendre part à ses travaux et fournir les données nécessaires à l’analyse de l’état de stocks. Pour les thonidés de l’Atlantique, l’ICCAT est l’instance internationale de référence.
10. Le protocole 2019-2024 instaure un quota de merlu alloué à la flotte UE pour la ZEE du Sénégal et il instaure un tonnage de référence pour les thons tropicaux.
11. En conformité avec la recommandation du COPACE de diminuer les captures de merlu, le total admissible de captures a été réduit de 2000 à 1 750 tonnes dans le protocole 2019-2024. Le suivi des captures de merlu est renforcé dans le protocole 2019-2024 afin de dissuader tout dépassement : les autorités sénégalaises connaissent, au jour le jour, les captures des chalutiers-merlutiers européens. Les analyses du CRODT de mai 2020 s’inscrivent dans le cadre des demandes de nouvelles licences non-liées à l’accord UE-Sénégal, reçues par le Comité consultatif sénégalais des licences.
12. Il n’existe pas de concurrence entre la flotte démersale de l’UE et les pêcheurs artisanaux du Sénégal. Les captures accessoires de la pêcherie profonde ciblant le merlu sont des céphalopodes (encornets) d’espèces différentes de ceux à forte valeur pêchés en zone côtière par les pêcheurs sénégalais, des crevettes profondes et poissons démersaux (= profonds) pêchés en très faibles quantités et pas en état de pleine exploitation.
13. Depuis 2014, des navires sénégalais se sont lancés dans la pêche au merlu, inspirés par les deux chalutiers espagnols. Le CRODT a également analysé que la pêche au merlu n’entre donc pas en interaction avec les milliers de pirogues actives sur les côtes sénégalaises.
14. La liste des navires européens actifs dans la ZEE du Sénégal est publique : 30 senneurs, canneurs et palangriers (ciblant thon et grands migrateurs) et 2 chalutiers par trimestre (ciblant le merlu noir, espèce démersale profonde) sont autorisés à fréquenter les eaux du Sénégal en 2020, sur les 45 possibilités. Leur liste est disponible et actualisée chaque semaine, contrairement à tous les autres pavillons.
15. Les captures de la flotte thonière UE alimentent largement les conserveries situées en Afrique de l’Ouest, notamment au Cabo Verde, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, pour être revendues sur le marché africain, entre autres.
16. L’Union, dans tous ses accords de pêche, soutient la capacité scientifique et de contrôle de ses partenaires à travers une coopération technique et les financements de l’appui sectoriel. L’Union agit en pleine concertation avec le ministère des Pêches et de l’Économie maritime, ainsi qu’avec le CRODT, son organe scientifique sous tutelle du ministère de l’Agriculture. Le rapport de réunion du Comité scientifique conjoint UE-Sénégal est disponible en ligne.
17. Les fonds de l’appui sectoriel (2019-2024) seront versés au Trésor du Sénégal ; ils sont en cours de programmation avant validation par la Commission mixte UE-Sénégal. Ils sont gérés par la Direction des pêches maritimes du ministère des Pêches et de l’Economie maritime et par les autres bénéficiaires sénégalais. Les activités de l’appui sectoriel permettent la mise en œuvre de la Lettre de politique sectorielle et les priorités énoncées dans le protocole 2019-2024, notamment le soutien à la recherche halieutique sénégalaise, la prévention de la pêche INN et la surveillance des pêches, la gouvernance durable du secteur et l’appui au secteur artisanal local.
18. L’UE soutient le secteur de la pêche durable à travers d’autres actions également. Pour rappel, c’est le projet ADUPES, financé par l’UE qui a structuré la pêche à la crevette profonde et au poulpe, de manière pérenne et rentable pour les acteurs sénégalais.»
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