Demba Danso , président de l'Arcpd sur la crise au Sud du pays : « Les Casamançais traînent les pieds »

Convaincu que le dialogue et les prières sont les leviers essentiels pour retrouver la paix en Casamance, Demba Danso, président de l'Association des ressortissants casamançais à Podor et à Dagana (Arcpd), a mis le doigt sur la plaie qui gangrène cette région. Les membres de cette association, après la gestation d'un mémorandum, se projettent vers la tenue d'assises nationales et sous-régionales pour sauver la Casamance. Cependant , M. Demba Danso dit ne point comprendre que la population du nord donne son aval et fait ses prières pour la paix en Casamance, alors qu'au même moment ses frères du sud traînent les pieds et croisent les bras. Suffisant pour lui, de demander à Dieu d'anéantir tout empêcheur de parvenir à la paix.

L'Office : Qui est Demba Danso ?

Demba Danso : Je suis un professeur d'histoire et de géographie, servant à Podor, et président de l'Association des ressortissants casamancais des départements de Podor et de Dagana (ARCPD). Je suis également, président du comité de pilotage de la paix en Casamance, de l'association des casamancais de tout le nord ; c'est-à-dire Matam, Dagana, Podor, Richard-Tall et Saint-Louis.

Pourquoi la création de toutes ces structures ?

Pour nous, les prières sont un moyen important de règlement du conflit casamançais. Les prières adressées au Tout Puissant sont un instrument d'installation et de consolidation de la paix. Voilà pourquoi, les prières ont été tenues pour la première fois à Halwar (première édition) et d'autres en prières collectives tenues récemment à Ndioum-Waalo. Deux localités pleines de symboles. Premièrement, Alwar est le lieu de naissance du grand El Haddji Oumar Al Foutiya Tall, et Ndioum-Waalo, sa retraite spirituelle. C'est dans ce lieu qu'il a eu à préparer en 41 jours sa bataille pour la Jihad. Pour nous, Casamançais du nord, EL Hadji Oumar Al Foutiyou Tall est un repère, une référence, et une solution au règlement du conflit casablancais.

En quoi faisant ?

Pour contribuer à la recherche de solutions pour la paix en Casamance, car les efforts de paix, d'où qu'ils viennent, doivent être encouragés, magnifiés et fortifiés.

À vous entendre, on dirait que les prières ne sont formulées qu'à travers la religion musulmane seulement. Et les autres religions ?

Nos compatriotes catholiques sont bel et bien de la partie, et au cœur même, si vous voulez, de la partie. Lors de cette deuxième édition, ces derniers se sont donné rendez-vous à la Chapelle de Podor pour y organiser une messe. Ainsi, la prière a été dirigée par Monseigneur Ernest Sambou, Evêque du Diocèse de St-Louis.

Lors de la première édition, qu'est-ce que vous aviez eu à faire exactement ?

Nous avions prié pour la paix, et surtout magnifier le dialogue islamo-chrétien.

En dehors des prières, quelles sont les autres activités de votre association ?

Nous voulons faire un plaidoyer pour la mise en œuvre d'une Coalition nationale pour la paix (le CNP). Notre vision est de parvenir à rassembler toutes les associations régionales casamançaises, se trouvant dans les onze régions du pays. Car, pour nous, ce regroupement est indispensable à la paix. C'est le bénévolat au service de la paix. En réalité, nous ne pouvons évoquer le développement de notre région, de notre pays, lorsqu'il n'y a pas la stabilité. Raison pour laquelle, nous avons pensé, et sommes convaincus que cette paix tant recherchée se trouve et s'obtient par la prière, et grâce à l'union des cœurs et des esprits. Ainsi, nous avons eu à réaliser un mémorandum que nous comptons remettre au chef de l'Etat. Il y est question d'organiser des assises nationales et sous régionales pour la paix en Casamance, en y impliquant la Gambie et les deux Guinée. Un objectif à atteindre, par ce que pour notre association, la paix n'est pas l'apanage des seuls pouvoirs publics et des Ong. C'est l'affaire des citoyens qui entendent servir leur peuple dans le bénévolat.

Il y a eu les rencontres de Cacheu, de Banjul, de Foundiougne et de Ziguinchor pour la recherche de la paix. Mais pourquoi, avez-vous attendu aussi longtemps pour réagir ?

Il s'agit là des actions initiées par l'Etat, que nous saluons au passage. Nous pensons que la paix en Casamance concerne l'ensemble des Sénégalais, et que chacun doit s'impliquer. Encore une fois, nous ressortissants casamançais, mettons en avant le recours à Allah ; et qu'il est le moyen de règlement du conflit. Dans ce sens, nous demandons à Dieu que tous ceux qui veulent enfreindre notre action soient mis hors d'état de nuire.

Est-ce que vous croyez réellement à cette paix, d'autant plus que l'on assiste à l'éclatement du Mfdc en plusieurs factions rivales?

Nous croyons encore une fois à l'avènement de cette paix, tout en souhaitant que Allah, à qui nous adressons nos prières, le seul destinataire de toutes nos actions, permette à cette terre de la Casamance de retrouver la paix et le bonheur.

L'Abbé Diamacoune est mort, le Mfdc plus que jamais divisé, les cadres et l'Etat se cherchent encore dans cette quête de la paix. Ne pensez-vous pas que la Casamance tend vers la catastrophe ?

Nous pensons très sincèrement qu'il faut réaliser l'unité au sein du Mfdc, et encourager l'Etat à aller vers l'organisation de véritables négociations. Il faut le dialogue ! Le dialogue et les prières sont pour nous deux vocables qui vont de paire. Il faut regretter aujourd'hui l'émiettement du Mfdc en plusieurs branches. D'Où la nécessité de réaliser l'unité au sein du Mfdc (aille militaire et aille politique). D'autre part, encourager l'Etat à aller vers la tenue de véritables rounds de négociations.

Votre structure est-elle prête à jouer le rôle de tampon, entre ces différentes entités ?

Lorsque nous avons choisi Cheikh Oumar Al Foutiyou Tall comme repère et référence, nous montrons l'exemple à suivre… Car, Cheikh Oumar est un pionnier et un artisan de l'intégration africaine. Au 19 ème siècle, il avait réalisé un Etat théocratique de 300.000 kilomètres carrés (aujourd'hui égale à la superficie de la Cedeao ). À travers cette image, Cheikh Oumar se révèle aussi comme un rassembleur, un fédérateur d'Etats et d'ethnies. Le Fouta est le berceau de l'Islam au Sénégal. En se réclamant de Cheikh Oumar, on ne peut que fustiger toute velléité séparatiste. De ce point de vue, notre association, l'ARCPD, accepte de jouer pleinement sa partition comme élément facilitation dans la mise sur pied de la coalition pour la paix en Casamance (CNP). « Paix en Casamance, une affaire de Casamançais », c'est un débat toujours vain, stérile. Une telle vision autarchique est à la dimension de l'esprit étriqué de leurs auteurs. Aujourd'hui, lorsque le nord prie pour le sud, le nord se met au service du sud avec l'organisation de deux éditions, nous ne pensons pas raisons de fouetter un chat. La population du nord a fini de s'impliquer, d'intégrer cette dynamique de recherche de la paix en Casamance, pourquoi pas toutes les populations du sud, du Sénégal ? Le Sénégal et un et indivisible !

Vous venez de terminer la deuxième édition de la prière pour la paix en Casamance, qu'est-ce qui a réellement grincé ?

La journée dédiée à la paix (ndlr : le 28 juillet) à Ndioum-Walo a connu un succès éclatant. Lorsque nous avons eu la baraka d'obtenir le consentement de la famille Omarienne par le biais de son éminence, Thierno Madani Mountaga Tall d'une part, et d'autre part de Monseigneur Sambou, Evêque du Diocèse de St-Louis. Il ne faisait aucun doute, quand à la réussite de la deuxième édition, eu égard aux prières faites à Podor et à Ndioum-Walo. C'est alors le lieu de remercier toutes les bonnes volontés. Mention spéciale donc, au parrain Ibrahima Abou Nguete, président du Raid qui est un grand patriote. Mais aussi, à l'endroit de Alioune Tine de la Raddho , d'Emmanuel René Moise, directeur de cabinet du ministre des Forces des armées et de Camara, directeur de l'ANRC, qui ont tous fait des déplacements.

Mais, je vous parle de regrets ou manquements enregistrés lors de ces journées ?

À l'exception de Abdoulaye Baldé, secrétaire général de la présidence, du regretté Oumar Lamine Badji, qui nous avez soutenu lors de la première édition, et que nous remercions très sincèrement, nous continuons à nous interroger sur l'absence de nombreux responsables casamançais aux assises de Ndioum, alors qu'ils devraient être à la tête de cette dynamique de recherche de la paix. C'est regrettable de les voir agir ainsi.

Est-ce que réellement, ils ont été invités ?

La plupart des structures de recherche de la paix, les cadres, les autorités de la Casamance ont été invités et impliqués dans cette organisation. Ils étaient absents, alors que le nord a répondu favorable à nos préoccupations ; et paradoxalement, le sud semble croiser les bras. Espérons qu'avec le temps, ils rejoindront la cadence, et que tout le monde en tirera les bénéfices. La paix en Casamance doit être prise au sérieux.

Quel plan d'action allez-vous dégager pour consolider les acquis, et vous projeter en avant ?

Deux actions sont prioritaires pour l'heure dans notre plan d'action. Il s'agit de mettre en œuvre la Cnp , et d'organiser les assises nationales et sous-régionales pour la paix en Casamance.

C'est pour quand ?

Nous avons foi en l'avenir…