Denise DERNEVILLE, membre de l'association des cadres catholiques : 'On a empêché Jean-Paul Dias de prier en toute quiétude'

Même si Jean-Paul Dias n'a pas été appréhendé à l'intérieur de la cathédrale, Denise Derneville dénonce le fait que les éléments de la Dic aient troublé la quiétude de ce dernier venu célébrer le Vendredi saint. Membre de l'Association des cadres catholiques et militante de l'Afp, elle se refuse, cependant, de commenter les déclarations politiques de Jean-Paul Dias. Mais, elle s'interroge sur l'opportunité de poursuivre Jean-Paul Dias jusque dans la cathédrale.

Wal fadjri : Jean Paul Dias ne cesse de déclarer qu'il est prisonnnier politique catholique. Cette précision vous paraît-elle pertinente ?

Denise Derneville : Jean-Paul Dias est un catholique pratiquant. Il est assidu à l'église et ne rate jamais sa messe du dimanche à la cathédrale. Il est également présent à tous les événements réligieux catholiques. Je peux l'affirmer, parce que je suis un témoin occulaire. Cela dit, le Vendredi saint est un symbole et revêt une importance particulière pour la communauté catholique. En faisant cette précision, je crois que Jean-Paul Dias a voulu dire qu'on ne devait pas le perturber dans ses prières. A mon sens, c'est cela qu'il a voulu signifier en s'offusquant du fait que les éléments de la Dic ne l'ont pas laissé prier tranquillement. Quant à ses déclarations pour lesquelles il a été interpellé, je ne peux pas me prononcer là-dessus, encore moins les juger.

Wal fadjri : Mais, la Dic n'a pas arrêté Jean-Paul Dias à l'intérieur de la cathédrale ?

Denise Derneville : Certes, mais ils l'ont suivi jusque dans l'église. Quand la convocation lui a été remise, Jean-Paul Dias aurait singifié aux policiers qu'il ne pouvait pas déférer à la convocation à l'heure fixée, c'est-à-dire 15 h. Parce qu'à cette heure-là, il sera à la cathédrale pour la messe.

Wal fadjri : Mais, n'a-t-il pas piégé les éléments de la Dic en les attirant à l'église ?

Denise Derneville : Un piège ? Je pense qu'il y a eu, plutôt, une certaine naïveté de sa part. Peut-être qu'il n'aurait jamais cru que la Dic le suivrait jusque dans la cathédrale. Je connais Jean-Paul Dias depuis de très longues années. Je sais que c'est quelqu'un de courageux, j'ajouterais même de téméraire. Mais, je ne crois pas qu'il a voulu piéger les policiers en utilisant l'église comme une chausse-trappe. En toute honnêteté, je ne le crois pas. Parce que Jean-Paul Dias est assez pieux, pour se permettre de jouer avec l'église.

Wal fadjri : Jean-Paul Dias n'a pas été appréhendé à l'intérieur de l'église. Où se trouve la profanation dont certains catholiques se sont offusqués ?

Denise Derneville : D'après des témoins occulaires, deux éléments de la Dic l'ont accompagné jusque dans l'église. Et c'est pour éviter que la cérémonie ne soit perturbée que le vicaire a averti les éléments de la Dic, en témoignant du soutien de l'égilse au frère Jean-Paul Dias. Il a même invité ce dernier à se rapporcher du chœur pour l'éloigner des policiers. Mais il a refusé. Ensuite, les fidèles dans un élan de solidarité ont acclamé Jean-Paul Dias. Et il faut dire que l'on a frôlé le pire puisque imaginez ce qui serait advenu si les policiers avaient tenté de l'appréhender à l'intérieur de l'égilse. D'ailleurs, était-il opportun de suivre Jean-Paul Dias jusque dans l'église ? Ne fallait-il pas l'attendre chez lui ? Dias n'est pas un voyou. Il est régulièrement domicilié. C'est cet acharnement qui pouvait perturber une cérémonie aussi sacrée que le Vendredi saint que nous déplorons. Et il semble que les éléments de la Dic avaient bien l'intention de l'arrêter dans l'enceinte de l'église. Mais, ils ont dû être dissuadés par l'élan de solidarité des fidèles en faveur de Dias.

Wal fadjri : Certains de vos co-religionnaires ont déclaré qu'il n'y a pas eu perturbation du Vendredi saint encore moins de profanation. Qu'en pensez-vous ?

Denise Derneville : Ces pseudo-intellectuels proches du pouvoir ont le droit de dire que ce n'est pas une profanation. Cela n'engage qu'eux. Mais, s'ils sont réellement catholiques, ils auraient dû s'en tenir à la déclaration de l'archevêque de Dakar qui, dans son homélie, dimanche de Pâques, a été on ne peut plus clair. Je vais vous lire un extrait de cette homélie. 'Une église, toute église est un lieu de culte : elle doit être respectée et traitée comme telle par nous tous, et les pouvoirs publics, et les simples citoyens. C'est pourquoi, il doit être entendu une fois pour toutes que nous n'acceptons pas et n'accepterons pas que la Dic vienne interpeller, dans une église ou à la porte d'une église, un fidèle venu participer à un office. Le respect du droit à la liberté du culte exige également que le fidèle qui entre dans une église pour prier ne soit pas perturbé dans sa prière...'. Quand le chef de l'Eglise au Sénégal parle, il n'y a plus rien à dire. D'autant que c'est la vérité et tous les témoignages des fidèles sont concordants. Un grand journaliste-écrivain et catholique qui était présent, ce Vendredi saint, à la cathédrale, a fait un témoignage et a donné le film des événements. Et ces propos corroborent les témoignages des autres fidèles. Le vicaire général qui a signalé la présence des éléments de la Dic dans l'église n'a, à mon sens, aucun intérêt, à défendre Jean-Paul Dias pour ses déclarations politiques. S'il a manifesté la solidarité de la cathédrale envers Dias, c'est moins l'homme politique qu'il appelle à soutenir, mais le fidèle à qui l'on a voulu empêcher d'accomplir correctement son acte de dévotion.

Wal fadjri : Vous semblez défendre Jean-Paul Dias et pourtant vous n'êtes pas du même bord politique. Vous êtes de l'Afp et Jean-Paul Dias a son propre parti, le Bcg.

Denise Derneville : Je ne dis pas que Jean-Paul Dias a eu raison ou qu'il a eu tort de dire ce qui lui vaut une interpellation. Mais, en tant que catholique, je me suis senti blessé comme la plupart de mes co-religionnaires par le fait que des éléments de la Dic soient entrés dans l'église pour tenter d'interpeller Jean-Paul Dias. Ils pouvaient bien l'attendre chez lui. D'autant qu'il semble qu'il n'y avait même pas urgence puisqu'ils l'ont libéré par la suite, le soir, avant de le reconvoquer le mardi suivant. C'est cet aspect que je condamne, que je dénonce. Nous sommes dans un pays laïc où les libertés de culte doivent être respectés. Chacun doit pouvoir pratiquer sa religion en toute quiétude.