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Politique

ÉDITORIAL : Territoire de la lucidité ( par Mamadou SEYE )

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ÉDITORIAL : Territoire de la lucidité ( par Mamadou SEYE )

L’accord que la Mauritanie a arraché à la tentation du chaos nous donne à réfléchir. C’est un message que lance à la postérité un présent qui dépasse les frontières exiguës des équipées solitaires. Pour dialoguer, il faut être deux. Cet adage enjambe le temps et l’espace. La sagesse en renforce la substance bénéfique à la paix et à la concorde nationales : à trois, quatre, dix ou mille, le consensus dynamique est le meilleur antidote aux douleurs des fractures sociales et à la tyrannie des factions politiques.

Tel est le chemin. Empruntons-le sans crainte car la raison éclaire le chemin aux chercheurs des étendues paisibles. La pugnacité de ces apôtres des mains jointes et des coeurs purs de toute rancune ou démesure est portée par leur bâton de pèlerin. Un symbole a priori fragile. Mais quelle force mentale, spirituelle voire conceptuelle ! Une philosophie de vie. Une foi inébranlable au dialogue et en l’interdépendance.

Dans cet élan, le patriotisme a les allures d’une religion qui ne souffre pas de l’étroitesse des nationalismes peu enclins à l’élan vers l’autre. Autour de lui, se rencontrent les vocations solidaires des militants d’une Afrique apaisée dans un monde lui-même installé dans les plateaux de la tolérance et d’un humanisme franc et fertile parce que pur. Cet engagement est utile à une humanité qui cesserait alors d’être une communauté embarquée dans la nuit des tourbillons et ballottée entre les récifs par gros temps de crise économique, morale, sociale, politique et institutionnelle. La diplomatie est plus que jamais interpellée dans la nécessaire approche globale à asseoir, bien sûr, sur la souveraineté des Etats. Voilà le chemin déjà emprunté, avec brio, par le Sénégal depuis des générations. Ce qui a été conforté par le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, chargé de mettre en œuvre la politique définie par le chef de l’Etat.

Grâce à ces vents solidaires, la Mauritanie nous a fourni, ce week-end, un exemple de refus du chaos. Ses amis et partenaires au développement l’y ont aidée. Le président Abdoulaye Wade, avec l’appui et la caution de la communauté internationale, a été un acteur à la fois remarqué et discret dans la tâche de préservation de l’édifice institutionnel, social, politique et économique d’un pays qui s’ouvre les portes d’un décollage dans des secteurs de la production et de l’exploitation, des richesses des mers et du sous-sol. Le président Wade a bénéficié d’une grande qualité d’écoute de la part des différents protagonistes du gros malentendu qui a eu cours chez nos voisins du Nord.

Il y a deux leçons à tirer de la résolution de cette crise par la voie du dialogue. La première est que le label Sénégal est crédible. La deuxième est que la classe politique mauritanienne a su faire preuve d’un esprit de dépassement. Ce Sénégal, en vérité, ne peut devenir un interlocuteur respecté et respectable sans fournir la preuve de la vitalité de sa démocratie, la solidité de son armature institutionnelle et son engagement sans faille dans la voie du panafricanisme. Des textes et lois garantissent les libertés d’association et de manifestation. Ils accordent aussi, à la femme et à l’enfant, des droits inaliénables. La formulation de ces droits et devoirs n’est pas une science de nul effet tout simplement parce qu’elle serait enfermée dans les tiroirs à vœux pieux. Ces libertés et droits s’exercent au quotidien jusque dans les excès de la critique, de la suggestion ou, tout bonnement, de l’opposition systématique à des personnes et non à des idées. C’est une œuvre perfectible en raison des limites inhérentes à tout processus conçu pour et par des hommes, des communautés. C’est dans une telle perspective qu’il faudrait placer les avis discordants de quelques milieux politiques ou de franges de ce que nous appelons cette Société civile structurée en associations ou groupes de pression. Dans cette perspective encore, il faudrait mettre les acquis incorruptibles d’un système reconnu par la Commission des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies.

C’est ce Sénégal engagé dans un militantisme patriote et sincère, au-delà des ghettos de la camaraderie politique ou des crispations idéologiques, qui s’accorde sur le nécessaire dialogue entre ses forces vives. Les désaccords sur la méthode (Assises d’une partie de l’opposition ou dialogue politique intégral) ne remettent en cause ni la vitalité démocratique, ni la bonne santé des institutions encore moins leur souveraineté ou le droit de l’opposition à formuler une offre alternative. Cette opposition compte en son sein des hommes de valeur même si, il faut le souligner, l’essentiel des « trouvailles » des tenants des Assises dites nationales initiées par le Front Siggil Sénégal avec la participation d’autres forces vives figure dans la Constitution : séparation des pouvoirs, droits de la femme, une nouvelle forme de gouvernance locale et nationale, etc.

Le débat sur le « comment y parvenir » est très important. Cependant, il ne doit pas éclipser celui portant sur le « pourquoi » installer un climat de respect et de confiance entre les différents pôles politiques d’une part et, d’autre part, entre les différents pôles politiques et le dépositaire de la légitimité populaire. Aujourd’hui, celui-ci s’appelle Me Abdoulaye Wade. Il nous faut dépasser les noms pour nous inscrire dans la durée, dans l’intemporalité qui, à elle seule, peut lever les blocages liés à des personnes. Un mot sur les préalables. Certains sont recevables telle la sincérité des acteurs. D’autres, comme le mandat du chef de l’Etat et ses prérogatives constitutionnelles, ne le sont pas du tout. Ensuite, le dialogue est une nécessité mais il n’est pas un veto à la vie d’une Nation très éloignée des fables du chaos dites à longueur de journée. Dans ce cas précis, si le dialogue devenait un veto ou le lieu des surenchères politiciennes portées par les ambitions personnelles que n’ont pu consacrer les urnes, nous assisterions à une situation de non-droit ou simplement de non-Etat.

Ce paradigme de l’intérêt national a démontré, au Sénégal des années 1990 à 2000, sa haute portée républicaine après les troubles post-électoraux de 1988 et 1993. Si l’alternance politique a pu se réaliser sans heurt, c’est parce que les présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ont su placer cet intérêt national au-dessus des états d’âme et des coteries politiques voire politiciennes. L’histoire leur rend déjà l’hommage promis aux architectes des « hautes œuvres », pour parler comme cet autre grand Sénégalais qu’est le président Léopold Sédar Senghor.

L’exemple étant le miroir que la pratique renvoie à la théorie, cette posture républicaine a prévalu dans une Mauritanie que les plus pessimistes voyaient dans les abîmes des confrontations politiques et/ou armées après un coup d’Etat et une présidentielle qui n’allait pas donner sa chance à chacun des présidentiables déclarés. Ce pays, à la croisée des chemins, a choisi la voie de la lucidité. A la clé, il y a eu la démission d’un président démocratiquement élu. Un sens du sacrifice qui donne un nouvel élan au processus et qui fait foi à la souveraineté du peuple.

Ce fait « historique », à l’actif du président Abdallahi, a été salué à sa juste mesure par l’Union africaine par la voie de Jean Ping. Nous entendons d’ici monter, sur la rive droite du fleuve Sénégal, la joie dans le cœur de nos compatriotes auxquels les hasards du « partage du monde » ont donné une autre nationalité. Ce pays a une frontière avec le Sénégal. Plus que cela, une histoire, des traditions et, forcément, un avenir. En un mot, le territoire de la solidarité. Celle d’une diplomatie ouverte et efficace.



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