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Politique

[ Dossier ] DIXIÈME ANNIVERSAIRE DE L’ALTERNANCE - L’émergence en chantiers : Le conte d’un changement de régime

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[ Dossier ] DIXIÈME ANNIVERSAIRE DE L’ALTERNANCE - L’émergence en chantiers : Le conte d’un changement de régime
Lorsque le 19 mars 2000, le candidat du FAL (Front pour l’Alternance) Abdoulaye Wade réussit à déboulonner le candidat du PS (Parti socialiste) Abdou Diouf à l’issue du second tour de la présidentielle, une page entière de l’histoire du Sénégal était tournée. L’événement est d’autant plus historique que les Socialistes ont régné sans partage à la tête du Sénégal depuis son accession à l’indépendance et que l’alternance s’est déroulée dans un esprit démocratique exemplaire. Retour sur les péripéties d’un événement démocratique fondateur.

« Il faut le réveiller, dites lui que c’est le Président de la République qui veut lui parler. C’est très important ! » Quelques heures plus tard, il revient à la charge : « Je vous félicite Abdoulaye, vous avez gagné l’élection présidentielle ! » A peine le président en exercice, Abdou Diouf, eût prononcé ces quelques mots le lundi 20 mars que les médias les firent se répandre comme une traînée de poudre à travers le pays et dans le monde entier. A l’issue du second tour de l’élection présidentielle le 19 mars 2000, Abdoulaye Wade, après 26 ans d’opposition politique, venait de remporter avec ses alliés du FAL (Front pour l’Alternance)- 58,49 pour cent contre 41,51 pour cent pour le PS-, l’élection présidentielle la plus surveillée et disputée de l’histoire politique du Sénégal. Nous sommes en 2000 et depuis l’indépendance du Sénégal survenue en 1960, le pays est gouverné par le régime socialiste, l’UPS (Union progressiste sénégalaise) qui devient le PS (Parti socialiste) en 1976 Senghor jusqu’au 31 décembre 1980, puis sous Abdou Diouf jusqu’en mars 2000. Le climat sociopolitique est tendu et après une quarantaine d’années de régime socialiste ponctuées par les douloureux Programmes d’ajustement structurel (PAS) imposés par les institutions de Bretton Woods, la majorité des Sénégalais n’aspirent qu’au changement. Un mot d’ordre que relaye la coalition de partis politiques autour du PDS (Parti démocratique sénégalais) dont le slogan lui et son leader et fondateur a toujours été le Sopi. En dépit de la tension qui entoure cette présidentielle dont l’enjeu- apporter l’alternance politique au sommet de l’Etat- l’exacerbe au plus haut point, tous les dispositifs semblent être en place pour un bon déroulement du scrutin : matériel électoral en place, un électorat motivé, présence des observateurs internationaux..., le tout sous la supervision de l’organe en charge de l’organisation technique des élections, l’Onel (Observatoire national des Elections). Signe que les temps ont changé, pour la première fois de son histoire, le PS (Parti socialiste), en dépit de la coalition de partis qui soutiennent son principal challenger, Abdoulaye Wade candidat du CA 2000, est mis en ballotage faute d’avoir obtenu la majorité (51 pour cent) dès le premier tour du 27 février 2000. La Commission nationale de recensement des votes, présidée par le 1er Président de la Cour d’Appel, Arona Diouf proclame les résultats provisoires du 1er tour à l’issue de deux jours de délibération : Abdou Diouf arrive en tête avec 41,33 pour cent suivi d’Abdoulaye Wade avec 30, 97 pour cent. Ils sont talonnés par le candidat de l’Alliance des Forces de Progrès (AFP), Moustapha Niasse avec 16, 76 pour cent et Djibo Leity Ka de l’Union pour le Renouveau (URD) avec 7, 09 pour cent. Ils sont suivis de loin par Iba Der Thiam (1,20 pour cent) ; Ousseynou Fall (1, 12 pour cent) ; Cheikh Abdoulaye Dièye (0, 97 pour cent) et Mademba Sock (0,57 pour cent). Rebelote le 19 mars 2000. A l’issue d’une campagne consistant en des promenades à travers la ville- les fameuses « marches bleues » - dignes des Péripatéticiens, et s’acharnant à rallier à la cause sopiste les ultimes sceptiques, La CA 2000 redescend dans l’arène afin de croiser le fer avec le candidat socialiste. A peine les bureaux de vote eurent-ils fermé leurs portes que les résultats commencèrent à tomber. Média chaud par définition, les radios privées distillent les résultats les grandes tendances qui se dessinent en temps réel ! Une première dans l’histoire du Sénégal. Une à une, les grandes villes (Dakar, Pikine, Rufisque, Kaolack, Saint-Louis...) ainsi que des fortins naguère réputés inexpugnables tombent une à une dans l’escarcelle de la coalition de l’opposition dont le porte-étendard est le PDS. Le peuple retient son souffle, le changement tant espéré depuis 40 ans est en passe de se réaliser sous ses yeux ! A 20 heures, le sort en est jeté. La victoire de la Coalition Sopi ne fait plus aucun doute. Les principaux établissements humains situés dans les zones rurales historiquement acquises aux Verts virent cette fois-ci au bleu (le Sud, le Sud-Est, le Cayor, le Bassin arachidier...). Tous les militants du Sopi ainsi que ceux des principaux partis qui constituent le FAL (AFP, LD MPT, PIT, AJ PADS...) convergent vers le Point E au domicile du Secrétaire-Général du PDS Abdoulaye Wade transformé en quartier général de la Coalition. L’atmosphère est survoltée partagée entre des militants chavirant presque de bonheur et l’état-major politique de la Coalition procédant au monitoring des derniers résultats qui affluent et au recomptage des voix.

Le raz-de-marée bleu

Au fur et à mesure que les minutes, les heures s’égrènent et que les résultats parviennent de tous les coins et recoins du pays, chacun se rend à l’évidence d’une réalité dont il n’entrevoyait l’accomplissement que dans un rêve : la Coalition Sopi est en train de remporter l’élection présidentielle du 19 mars 2000. Dans le camp opposé, coup de tonnerre et stupeur, le sol semble se dérober sous les pieds du baobab socialiste. Tous les dirigeants du PS se sont alors emmurés dans une posture mutique. Lorsqu’au matin du 20 mars, le président Abdou Diouf téléphone à Wade pour le féliciter de sa brillante victoire, il coupe court à toute tergiversation et la messe est désormais dite pour les Socialistes. Le geste, aussi élégant que rare dans une Afrique hélas accoutumée aux lendemains électoraux dantesques, est salué dans le monde entier. Tard dans la soirée, le vainqueur de la présidentielle Abdoulaye Wade, flanqué de ses compagnons de la Coalition FAL Moustapha Niasse, Abdoulaye Bathily, Landing Savané, Iba Der Thiam et Mademba Sock, savoure sa victoire et la qualifie « d’étape historique dans la libération du Sénégal ». Le sentiment de délivrance et la liesse qui animent le peuple sénégalais n’a d’équivalent que la nature historique de l’alternance politique qui est en passe de survenir à la tête de l’Etat du Sénégal. Pendant ce temps, les messages de félicitations saluant ce changement en douceur, affluent du monde entier. S’ouvre alors une longue séance de visites de Wade dans les différentes familles religieuses du Sénégal afin de les remercier mais aussi de solliciter leurs prières et bénédictions. Dans la nuit de lundi à mardi 21 mars, le président nouvellement élu fonce vers Touba, y passe la nuit afin de recueillir, dit-il, « les prières et bénédictions de son guide spirituel le Cheikh Serigne Saliou Mbacké, alors Khalife général des Mourides. Sur le chemin du retour, il passe par Louga pour une visite de courtoisie et de remerciements à Adja Coumba Dème, mère du président de la République sortant Abdou Diouf. Celle-ci lui avait adressé ses vives félicitations par téléphone dès l’annonce de sa victoire. Après l’étape lougatoise, cap sur sa ville familiale, Kébémer. Moments d’émotion et de recueillement : Il s’incline sur la tombe de ses parents puis s’ébranle vers le domicile familial ou une foule monstre l’attend. C’est le retour de l’enfant prodigue. Un des temps forts de l’après- 20-mars 2000, le jeudi 23 mars, le président Diouf reçoit au Palais de l’Avenue Léopold Sédar Senghor, Abdoulaye Wade. Dans une ambiance de lendemain de Révolution, il est 10 h 30 mn, la Mercedes de Wade, immatriculée DK 0355 M, se range devant le bâtiment du Conseil des ministres. Wade en sort, il est accueilli par Abdou Diouf accompagné par son Chef du Protocole, Bruno Diatta, son Chef de Cabinet Talla Cissé ainsi que de son Conseiller en Communication Cheikh Tidiane Dièye. Sourires et chaleureuses accolades comme on peut le deviner. A l’issue de deux tours de pendule dans la salle d’audience de la présidence, pendant lesquels le président en exercice et celui fraîchement élu ont évoqué divers dossiers tels qu’entre autres, la démocratie sénégalaise, sa situation économique ainsi que son avenir dans le monde..., Wade déclare à l’intention de la presse nationale et internationale : « le président Diouf a accepté de me représenter les 3et 4 avril 2000 au Caire ou se tiendra un important sommet OUA-UE ». La prestation de serment ainsi que la passation de service auront lieu le samedi 04 avril, a-t-il ajouté. Lundi 27 mars, Wade reprend reprends son bâton de pèlerin en rendant visite au Khalife général des Layènes, Mame Alassane Laye à Yoff puis le Cardinal Hyacinthe Thiandoum, Archevêque de Dakar en sa résidence des Badamiers à Dakar. Le 29 mars, il est reçu tour à tour à Tivaouane par Mouhamadou Mansour Sy, Khalife général des Tidianes et à Ndiassane par son Khalife général Cheikh Bouh Mohamed Kounta. Le 1er avril 2000, une date-repère désormais dans l’histoire du Sénégal, Abdoulaye Wade prête serment pour entrer dans son costume officiel de 3e président de la République du Sénégal. Pour la première fois, la cérémonie ne se déroule pas derrière la solennité des lourds battants de l’Assemblée nationale ou du Conseil Constitutionnel. Dans son adresse solennelle devant plus de soixante mille personnes, il justifie ainsi son choix démotique - au sens premier du mot -porté sur le Stade Léopold Sédar Senghor : « la vérité est que nous avons été très tôt taraudés par l’exigence pressante de la participation directe des Sénégalaises et des Sénégalais au premier acte qui consacre leur choix du Président de notre pays. Il devient alors évident que nos concitoyens, à défaut d’accéder à l’Assemblée nationale dont la salle offrait un plus grand espace que le Conseil constitutionnel, feindraient de croire que la proximité leur assurerait la participation et se masserait devant l’Assemblée nationale ». 16 h 30 mn. Le cortège présidentiel arrive devant le salon d’honneur du stade Léopold Sédar Senghor. Dans un costume bleu marine impeccable sur une chemise bleu ciel assortie d’une cravate colorée, Abdoulaye Wade accompagné de sa femme et de ses deux enfants, reçoit les honneurs militaires sur fond de la musique de la fanfare des forces armées sénégalaises. 17 h 15 mn. Wade prend place sur l’estrade aménagée pour la circonstance devant la tribune couverte, en face des cinq Sages du Conseil constitutionnel qui doivent recevoir son serment. Le temps semble avoir suspendu son vol et en dépit de la solennité de l’instant, on a du mal à étouffer la clameur de l’assistance. Devant le président du Conseil constitutionnel Youssou Ndiaye ainsi que son vice-président Ibou Diaité, les juges Marie-José Crespin, Mamadou Lô et Amadou So, par la formule “sacrée” tirée de l’Article 31 de la Constitution, Abdoulaye Wade « jure devant la Nation sénégalaise de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal, d’observer et de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois (...) ». Lorsqu’à ce moment précis, les juges constitutionnels ont accepté son serment, Abdoulaye Wade est ainsi installé dans ses nouvelles fonctions de 3e président de la République du Sénégal. Au milieu des centaines de milliers de Sénégalais qui ont été témoins de la prestation de serment, des dizaines de chefs d’Etats, de gouvernements et d’altesses royales (Omar Bongo, Alpha Omar Konaré, Yaya Jammeh, Blaise Compaoré, le prince Moulaye Rachid, le Premier ministre du Cap-Vert Carlos Vega...) ont tenu à honorer de leur présence la cérémonie. A l’issue des adresses du président du Conseil constitutionnel Youssou Ndiaye et du président de la République Abdoulaye Wade à l’endroit des citoyens sénégalais, l’Hymne qu’il a dédié à l’Afrique est entonné par la chorale des Martyres de l’Ouganda et mis en musique par le commandant Fallou Wade de la Musique principale des Forces armées sénégalaises. Alors que les rideaux se sont baissés sur la cérémonie de prestation de serment, le cortège présidentiel s’ébranle vers le Palais présidentiel de l’Avenue Senghor Ou l’attend le président sortant Abdou Diouf et toute sa famille afin de recevoir les insignes symboliques présidentiels et ainsi parachever le solennel régalia républicain. Accueilli dans la plus grande convivialité par Diouf au Palais, le désormais nouveau locataire des lieux se fait arborer par le Grand Chancelier Doudou Diop, l’insigne de Grand Croix de l’Ordre national du Lion sous forme de collier et de cordon. Après une dernière entrevue avec le président sortant, Abdoulaye Wade accompagne Diouf qui passe, pour une dernière fois, en revue la garde présidentielle familièrement appelée Garde rouge puis lance au chef du détachement : « je vous souhaite beaucoup de chance ! » Instants poignants, instants historiques, sous les vivats des derniers militants, inconditionnels et de la foule, il s’engouffre dans sa berline et son cortège toutes sirènes hurlantes déchirent la quiétude la nuit dakaroise. Une page de l’histoire du Sénégal vient de se fermer. Presque simultanément, une autre s’ouvre. Retour dans les salons présidentiels, l’eternel Bruno Diatta, pour la photo, enlève au nouveau président ces insignes et colliers, sauf la rosette, comme lui avait conseillé Diouf. Fin de la séance photo, la presse se retire, le président en exercice Abdoulaye Wade, entouré de sa famille, mais seul face à son destin, s’apprête à écrire après Léopold Sédar Senghor et son prédécesseur Abdou Diouf, une nouvelle page de l’histoire du Sénégal.

Amadou Oury DIALLO

LES PENSÉES POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE Me WADE : Un destin africain

Le président Wade a la particularité d’appliquer depuis dix ans les idées qu’il défend depuis la veille des indépendances africaines. C’est avant tout, un grand universitaire qui accède au pouvoir au Sénégal le 19 mars 2000. Il y a l’articulation de plusieurs disciplines autant dans son parcours académique que dans les propositions qu’il fait pour le Sénégal et l’Afrique.

« C’est un homme pluriel qui parvient à se dédoubler pour conquérir plusieurs espaces différenciés », résume le ministre-conseiller Amadou Lamine Faye et évoque « un homme total ». Certes, les gens, qui ne le comprennent pas, le prennent pour « un expert en tout », là où ils devaient observer la pluridisciplinarité de l’homme d’Etat. « A son niveau, il y a une unité des sciences pour aborder la réalité sous tous ses aspects », une démarche compréhensible et qui était courante chez les premiers chercheurs africains « extrêmement motivés dans la recherche de la connaissance globale » pour déconstruire les thèses colonialistes, très souvent à soubassements racistes. Dans sa thèse de 1959, le Pr. Abdoulaye Wade s’opposait déjà à la balkanisation et à l’émiettement en micro-Etats de l’Ouest-africain. Il posait d’emblée le débat sur la pertinence de la réalisation d’un marché sous-régional intégré et en faisait la condition « essentielle d’un développement accéléré ». Mais c’est dans le fameux « Un destin pour l’Afrique » que le président Wade explicite son projet. « Un destin pour l’Afrique » est le plaidoyer d’un homme politique pour un projet d’avenir visant une Afrique unifiée et capable de relever les défis d’ordre écologique, comme la lutte contre la sécheresse, ou économique, comme le développement durable, ou même culturel. Il préconise des stratégies conciliant modernisme et tradition. Cet ouvrage est une profession de foi en un avenir libéré des démons du passé. La prise de conscience des femmes et des hommes de leur propre histoire doit être le levain qui les poussera à se mobiliser autour d’objectifs permettant de parvenir à créer un continent riche de l’apport fécond de ses filles et de ses fils. Pour M. Amadou Lamine Faye, « il a eu raison sur les premiers dirigeants africains qui ont expérimenté le marxisme-léninisme au début des indépendances. Très vite, le président Wade s’est fortement démarqué des enseignements du célèbre barbu de Trèves. Dans le chapitre III, intitulé Problématique de l’idéologie et de la doctrine, de la dernière édition de « Un destin pour l’Afrique », l’opposant d’alors (l’ouvrage a été publié la première fois en 1989 lors d’une retraite politique) disséquait le terme idéologie et en faisait la genèse. Il démontrait que toute idéologie renferme ses mythes. Pour le Marxisme, il s’agit de la dictature du prolétariat et de la solidarité prolétarienne, tandis que l’idée de l’État-patron sous-tend l’idéologie socialiste et le libéralisme met en exergue l’harmonie des intérêts.

Wade Formula

Le Dr Pierrette Herzberger-Fofana, lectrice avertie de l’universitaire, souligne que, partant de ces idéologies qui se sont développées dans des sociétés occidentales, Me Wade s’interroge sur la place de l’Afrique qui cherche sa voie dans ce dédale politique. Déjà, dans le document de travail qu’il utilisait lors du colloque de Berlin, l’auteur traçait une nette ligne de démarcation entre idéologie et doctrine. Les intellectuels africains ont, pour la plupart, épousé la théorie marxiste, alléchante et réconfortante. Ce fut notamment le cas des premiers théoriciens qui ont pour noms, par exemple : Lamine Senghor et Tiémoko Garan Kouyaté. Avec Léopold Sédar Senghor, la notion de socialisme prend une nouvelle dimension et devient le « socialisme africain ». « Il a le premier prévenu de l’inéluctabilité de la faillite socialiste. Le référentiel a échoué, tout comme les praticiens qui l’ont testé. Ces thèses n’ont pas été validées par l’Histoire et les professeurs Cheikh Anta Diop et Wade voient leurs thèses confirmées, en minorant l’idéologie pour s’approprier une démarche scientifique », ajoute le ministre Lamine Faye, premier auteur à se pencher sur « le Sénégal sous Wade ». Alors que le président Senghor était surtout poète et homme de Culture, en montrant que le Noir avait une parfaite intelligibilité de la langue française et pouvait exprimer sa beauté nègre, l’homme de Kébémer, lui, a inscrit son action sur le front du développement ; en clair, il propose de rompre la dépendance économique des Etats africains et propose une alternative à l’ordre post-colonial. La bataille pour le Nepad en est une parfaite illustration : « les Africains pensent par eux-mêmes leur propre développement. » Me Wade, en tant qu’homme de science, pour le ministre Lamine Faye, se distingue par son aptitude à « prendre ses distances avec des normes jugées absolues et à relativiser les modèles. » Surtout que Me Wade a été au cœur du combat panafricaniste comme l’atteste le long développement qu’il accorde à la question dans ses recherches et ses premiers engagements politiques ; l’un des tournants de sa vie a sans doute été l’échange épistolaire qu’il a entretenu avec Nkwame Nkrumah en 1957 et sa participation au congrès des organisations panafricanistes de Londres. En juillet 2002, la mise en place de l’Union africaine à Durban, prélude aux Etats unis d’Afrique et l’élaboration du Nepad concrétisent l’un des rêves de l’homme politique. Dans le chapitre intitulé « La stratégie des Etats unis d’Afrique », partant des citations de Kwame Nkrumah et de Julius Nyerere, fondateurs de conscience parmi les pères, Me Wade propose des stratégies de création d’un espace géopolitique et économique qui inclurait la Diaspora comme sixième région, avec un gouvernement à l’échelle continentale composé de 9 ministères, d’une monnaie unique et de voies de communication reliant le Nord au Sud et l’Est à l’Ouest de l’Afrique. Les « libertés » intellectuelles qu’il se permet se comprennent au regard du fait qu’il n’est pas un « élément » de l’Enfom, cadre par excellence de reproduction de l’ordre colonial. « Il est issu du milieu académique universitaire où la règle est la critique scientifique pour conquérir le réel, pour connaître ses mécanismes et ses lois », fait remarquer M. Faye. Quid des comparaisons entre les trois grandes figures intellectuelles du Sénégal indépendant ? « Le discours de Senghor a été un plaidoyer pour le maintien d’un lien très fort avec la puissance coloniale ; Cheikh Anta Diop, lui, était aux antipodes de ces préoccupations. Il a été d’un apport inestimable pour la reconnaissance de la conscience historique noire. Son apport ? Il a restauré la vérité historique. Et si cette question n’avait pas été réglée, on n’aurait pas eu la possibilité cognitive et épistémologique pour aborder la problématique du développement endogène. Ce que fait justement le président Wade », résume le chercheur. Comment le modèle wadien se décline-t-il ? Il consiste d‘abord à identifier les secteurs prioritaires et stratégiques. L’auteur développe dans « Un destin pour l’Afrique » la doctrine du travail qui constitue la charpente de son projet de société, une idée qui s’accorde avec ses convictions religieuses, d’où sa sentence : "Plus tu travailles, Plus vite tu vas Sur le chemin du Paradis". (p.93)

Cette doctrine du travail va de pair avec celle d’un État libéral interventionniste qui concilierait libéralisme économique et solidarité. En un mot, l’État jouerait un rôle régulateur en créant les conditions pour une économie florissante où la concurrence et l’initiative auraient la place qui leur revient de droit. Dans un ouvrage intitulé « Abdoulaye Wade, sa pensée économique : l’Afrique reprend l’initiative », Mamadou Alpha Barry présente au grand public la pensée économique du président Wade : il analyse l’économie ouest-africaine à la veille des indépendances, dresse un tableau clinique de l’Afrique, quarante ans après et montre comment, grâce au Nepad, le continent peut sortir de la crise et reprendre l’initiative. C’est une synthèse de la pensée économique du président Wade, à partir de sa thèse de doctorat en Sciences économiques sur « L’économie de l’Ouest-africain : unité et croissance ».

L’Afrique, terre d’avenir

« Gabegie, pléthore de personnel, incompétence dues aux interventions politiques dans la nomination des cadres et dirigeants, absence d’esprit de concurrence », minent encore nos administrations. Me Wade est surtout préoccupé par la réduction « des gaps historiques. Et surtout, il continue à chercher, en dépit des lourdeurs de la charge présidentielle. Face à l’évolution incontrôlée du prix du baril de pétrole, il prévient que cette situation mènera vers l’impasse et propose la « Wade formula » Pt - 29) Qt = St, et initie une politique hardie de promotion des biocarburants. Par ailleurs, le président Wade soutient qu’une Mondialisation dans laquelle l’Afrique n’aurait pas sa place est illusoire. « A l’horizon du 21ème siècle, seule l’Afrique garde encore les meilleurs potentiels qui font d’elle la zone d’opportunités la plus attractive pour toutes les grandes économies. Au plan démographique, vers 2050, l’accroissement de notre population nous rendra incontournables. L’Afrique, sans être saturée, peut avoir plus (sic) que le cumul démographique des actuels pays émergents. La tranche d’âge (0-14 ans) la plus importante se trouve en Afrique, dans un espace globalement encore inexploité. Mais on ne pourra user de cette future position sans l’unité politique du continent », toutes idées brassées par le président Wade, selon M. Amadou Lamine Faye, qui relative toutefois la portée du Nepad en reconnaissant « un échec dans le mangement, pas la pertinence de l’idée ».  Sources : Un destin pour l’Afrique, Karthala, Paris, 1989. Me Abdoulaye Wade Le Sénégal sous Wade. Rupture avec les modèles d’adaptation, Les Éditions de l’Hémicycle, mars 2005. Par Amadou Lamine Faye Comprendre l’Alternative wadienne. Le juste équilibre entre priorité stratégique et priorité conjoncturelle, Édition du Panafricaniste, 2008. Par Amadou Lamine Faye Mamadou Alpha Barry, Abdoulaye Wade sa pensée économique : L’Afrique reprend l’initiative, Hachette, Essais, 2006

Par Samboudian KAMARA

De l’Alternance au nouveau projet de gouvernance Mamadou Diop « Decroix » : « Ce que Wade avait de plus... »

« Qui dit mieux ? » Mot de la fin pour un entretien. Propos qui ponctue un regard posé sur un très long compagnonnage avec le candidat Me Abdoulaye Wade porté au pouvoir le 19 mars 2000. La solitude des geôles, les temps de braises dans la rue comme dans les studieuses soirées d’élaboration des stratégies de lutte, les alliances et mésalliances... Dix ans, c’est le temps d’un bilan. C’est aussi, pour le Secrétaire général d’And-Jëf/Pads et Coordonnateur de l’Alliance « Sopi pour Toujours », Mamadou Diop « Decroix », un retour sur les coulisses du processus ayant conduit, au bout de quatre décennies, à l’évènement d’une Alternance démocratique. Des visages, des attitudes, des complicités, des vertus fédératrices : le projet de gouvernance, porté par Me Wade, s’est appuyé sur ces liants pour devenir un contrat avec les Sénégalais. Dans cette autre longue marche, les trajectoires personnelles épousent parfaitement les idées et aspirations dominantes d’un pays traumatisé, à l’époque, par les politiques d’austérité et la pauvreté galopante.

Un regard sur le rétroviseur. Quels ont été les moments les plus palpitants dans le processus politique ayant mené à l’avènement de l’Alternance ?

Le processus politique ayant mené à l’Alternance est un processus cumulatif. L’on peut considérer qu’à partir du moment où le régime de Senghor a été contesté et qu’une alternative à ses orientations et choix politiques a été mise en avant par des Sénégalais, le processus ayant conduit à l’Alternance a démarré. L’on pourrait même suggérer que ceux qui avaient voté NON au référendum de septembre 1958 et qui ont poursuivi cette ligne politique après l’indépendance en 1960 sont des acteurs de l’Alternance. C’est le cas du Pai. Ceux qui ont été massacrés par dizaines aux Allées du Centenaire en 1963 parce qu’ils s’opposaient au régime en place sont aussi, de mon point de vue, des acteurs du processus ayant mené à l’Alternance. Le Pra-Sénégal s’était distingué à cette période, de même que le Bms. Ainsi, chaque décennie a eu ses moments palpitants dans ce processus cumulatif. La décennie 60 a eu ses moments palpitants en mai 68. J’étais jeune élève au lycée Van-Vo, actuel Lamine Guèye et c’est Mai 68 qui m’a, en quelque sorte, propulsé, sans que je m’en rende compte, sur le champ politique. L’université de Dakar est fermée suite à une contestation scolaire et universitaire sans précédent. Les centrales syndicales s’impliquent en décrétant la grève générale, le pays est paralysé, les fondements du régime chancèlent. La réaction du pouvoir est foudroyante. Salomon Khoury meurt sur le campus. Des centaines d’étudiants sont arrêtés et emmenés dans les camps militaires pour y être parqués. Les étudiants non Sénégalais, qui venaient de tous les pays francophones d’Afrique, jusqu’au Tchad et au Cameroun (il n’y avait pas encore d’université dans nombre de ces pays), sont renvoyés par charters chez eux. Les leaders syndicaux sont déportés à Dodji dans le département de Linguère sous surveillance militaire. L’Etat de siège est décrété.

Dans la décennie 70, il y a eu la naissance du Parti démocratique sénégalais. Pour les années 80, le multipartisme intégral. Vous les avez vécus comment ?

La décennie 70 a eu ses moments palpitants. Ceux qui ont vécu la naissance du Parti démocratique sénégalais (Pds) avec Abdoulaye Wade en 1974 vous diront que ce fut un moment palpitant. Nous autres qui étions dans la clandestinité, chassés de l’université, enrôlés de force dans l’Armée, pourchassés et régulièrement envoyés en prison, avons aussi connu nos moments palpitants au cours de cette décennie. La décennie 80 a connu ses moments palpitants, particulièrement en 1988 (février-mars-avril-mai), lorsque le principal adversaire du président Diouf à l’élection présidentielle, Wade en l’occurrence, a été arrêté et jeté en prison avec ses principaux lieutenants dès la fin du scrutin, donc avant même la proclamation des premiers résultats. Le peuple descend dans la rue, notamment ses forces juvéniles des zones urbaines et péri urbaines pour exiger la libération de Wade et demander même son installation au palais présidentiel. Des dizaines de gens sont arrêtés et envoyés en prison au cours de ces quatre mois.

D’autres temps forts dans la marche vers l’Alternance ?

La décennie 90 aussi a connu ses moments palpitants, notamment la fin de l’année 96 et toute l’année 97 lorsqu’à la suite du simulacre d’élection locale de novembre 1996, l’opposition que nous constituions a exigé une réforme profonde du code électoral et du système électoral dans son ensemble, sous la houlette du Collectif des ‘19’, acronyme des 19 partis que nous étions. Ou encore lorsque le candidat de la Coalition Alternance 2000 (CA2000), Me Abdoulaye Wade, Secrétaire général national du Pds est rentré en octobre 1999 d’un long séjour à l’étranger qui avait fait penser qu’il avait définitivement renoncé à ses ambitions de diriger le pays. L’on dit qu’un million de personnes sont sorties l’accueillir à l’aéroport et l’accompagner jusqu’à sa résidence au Point E. Début 2000, nous avons aussi connu des moments palpitants avec la marche du Frte (Front pour la régularité et la transparence des élections) en janvier. Cette marche était destinée à obtenir l’audit du fichier électoral après avoir obtenu le départ du président de l’Observatoire national des élections (Onel). L’Onel a été institué en 1997 dans le cadre de la lutte du Collectif des ‘19’ évoquée tantôt. Cette marche, qui a regroupé des dizaines de milliers de Sénégalais prêts à tout pour des élections libres et honnêtes, a constitué un tournant décisif dans la situation politique du pays.

Vers la fin des années 90, vous avez pris une part active dans la lutte pour la transparence des élections, au sein du Frte. Racontez-nous les instants décisifs, les mesures et acquis démocratiques qui ont créé les conditions d’un scrutin sincère... Il convient de rappeler qu’après la crise de 88 que j’ai mentionnée tout à l’heure, le National democratic institute (Ndi), proche du Parti démocrate américain nous avait beaucoup aidés à trouver les conditions favorables à une rencontre des partis politiques pour rechercher un consensus autour du système électoral. Ainsi, en 1991 et 1992, le juge Kéba Mbaye, désigné par le président Diouf et accepté par les autres acteurs politiques, entouré de quelques experts triés sur le volet dans le cadre d’une commission restreinte appelée ‘commission cellulaire’, nous avait permis, grâce à son expertise avérée et ses talents multiples, d’obtenir effectivement un code consensuel après plusieurs semaines d’âpres discussions émaillées d’empoignades et de confrontations qui pouvaient laisser penser à tout moment que l’objectif ne serait pas atteint. Concernant le Frte, (Front pour la régularité et la transparence des élections), dont j’ai été le concepteur, il m’était clairement apparu, à l’analyse, en ma qualité de chargé des Elections à AJ/Pads, que la CA2000, autour du candidat Wade, avait réuni les facteurs nécessaires à sa victoire, mais qu’il restait sans doute une stratégie pour sécuriser cette victoire. Défi énorme car il y avait, à côté de la CA2000, d’autres leaders qui tenaient à se présenter à l’élection présidentielle. Et le pouvoir de l’époque, notamment ses secteurs les plus fascisants, était capable de confisquer le suffrage des électeurs et de justifier son coup, à l’extérieur du pays, par la dispersion de l’opposition. En accord avec quelques amis des autres partis dont Modou Amar de l’Urd, j’ai proposé une réunion de tous les partis au domicile du candidat de la CA2000, Abdoulaye Wade, au Point E, pour leur tenir le langage suivant : « Nous avons aujourd’hui plusieurs candidats potentiels pour la présidentielle de l’An 2000. Si nous nous engageons dans le désordre dans cette bataille, nous serons tous perdants parce que nos suffrages seront confisqués. Créons donc, ensemble, les conditions qui empêcheront quiconque de confisquer les suffrages qui se porteront sur nos candidats respectifs. Les résultats des législatives de 1998 ont montré que le Parti socialiste (parti au pouvoir à l’époque), avec 50,17% des suffrages, pouvait perdre en 2000 devant l’opposition qui, toutes listes réunies, avait obtenu 49,83% des suffrages à ces législatives de mai 98. Comment créer ces conditions ? C’est de nous regrouper dans un front commun pour contrôler le processus électoral et sécuriser le vote des citoyens ». Telle est l’origine du Frte.

Et vous êtes aussitôt passés à l’action ?

Aussitôt dit, aussitôt fait, en dépit de quelques réticences qui insistaient encore sur la nécessité de la candidature unique. Nous nous sommes donc mis immédiatement à quadriller le pays avec des tournées partout pour organiser nos gens, exactement comme l’Alliance Sopi pour Toujours est en train de le faire aujourd’hui. Ce front nous a aussi permis d’organiser et de réussir la marche du 02 janvier 2000 pour l’audit du fichier électoral. Enfin, l’existence du Frte avait permis de gommer les aspérités entre partis de l’opposition et a facilité les retrouvailles pour le deuxième tour. En effet, la mise en place du Fal (Front pour l’Alternance), au deuxième tour, a permis de regrouper, pour l’essentiel, les forces de cette opposition, notamment la CODE2000 (Coalition de l’Espoir 2000) de Moustapha Niasse, autour de Me Abdoulaye Wade, candidat de la Coalition Alternance 2000, arrivé en tête face au candidat du Parti socialiste, le président sortant Abdou Diouf.

1988, c’est la grande contestation pour fraudes. 1993, l’histoire des ordonnances. 1996, le Congrès dit « sans débats » du Parti socialiste et les locales controversées, des urnes s’étant retrouvées dans la rue. 1998, le Renouveau qui affaiblit le Ps. 1999, Moustapha Niasse qui lance son appel : « J’ai choisi l’espoir ». Comment avez-vous vécu ces moments ?

J’ai rappelé certains de ces moments au début de cet entretien. Je ne les reprendrai pas tous mais, pour faire bref, je dirai que l’alternance a été rendue possible grâce à la combinaison des quatre facteurs suivants : Premièrement : le peuple voulait réellement le changement. Les résultats de 1998 l’avaient prouvé. Ps : 50,17 % ; Oppositions réunies : 49,83 %. Deuxièmement : l’opposition a su dépasser ses clivages pour offrir aux électeurs, en dépit des candidatures multiples, grâce au Frte (Front pour la régularité et la transparence des élections), un visage uni. Troisièmement : le Ps était divisé et affaibli, comme vous l’avez dit, par le départ successif de deux de ses barons les plus importants : Djibo Leity Kâ et ses compagnons en 1996 qui créèrent, en 1998, l’Union pour le renouveau démocratique (Urd) et Moustapha Niasse et ses amis, en 1999, pour créer l’Alliance des forces de progrès (Afp). Ces départs ont été incontestablement des facteurs non négligeables de la défaite du Parti socialiste en l’an 2000. J’ai toujours dit que ce parti ne serait vaincu dans des élections que le jour où l’on aura le Ps face au Ps. C’est en quelque sorte ce qui s’est passé entre 1995 et 2000.

Vous êtes vous dit : « l’Alternance, c’est possible » ? Avec quelle organisation ?

C’est ce que je viens de vous dire. Nous étions unis et le Ps était divisé. La Gauche a cheminé avec Me Wade en 1988 et 1993. En 2000, la candidature unique a été sentie comme une nécessité historique. Pourquoi le choix porté sur Wade ? Déjà, en 1983, le Pit, avec Amath Dansokho, avait soutenu la candidature de Wade. En 1988, la Ld et le Pit ont soutenu Wade. En 1993, le Pit avait soutenu le candidat du Ps. Mais en 1998, la Gauche avait réussi à se retrouver dans le cadre de ce que nous appelions le Pôle de Gauche. J’avais en effet convaincu Amath, au cours d’une mission parlementaire sur St-Louis, de réunir Landing et Bathily chez lui pour formaliser quelque chose. Ensuite, tout le monde voyait bien que la victoire était à portée de main avec les résultats que je vous ai rappelés tout à l’heure mais à condition que nous soyons unis. Il fallait s’unir derrière quelqu’un. Le seul critère, alors, était le critère électoral. Il fallait s’unir derrière le plus fort et c’était, de loin, Me Wade.

Après « analyse concrète de la situation concrète », comme vous dites dans la Gauche, quels avantages avez-vous trouvés, en termes d’image et de leadership, à Me Wade et que les autres, y compris vos candidats potentiels, n’avaient pas ?

Je ne peux pas parler au nom des autres mais, me concernant, c’est lorsque nous avons séjourné ensemble en prison, en octobre 1985, à l’issue d’une marche anti-apartheid en soutien au peuple d’Afrique du Sud en lutte, que j’ai appris à connaître l’homme. Pour la petite histoire, cette année-là, nous avons passé la fête de la Tabaski en prison. Cela fait donc un quart de siècle. Plus tard, en 1990, au mois de février plus exactement, fut porté sur les fonts baptismaux la Conacpo (Conférence nationale des chefs de partis de l’opposition). De février 1990 à mars 1991, nous nous sommes retrouvés tous les mercredi soir chez le président Mamadou Dia, à la Zone B, parfois jusque très tard, pour élaborer et conduire des stratégies de lutte contre le régime en place. J’ai découvert chez le président Wade un homme affable, fécond au sens où il a toujours énormément d’idées sur les questions à l’ordre du jour et il les dispense généreusement. J’avais aussi noté qu’il travaillait énormément. Lorsqu’une question n’avait pas pu être élucidée et que nous étions obligés de nous séparer tard le soir, il était fréquent que le matin de bonne heure, un porteur vienne vous déposer une proposition que Me Wade avait élaborée dans la nuit et saisie dans son ordinateur avant de l’imprimer lui-même pour l’envoyer aux autres. Je respectais énormément cette puissance de travail, cette disponibilité. J’avais aussi été frappé par sa flexibilité. Je suis toujours étonné quand on présente le président comme quelqu’un qui ne croit qu’à son intelligence propre et qui n’écoute personne. Ce n’est pas l’expérience que j’ai de lui, bien au contraire. Il écoute tout le monde. Et, quand on le convainc, il change d’avis sans aucune difficulté. Même devenu président de la République, j’ai été plusieurs fois témoin de moments où un collaborateur du chef de l’Etat défend avec opiniâtreté son point de vue et où, au bout du compte, le président conclut en ces termes : « Vous ne m’avez toujours pas convaincu mais puisque vous tenez à votre idée, alors faites ». Donc, au total, Wade synthétise, dans une large mesure, les qualités attendues d’un leader. Il écoute beaucoup. Il cherche toujours les synthèses dynamiques. Il n’est pas dogmatique mais ouvert ; il travaille dur.

C’est tout ce qu’il a de plus par rapport à d’autres leaders ?

Je pense que ce qu’il avait de plus sur beaucoup d’autres leaders, c’était cette capacité à sentir, au quart de tour, le pouls du peuple sénégalais. A être en osmose avec celui-ci. Quand il s’adresse aux populations, il a toujours les mots justes que les gens retiennent et qu’ils vont rapporter dans leur entourage. « Ablaay wax na dëgg » (Abdoulaye a vu juste) est un leitmotiv que l’on entend souvent chez les populations, après ses sorties. Enfin, je pense que, pour lui, la politique est un humanisme. Il sait oublier ; il a l’art de mettre à l’aise son interlocuteur, en somme de couper la distance... C’est peut-être la raison pour laquelle, à l’époque, on l’avait choisi. En tout, nous étions déjà assez proches.

Était-il difficile, à des partis ayant mené des luttes dans la clandestinité et dont les membres ont été traqués et emprisonnés, de se ranger derrière un Libéral face à des Socialistes ?

Libérale, socialiste, les doctrines existent. Mais nous devrions nous méfier des épithètes et des étiquettes en nous efforçant ici, en Afrique, d’en découvrir les contenus au regard de nos urgences et de nos exigences. Qui étaient au pouvoir au temps des Programmes d’ajustement structurel du Fmi et de la Banque mondiale ? Les Socialistes ou plutôt ceux qui se réclamaient du Socialisme. Ce sont ces programmes qui ont liquidé l’agriculture, déstructuré l’industrie, anémié l’Ecole et finalement déresponsabilisé l’Etat. Le coût que le pays et le peuple ont payé, pendant toute la décennie 80 et la première moitié de la décennie 90, jusqu’à la dévaluation du franc Cfa en 1994, a été exorbitant à tous égards pour des résultats plus que maigres à l’arrivée. En effet, après ces programmes supposés devoir nous installer sur les rampes du développement, nous sommes plutôt passés à des programmes de lutte contre la pauvreté. Ça dit tout ! Wade, à l’époque, a critiqué ces politiques et revendiqué le rôle de l’Etat dans l’édification économique du pays. Dans « Un destin pour l’Afrique », publié en 1989, il s’est posé la question suivante : « Qui va construire les routes, les écoles et les hôpitaux si vous éliminez l’Etat ? ». De fait, celui qui revendique la doctrine libérale censée accorder peu de place au sort du plus grand nombre, se retrouve en train de défendre les populations contre des politiques ultra libérales mises en œuvre par des socialistes.

A défaut de prendre le pouvoir par vous-mêmes, l’Alternance politique, en 2000, était-il un moyen de mettre en œuvre votre projet politique, économique et social ?

Le programme d’une coalition politique est toujours l’expression d’un compromis, d’un consensus minimum. Le programme de la CA2000 a été élaboré par le Pôle de Gauche et préfacé par Abdoulaye Wade. Encore une fois, Wade aborde largement les questions d’alliance dans ses ouvrages et donne beaucoup d’exemples sur l’Europe où des socialistes et même des communistes se regroupent pour former des gouvernements. Au demeurant, ici au Sénégal, la Ld, le Pit, le Pds et le Ps ont partagé le même gouvernement et donc exécuté le même projet. Par conséquent, il nous faut nous écarter des schémas stéréotypés et des clichés.

Quels axes de convergence avez-vous trouvés entre les idées de Gauche et la pensée politique et économique de Me Wade, un Libéral qui affirme un fort penchant social ?

Vous me donnez l’occasion de rebondir sur l’interview que le président a accordée récemment à des journalistes dans le cadre de l’émission « La tribune ». Wade, répondant à une question du genre de celle que vous venez de poser, a affirmé avec force qu’il a fait infiniment plus de social que les Socialistes au cours de ses dix ans à la tête du pays. Et tout le monde en convient. Je voudrais insister particulièrement sur le fait que ceci n’est pas un hasard car, n’oublions pas que le programme fondamental du Parti démocratique sénégalais, en 1974, était fondé sur la doctrine socialiste travailliste. Et ce n’était qu’une continuité d’ailleurs parce que, dans ses années d’étudiant, Wade avait déjà fait une publication sur la doctrine mouride du travail. Devenu président de la République, il a lancé le slogan : « Travailler, encore travailler, toujours travailler ». Ensuite, puisque vous parlez de Gauche, je rappellerai que lorsque le Pds a obtenu des députés en 1978 pour la première fois, Wade a revendiqué les bancs de Gauche à l’hémicycle. Senghor a revendiqué la même chose et un âpre débat s’en est suivi. Mais, puisque Senghor avait le pouvoir, il a imposé les bancs de Droite à Wade dans le cadre de sa loi sur les courants politiques. Après l’Alternance, lorsque Wade a eu la majorité à l’Assemblée, les libéraux occupent les bancs de Gauche à l’hémicycle. Voilà l’Histoire. Je pourrai encore poursuivre les exemples... Donc, il n’y a pas lieu de batailler sur les étiquettes et les épithètes mais sur les réponses concrètes qui sont apportées aux problèmes concrets qui se posent au pays et à ses habitants et à l’Afrique et ses populations.

Au sein de la CA 2000 puis du Fal, quels ont été les apports de la Gauche aux Libéraux ?

Certains parlent d’une meilleure organisation... Ce serait trop prétentieux de ma part de parler en ces termes, mais c’est vrai que les organisations qui ont connu la clandestinité ont acquis un sens aigu de l’organisation. Toutefois, il y avait une symbiose qui faisait le charme et la force de la coalition.

La Gauche avait-elle comme arrière-pensée de soutenir le candidat Wade et de le remplacer assez vite ? Est-ce la raison des ruptures successives ?

Je ne peux parler au nom de toute la Gauche qui était avec Wade. Je ne peux pas savoir ce qui peut se passer dans la tête de tel ou tel leader. Mais je pense qu’il y avait quelques problèmes qui peuvent expliquer les ruptures. D’abord, une compréhension non partagée de comment une coalition au pouvoir doit travailler. Ainsi, les uns pensaient qu’ils n’étaient pas suffisamment associés à la gestion du pouvoir, les autres considéraient qu’il s’agissait-là d’une volonté de confisquer le pouvoir à celui qui était élu par les Sénégalais.

Quelque temps après, il y a eu l’idée de la Direction politique unifiée. Les alliés ne sont pas tombés d’accord. Avec un recul de dix ans, était-ce nécessaire ?

En réalité, on a beaucoup épilogué sur la Direction politique unifiée (Dpu). Certains en ont même revendiqué la paternité. Pour ce que j’en sais, l’idée m’a été exposée par le président Wade dans son bureau plusieurs semaines ou mois avant qu’elle ne soit abordée dans la presse. Il est possible que, par la suite, le concept lui-même n’ayant pas été discuté, certains pouvaient ne pas partager la perspective de ce qui apparaissait comme un renforcement des alliés du président. Aujourd’hui, l’existence de l’Alliance Sopi pour Toujours, avec sa réunion mensuelle des leaders autour du président Wade, la répartition des tâches aux différents partis à travers les commissions techniques de l’Alliance, l’existence, parmi ces commissions, de celle chargée de la Veille politique, sont autant d’éléments qui vont dans le bon sens. J’ai toujours été d’avis et je l’ai toujours dit au président, qu’un organe de concertation politique est toujours nécessaire. Ma conviction est que si un tel organe existait, beaucoup de malentendus auraient été évités. Cela dit, n’y avait-il pas des agendas cachés ici ou là ? La politique est trop complexe pour autoriser des certitudes.

Comment avez-vous vécu la sortie du gouvernement des acteurs de l’Alternance comme Niasse, Dansokho et Bathily ?

Pour ne rien vous cacher, avec beaucoup de peine. J’en ai parlé dans mon livre mais je préfère ne pas m’étendre là-dessus. C’était une expérience inédite. Je suppose que, quelque part, l’on a pensé que les rapports entre leaders dans l’opposition devraient gouverner le travail à la tête de l’Etat ; autrement dit, que toute décision du chef de l’Etat devait être soumise à l’approbation des alliés. De même, des frustrations ont pu naître du fait que des questions qui pouvaient faire l’objet de concertations sans que cela ne constitue un empiétement sur les prérogatives du président de la République n’ont pas été soumises effectivement à concertations. Ce sont des jeux de pouvoir qui existent partout.

Allié du Pds, avez-vous craint un remake du syndrome Ps, avec les épisodes Idrissa Seck et Macky Sall ?

Non ! Pas du tout ! Idrissa Seck est revenu et les contextes sont bien différents. Là-bas, c’était un parti à bout de course après 40 ans de gouvernance, qui sortait de deux décennies d’ajustement avec leur lot de souffrance et de paupérisation des populations. Un parti qui, au surplus, était profondément divisé avec refondateurs, rénovateurs, barons et j’en passe... Ici, la décennie Wade, en dépit d’une conjoncture internationale unanimement reconnue comme défavorable, a été marquée par des succès que personne ne conteste dans l’ensemble des secteurs de l’activité nationale. Naturellement, nous venons de très loin et c’est pourquoi, malgré les énormes pas qui ont été faits, les difficultés continuent de nous défier. Mais la direction est bonne et le peuple, dans sa sagesse légendaire le sait et le montrera le moment venu. Aj, sous votre houlette, reste ancré dans la majorité. Politiquement, comment vivez-vous, aux côtés du président Wade, cette fracture ?

La page que vous évoquez est tournée. Les missions que l’Alliance vient d’effectuer dans quarante départements du pays ont clairement montré la mobilisation et la prégnance du parti dans tout le pays. Les missionnaires ont, en effet, rencontré, de Saraya à Ranérou, de Goudomp à Kanel ou de Goudiri à Oussouye, des militants Aj/Pads debout, dont des maires, des présidents de conseil rural, des sénateurs des députés, des membres du Conseil économique et social et des centaines de conseillers municipaux, ruraux et régionaux. Cela suffit. La cause est entendue depuis longtemps.

Il y a maintenant l’Alliance Sopi pour Toujours dont vous êtes d’ailleurs le coordonnateur. A l’horizon 2012, sous quels aspects apparaîtra votre engagement aux côtés du chef de l’Etat ?

Ne conjuguez pas le verbe au futur ! Notre engagement est à conjuguer au présent. Au passage, vous me permettrez de remercier, du fond du cœur, le président pour m’avoir proposé comme coordinateur de notre alliance et aux leaders des partis d’avoir accepté cette proposition. Comme vous l’avez constaté, nous sommes en train de mailler le territoire national avant d’engager le travail dans l’émigration. Dans chaque département, chaque commune ou commune d’arrondissement, et dans chaque Communauté rurale, se dresseront des directoires de l’Alliance qui fédéreront toutes les forces qui soutiennent le président Wade dans ce qu’il fait pour le Sénégal et pour l’Afrique et qui portent sa candidature pour 2012.

Vous avez soutenu Wade sur la base d’un projet politique, économique et social. Quelle lecture faites-vous de sa mise en œuvre en dix ans ?

Cette interview ne suffirait pour une réponse exhaustive. La Convention nationale de notre parti, qui se réunit en juin, à l’occasion du premier anniversaire de notre congrès extraordinaire, y répondra. Deux documents y seront présentés : l’un sera pour un plaidoyer pour la candidature ; nous y exposerons les raisons pour lesquelles nous pensons que Wade doit être réélu et l’autre sera une plate-forme pour une nouvelle offre politique prenant en charge les interpellations et les urgences de notre pays et de l’Afrique, en somme, pour un Sénégal émergent, dans une Afrique unifiée et occupant une place de choix dans les affaires du monde.

Pouvez-vous lire le bilan du président Wade en termes d’actifs et de passifs dans les domaines économique, politique, social, culturel, diplomatique et institutionnel ?

Comme dit tantôt, je vous renvoie à notre Convention nationale. Naturellement, comme vous le savez d’ailleurs et comme tous les Sénégalais le savent, dans tous ces domaines que vous évoquez, les acquis l’emportent de loin sur le passif.

Avez-vous l’impression que, malgré les difficultés, le Sénégal soit viable et respecté dans le monde ? Que reste-t-il à faire ?

Le président Wade, dès les débuts de l’Alternance, à la tête de la Cedeao, a conduit les processus qui ont permis d’éteindre les foyers de guerre civile en Côte d’Ivoire. Il a permis aux acteurs politiques de Madagascar de retrouver la paix civile et le chemin des urnes. Plus récemment, il s’est de nouveau porté sur le front mauritanien pour aider, de toutes ses forces, nos frères du Nord à retrouver la paix et la concorde. Aujourd’hui, il est à la tête de la Ummah islamique et continue d’être sollicité dans la sous-région pour la paix et la stabilité de l’Afrique de l’Ouest. Il a mené un combat opiniâtre sur le plan théorique, politique et diplomatique contre les vieilles thèses des institutions de Bretton Woods qui, aujourd’hui, acceptent de s’investir dans les infrastructures en Afrique et dans bien d’autres domaines naguère marginalisés. Il a gagné le respect et la considération de tous ses pairs africains. Le président Wade, qui reste très attentif à la qualité de nos relations séculaires avec la France, a su, dans le même temps, développer des relations de respect et de considération avec, à la fois, l’Administration Bush et l’Iran d’Ahmedinejade, avec Cuba, avec la Libye, avec Hugo Chavez, Lula da Sylva du Brésil ou encore Hu Jintao, président de la puissante Chine populaire qui a visité notre pays l’année dernière. Le tout sur la base de l’assumation courageuse et honnête de ses positions patriotiques, panafricanistes et pour la justice et l’équité dans les relations entre les nations. Qui dit mieux ?

Entretien réalisé par Habib Demba FALL

II - Les pas du système politique et institutionnel

Les réformes au Sénégal : La nouvelle peau d’un dispositif consensuel

En dix ans, le Sénégal a connu plusieurs réformes institutionnelles. Avant d’accéder au pouvoir, le président de la République, avait annoncé la suppression du premier Sénat dirigé par feu Abdoulaye Diack. Au cours de cette campagne électorale de février-mars 2000, l’opposition avait jugé inutile cette Chambre « de recasement » de dignitaires de l’ancien régime. Pour confirmer ses engagements, la suppression du Sénat a été l’une des premières mesures du nouveau gouvernement suivie de la dissolution de l’Assemblée nationale avec la convocation de nouvelles élections des députés. Le 7 janvier 2001, un projet de Constitution a été soumis à référendum au peuple sénégalais. C’est à la suite d’un large consensus des partis politiques et des membres de la Société civile que ce projet a été soumis au peuple. Au cours d’une rencontre dans la cour du Palais présidentiel, le chef de l’Etat s’était prêté à de nombreuses questions de citoyens sénégalais sur cette nouvelle Constitution. Un débat qui avait mis en vedette l’ancien président du Forum civil, Me Mame Adama Guèye. Dans le préambule de la nouvelle Constitution de 2001, il est rappelé l’attachement du Sénégal à ses valeurs culturelles fondamentales qui constituent le ciment de l’unité nationale. Tout en affirmant son adhésion à la déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et aux instruments internationaux adoptés par l’Organisation des Nations unies et l’Organisation de l’Unité africaine devenue Union africaine, notamment la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre de 1979, la Convention relative aux droits des Enfants du 20 novembre 1989 et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples du 27 juin 1981, le Sénégal a insisté sur son attachement à la transparence dans la conduite et la gestion des affaires publiques, ainsi qu’au principe de Bonne gouvernance. Cette nouvelle Constitution accorde également une bonne place à la femme. Dans plusieurs déclarations, le chef de l’Etat n’a jamais raté l’occasion de réaffirmer « qu’une Constitution n’est pas un texte ordinaire : c’est la Loi des lois ; l’acte solennel par lequel une société déclare les principes qui la fondent, qui la rassemblent et qui l’organisent ». Du référendum, il disait qu’un texte ne peut être changé si facilement d’où le choix populaire. Face aux cadres du Parti démocratique sénégalais (Pds), l’ancien ministre d’Etat, directeur de Cabinet du chef de l’Etat, Idrissa Seck, soulignait que « le projet de réforme constitutionnelle en circulation ne doit pas confiner notre réflexion », ajoutant que : « rien n’est figé. C’est seulement le produit de la réflexion d’experts ». Il disait « qu’une révision constitutionnelle, événement pas du tout courant, revêt un enjeu capital dans la vie d’une nation ». C’est cette nouvelle Constitution, qui avait décidé la réduction du mandat présidentielle de 7 ans à 5 ans avec la possibilité de se présenter pas plus de deux fois à l’élection. Deux ans après la présidentielle de 2007, une nouvelle révision ramène le mandat du chef de l’Etat de 5 à 7 ans. En Conseil des ministres, l’explication fournie est que cinq ans sont très courts pour un président élu de s’installer et prendre ses marques pour conduire sa politique. Dans l’histoire, le Sénégal n’a connu que deux référendums. D’abord, ce fut le cas le 28 septembre 1958, durant la période coloniale, pendant la période de la Loi Cadre, au moment où le général Charles se Gaule appelait à la création d’une Communauté franco-africaine. Cinq années après l’indépendance, pour mettre en place la IIème République sous Senghor. En cette date du 7 janvier 2001, le Oui avait largement remporté le vote avec un taux de participation de 66 %. Un galop d’essai concluant, avait dit le général Mamadou Niang alors ministre de l’Intérieur. La suppression du Conseil économique et social (Ces) dirigé par le Président Famara Ibrahima Sagna sera l’une des mesures du nouveau régime. Une nouvelle institution sera créée à la place avec le Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales (Craes) qui a joué un rôle de médiateur dans plusieurs conflits entre travailleurs et employeurs. Il sera confié à Me Mbaye-Jacques Diop avant d’être dissout pour céder place quelques mois plus tard à un nouveau Conseil économique et social présidé par l’ancien maire de Saint-Louis, Ousmane Masseck Ndiaye. A l’Indépendance, le Sénégal se dotait d’une Cour suprême respectueuse pour avoir été dirigée par des magistrats de valeur comme les juges Isaac Foster et Kéba Mbaye, tous deux devenus magistrats à La Haye. Réputée comme une instance juridique de grande qualité, la Cour suprême céda la place après une nouvelle réforme de 1992 qui créa le Conseil constitutionnel, la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat. En 2007, présidant une rentrée des Cours et Tribunaux, le chef de l’Etat, dans son intervention, annonça une nouvelle réforme qui consacre le retour de la Cour suprême. La réflexion engagée aboutira à cette nouvelle création confiée au magistrat Pape Ousmane Sakho. Enfin, la vice-présidence a été l’une des dernières créations. Depuis plus d’un an on attend la nomination officielle de celui ou celle qui va assister le chef de l’Etat dans son travail.

El Hadji Abdoulaye THIAM

La Constitution, ce socle si important

La Constitution est le socle sur lequel repose un pays. Sa modification nécessite des consultations au préalable. En 2000, après avoir pris l’engagement auprès des électeurs sénégalais de tous bords, Me Abdoulaye Wade avait promis d’apporter des réformes profondes de la Constitution. Chose promise, chose faite. Après plusieurs consultations avec les partis politiques, les différentes composantes de la Société civile, les enseignants des Universités de Dakar et Saint-Louis et même ceux établis à l’étranger, le président de la République décida de convoquer tout ce beau monde autour d’une table pour dégager les grandes lignes. Des Sénégalais de toutes les catégories sociales apporteront des propositions et suggestions pour le nouveau document. Une commission technique chargée d’élaborer la nouvelle Constitution fut mise sur pied sous la présidence du garde des Sceaux, ministre de la Justice d’alors Mme Mame Madior Boye, juriste de renommée. Plusieurs personnalités dont les professeurs Babacar Guèye, Pape Demba Sy, l’avocat et conseiller du président de la République, Me Madické Niang, le magistrat de carrière Taïfour Diop, etc. y ont siégé. Des contributions de haute facture ont été reçues de l’Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil constitutionnel, d’organisations de la Société civile, d’Ong et plus particulièrement de particuliers comme feu Kéba Mbaye, feu Me Babacar Niang, Amsatou Sow Sidibé, Makhtar Diouf, Mouhamet Fall, Me Mamadou Diallo du barreau de Paris, etc. Par cet acte, le président de la République a voulu associer tous ceux qui de près ou de loin pouvaient apporter un plus à ce document si précieux pour une nation. En dix ans, plusieurs réformes ont été apportées, dans le but d’approfondir notre démocratie. L’une d’elles adoptée consiste à doter le Sénégal d’une vice-présidence qui assiste le chef de l’Etat.

El. H. A.THIAM

CA 2000, CPC, CPA, AST, BENNOO, ETC : La « real politik » efface les considérations idéologiques

De 2000 à nos jours, le Sénégal a connu plusieurs recompositions guidées par la réalité politique sur le terrain. Les considérations idéologiques n’ont pas pesé. Alliés hier, adversaires aujourd’hui. Depuis 2000, le Sénégal a vécu une intense recomposition politique. Laquelle est alimentée par les remous qui ont jalonné la vie politique du pays. Arrivé au pouvoir, en 2000 par une large coalition de l’opposition qui compte en son sein le Parti démocratique sénégalais (Pds), la Ligue démocratique, Mouvement pour le parti du travail (Ld/Mpt), l’Alliance des forces de progrès (Afp), le Parti de l’indépendance et du travail (Pit), le président de la République, Me Abdoulaye Wade, a d’abord vu son camp subir une mue. La première en date est le limogeage du Premier ministre, Moustapha Niasse, leader de l’Afp, en mars 2001. C’est le premier grand divorce entre Me Wade et ses alliés. Le départ de M. Niasse est intervenu deux mois avant les élections législatives de mai 2001. Mais cela n’a pas empêché le parti au pouvoir d’occuper la majorité des sièges au Parlement. Ce revers semble mettre la pression sur l’opposition. Même si elle rassemble de farouches adversaires en 2000, Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng notamment, l’opposition est contrainte à s’unir. Quelques jours après les législatives, 10 partis d’opposition s’unissent pour créer le Cadre permanent de concertation (Cpc). Pour riposter, 25 partis portent sur les fonts baptismaux la Convergence des actions autour du président de la République pour le 3ème millénaire (Cap 21) le 25 août 2001. Un moment de vérité arrive entre le Cpc et la Cap 21 avec les élections locales de 2002. Le duel tourne à l’avantage de la mouvance présidentielle qui remporte les scrutins locaux. Mais l’opposition parvient à contrôler quelques collectivités locales dont Ziguinchor, Tambacounda et Kédougou. Ces élections semblent consacrer la



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