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Politique

Djibo KA sur les élections locales : 'Il n'est pas matériellement possible de les organiser en mai'

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Djibo KA sur les élections locales : 'Il n'est pas matériellement possible de les organiser en mai'
C’est dans son bureau au 2e étage du Building administratif qu’il nous a donné rendez-vous hier à 9h 30. A l’heure indiquée, le ministre d’Etat, ministre de l’Environnement, de la Protection de la nature, des Bassins de rétention et des Lacs artificiels nous ouvre les portes de son bureau ministériel. Le décor sobre de ce vaste bureau sur lequel trônent des piles de dossiers, renseigne sur la personnalité du maître des lieux. De fait, Djibo Leïty Kâ est un homme de dossiers et sa présence dans les gouvernements de Senghor, Diouf et Wade fait de lui un dinosaure dans la classe politique sénégalaise. Dans la première partie de l’interview qu’il nous a accordée, le leader du Renouveau démocratique (Urd) assume son alliance avec le Pds et livre du coup son mode d’emploi pour un report des élections locales du 18 mai prochain. Entretien.

Wal Fadjri : Comment réagissez-vous à l’appel au dialogue lancé à l’opposition par le chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade ?

Djibo Leïty Kâ : Positivement. J’estime que lorsque c’est utile pour le pays, il faut le faire. Que le dialogue entre le pouvoir et l’opposition puisse être institué, c’est utile pour la démocratie. Au Sénégal, on n’a jamais franchi le rubicond. C’est fondamental chaque fois que l’intérêt du pays est en jeu, sa stabilité et son équilibre. Parce que nos institutions fonctionnent normalement, il est normal que la classe politique se retrouve. Je salue cette ouverture d’esprit du président de la République qui a répondu positivement à la demande de la Raddho qui a joué son rôle de société civile. J’attends de voir et je garde l’espoir que l’opposition comprendra parfaitement que le président de la République n’était pas obligé de le faire. Il le fait parce que c’est la volonté démocratique qu’il exprime là.

Wal Fadjri : Le refus de l’opposition opposé à cet appel au dialogue est-il justifié, selon vous ?

Djibo Leïty Kâ : Je ne peux pas apprécier l’attitude de l’opposition. Je ne connais pas ses paramètres. En tant que membre de la majorité présidentielle, je soutiens l’initiative du chef de l’Etat, sa volonté d’aller rencontrer la classe politique qui s’oppose à lui. Moi, je suis tout à fait ouvert à cela. Mais, quels sont les paramètres de l’opposition ? Je ne les connais pas. Je pense qu’il n’est pas nécessaire au Sénégal d’avoir des préjugés sur qui que soit. Nous nous connaissons tous. Les hommes politiques de ce niveau doivent mettre de côté les préjugés et ne voir que l’intérêt du Sénégal.

Wal Fadjri : Ce refus ne traduit-il pas la crise de confiance qu’il existe les acteurs de la classe politique ?

Djibo Leïty Kâ : Il ne faut pas désespérer. Personnellement, je vous ai dit qu’on n’a jamais franchi le rubicond. Chaque fois qu’il y a eu des crispations, il y a eu la décrispation. Les acteurs finissent par se parler. C’est cela qui est constant au Sénégal. Peut-être que je suis naïf. Mais par expérience, aussi loin que remontent mes souvenirs, chaque fois que la situation politique est crispée et que les gens commencent à désespérer, on a toujours fini par décrisper, on a toujours fini par se parler pour trouver des solutions de convergences, chacun prenant ses responsabilités. Parce qu’on sait que la référence de nos actions, c’est le Sénégal. Et ce Sénégal-là est au-dessus de nos petites têtes.

Wal Fadjri : Mais, si cette tradition de dialogue dont vous faites allusion semble perdue depuis longtemps, la faute est à qui ?

Djibo Leïty Kâ : Ce n’est pas du tout perdu. Ce sont des contextes différents. Nous sommes allés à la présidentielle, le président Wade a gagné triomphalement dans le cadre d’un processus électoral d’une transparence qui est telle que 2 500 observateurs l’ont attestée. Il était impertinent alors de remettre en cause les résultats. Mais cela a été fait quand même par une partie de l’opposition qui a boycotté les législatives du 3 juin. Cela a contribué davantage à crisper la situation. En ne reconnaissant pas le nouveau président de la République qui incarne les institutions de la République, comprenez que cela puisse amener quelques frictions. Mais tout cela est non substantiel par rapport à ce qui est essentiel : le Sénégal émergent. C’est pourquoi, le gouvernement a continué à faire son travail, les institutions démocratiques élues ont fonctionné à plein régime jusqu’à présent. Que l’opposition décide d’aller aux élections locales sur la base du même processus et du même fichier électoral, cela veut dire que l’argument d’hier n’est pas pertinent. Mais, tout cela n’est pas important. Ce qui est important, c’est que le président de la République accepte de recevoir l’opposition à la demande de la Raddho qui a joué son rôle. L’essentiel, c’est qu’il serait bon que l’opposition fasse une bonne lecture de ce nouveau contexte et que le Sénégal soit encore la référence de chacun. En ce moment-là, les préjugés ne seront plus de mise.

Wal Fadjri : L’option d’aller en alliance avec le Pds aux élections locales a provoqué beaucoup de grincements de dents au sein de l’Urd et des dissidences qui n’étaient pourtant pas de mise quand vous vous alliez avec le même parti pour les élections présidentielle et législatives. Qu’est-ce qui s’est passé entre temps ?

Djibo Leïty Kâ : L’Union pour le renouveau démocratique est un parti dynamique où les décisions importantes sont débattues dans les instances de base d’abord et la direction exécutive tranche. Je suis foncièrement un démocrate. La décision d’aller aux élections locales en alliance avec la majorité présidentielle qui est conduite par le Pds est une alliance justifiée. C’est une alliance qui date de longtemps qui a triomphé à la présidentielle, aux législatives et qui va triompher aux locales. Voilà, les faits. Tout le reste maintenant, c’est de l’agitation. Si par-ci par-là, certains estiment qu’ils sont majoritaires dans leur localité et qu’il faut que l’Urd aille toute seule, ils voient leur poids érodé, mais ils ne voient pas les 320 communautés rurales du Sénégal. Or la direction du parti, elle, voit l’ensemble des communautés rurales, les 400 et quelques collectivités locales du Sénégal : communautés rurales et communes. C’est ce que ne peut pas voir un responsable local pris isolément. Or, la vision d’un leader, c’est d’avoir une vision globale complétée par une capacité d’écoute. Et j’essaie d’écouter, mais j’essaie surtout d’entendre. Je comprends mes camarades qui veulent garder des positions de pouvoir dans le parti. Je salue cela. Mais chaque fois que le parti a tranché, ils ont accepté. Maintenant, je souhaite que la discipline soit de rigueur. Je garde l’espoir qu’il n’y aura pas de conséquences négatives. Les contestations que l’on a connues par-ci par-là, c’est dans un parti dynamique qu’on les voit. Cela ne peut pas se vivre dans un parti léthargique, cela ne peut se vivre dans un parti amorphe, cela ne peut pas se vivre dans un parti qui ne suscite pas l’espoir. J’ai dit à Saint-Louis la semaine dernière que l’Urd est le parti de l’espérance, au-delà de l’espoir. Quand on me dit que dans telle localité, il y a un ou deux départs, j’aimerais qu’on me dise que dans telle autre localité il y a eu mille arrivées. Et c’est le cas. La comptabilité doit être complète. A chaque fois que je suis alerté, je ne reste pas inerte, je réagis. Dans la région de Louga, il n’y a rien à signaler, j’ai vérifié moi-même ce matin (hier, Ndlr), mais personne ne remet en cause notre alliance avec le Pds d’autant plus que les discussions n’ont même pas encore commencé. Mais l’Urd voudrait consolider ses positions et c’est légitime.

Wal Fadjri : Comment expliquez-vous les dissidences d’Oumar Ngalla Ndoye, Ousmane Ndour et autres membres fondateurs de l’Urd à Dakar ?

Djibo Leïty Kâ : Je suis heureux de voir qu’il y a eu des arrivées extraordinaires. J’ai reçu avant-hier les nouveaux dirigeants de la fédération communale Urd de Ouakam, autour de ma sœur Khardjatou Gaye Sow. J’étais sublimé par leur volonté. C’est à eux qu’il faut poser la question.

Wal Fadjri : Votre manière de gérer le parti est souvent épinglée par les dissidents. Que leur répondez-vous ?

Djibo Leïty Kâ : Mais, non ! J’ai dit à Saint-Louis que l’Urd est un parti tellement démocratique que tout se tranche dans un débat démocratique. Maintenant, on peut avoir un problème personnel avec Djibo. En ce moment, il faut brûler Djibo Kâ. Je voudrais aussi préciser que l’Urd n’est pas un parti provincial. Le 9 février, j’ai présidé le meeting de Daara Djoloff, le 16 février, j’ai présidé un meeting extraordinaire à Goudomp dans le Sédhiou. J’ai été accueilli sur des longueurs incroyables par la jeunesse. Dimanche dernier, j’étais à Saint-Louis. Les gens ont dit là-bas qu’on peut dire que l’Urd est de retour. Je n’ai jamais vu un meeting aussi réussi qu’à Saint-Louis. C’est toute la ville qui est sortie.

Wal Fadjri : L’idée du report des élections locales du 18 mai 2008 se dessine de plus en plus au niveau du Pds. Quelle est votre position ?

Djibo Leïty Kâ : Il faut qu’on ait le sens des réalités. Quel est le réel ? On a créé récemment trois régions : les régions de Kaffrine, de Sédhiou et de Kédougou. Si je comprends bien, les lois ont été votées. Il faut maintenant définir les circonscriptions qui vont composer les départements de ces trois nouvelles régions. Ces départements, il faut les subdiviser en communautés rurales. Donc, c’est l’organisation administrative du pays qui va être changée. Si c’est le cas et c’est justement le cas, il faut en tirer toutes les conséquences administratives légales pour organiser des élections là-bas. Est-ce qu’il est possible entre le 18 mars, date limite de dépôt des listes de candidatures pour les élections locales, et maintenant de faire tout ce travail ? Matériellement, ce n’est pas possible. Est-ce qu’il est légal de créer des régions, d’organiser des élections et de les mettre de côté ? Cela pose un problème extraordinaire. Donc, si le Parlement vote une loi qui proroge les élections, je serai solidaire. Cela n’a rien à voir avec la situation dans le monde rural. Elle n’est pas reluisante, mais elle n’est pas aussi désespérée parce que le gouvernement n’est pas resté les bras croisés. J’estime que les gens doivent faire la vraie politique, c’est-à-dire analyser les situations réelles, selon les vrais contextes. Ce contexte-là, c’est un contexte démocratique : on ne peut créer des collectivités locales sans y organiser des élections. Est-ce qu’il faut le faire, parce qu’il faut organiser des élections coûte que coûte ? Je pense qu’il ne sert à rien de forcer des portes.

Wal Fadjri : Vous vous êtes toujours opposés aux assises nationales du Front Siggil Sénégal. Pour quelles raisons ?

Djibo Leïty Kâ : Ce qui est sûr et certain, c’est que les assises nationales prônées par le Front Siggil Sénégal ne sont pas pertinentes. Dans un pays démocratique où les règles du jeu sont fixées par des textes, où l’on organise des consultations électorales régulières qui sont les moments les plus importants du dialogue démocratique - nous en avons eu en février et en juin - prôner dans un tel pays des assises nationales, cela me rappelle exactement les conférences nationales des années 90. Quelle que soit l’appellation, c’est pareil, même si on ne dit pas que c’est souverain. C’est une espèce de défiance aux normes démocratiques. Or, les normes démocratiques, ce sont des conventions. Nous sommes d’accord que c’est comme cela que le pays doit organiser sa vie démocratique, nous nous en tenons à cela. C’est la constitution, les lois et les règlements. Défier cela, c’est agresser la démocratie. C’est la raison pour laquelle, je ne veux pas être partie prenante, mon parti non plus.

Wal Fadjri : Ne croyez-vous pas tout de même que le Sénégal doit être réformé pour s’adapter à la mondialisation ?

Djibo Leïty Kâ : Je suis un réformiste, un réformateur. Dans tous les ministères que j’ai eu l’honneur de diriger, j’ai réformé profondément. J’ai innové, j’ai créé de nouvelles structures qui portent l’espérance. J’estime que les structures doivent bouger. Mais, le Sénégal est un pays conservateur. Quand vous voulez bâtir des réformes fondamentales, il faut bâtir des consensus forts. Il faut amener le plus grand nombre à adhérer à cette idée forte qui porte le mouvement général. C’est l’adhésion. Et pour faire adhérer le maximum de gens, il faut les convaincre. Si je prends l’exemple d’une structure qu’on a créée vers les années 80, la Sonatel qui fait qu’aujourd’hui, le Sénégal est à l’avant-garde des télécommunications, c’était extrêmement difficile de la créer. Parce que c’était des cadres de très haut niveau qui n’étaient pas d’accord. Lorsque cela s’est enclenché, tout le monde a dit que c’était cela la voie. Et je crois beaucoup au mérite. La démocratie représentative comme la nôtre, il faut la préserver. Elle permet de peser ce que représente chacun. Comme c’est le cas, acceptons qu’elle soit représentative et que les élections soient la seule référence. L’élection est la source de la légitimité. Il faut que les élus soient autant méritants que légitimes. Il faut que les élus au niveau national comme local, aient les compétences telles qu’ils puissent conduire les changements. Parce que les problèmes sont tellement complexes qu’il faut être un expert pour les appréhender. Les connaissances techniques sont indispensables à la bonne conduite des affaires. Je disais il y a quelques jours au président Wade, que j’observe qu’il est attaché à la promotion des jeunes dames et je le comparais à François Mitterrand. Si vous connaissez la vie politique française, toutes les grandes dames de la vie politique française ont été promues avec François Mitterrand. Quand je regarde les différentes agences qui font tourner la vie politique sénégalaise, je retrouve de jeunes dames promues par le président Wade. Je ne peux pas les citer, mais si vous regardez bien, vous les saurez. Et cela me donne beaucoup d’espoir et de fierté. Elles sont compétentes et ont du mérite. Et je souhaiterais que, nous les hommes, l’on soit comme elles. Faut-il maintenant réformer le système politique ? Il est bon que les gens acceptent les règles du jeu démocratique. Il ne faut pas les remettre en cause parce qu’elles ne vous arrangent pas aujourd’hui. Ce sont des conventions, il faut les laisser fonctionner. S’il y a des dérapages, il existe des soupapes de sûreté qui permettent de ramener les choses aux normes. C’est la presse, c’est la justice et les autres organes de régulation.

Wal Fadjri : Quelles sont les valeurs fondamentales autour desquelles l’Etat doit continuer à se bâtir ?

Djibo Leïty Kâ : Mon analyse est simple. Je considère que depuis Léopold Sédar Senghor, l’Etat du Sénégal est bâti sur des principes constants. Quels sont les piliers de l’Etat ? C’est la magistrature, c’est la haute administration comme le commandement territorial, les régies financières, c’est l’armée, c’est la police et la gendarmerie. Et ces piliers sont bâtis sur le mérite, sur la République. Ils ne sont pas bâtis sur l’ethnie ou l’appartenance à une région. C’est cela qui fait que le Sénégal est une République. Senghor nous disait qu’il est bon d’avoir de grands militants des partis politiques, des syndicats, mais qu’il est essentiel - je pèse bien le mot essentiel - d’avoir de grands militants de l’Etat, des grands corps de l’Etat. Et ainsi, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige, quelles que soient les crises, l’Etat restera debout. Et les principes que je viens de dire sont la colonne vertébrale de l’Etat. J’estime que l’armée sénégalaise est républicaine, de même la haute administration, la magistrature, car personne ne sait que tel appartient à telle religion, à telle ethnie etc. Ce sont des valeurs intangibles, des valeurs permanentes qu’il faut toujours préserver. C’est pourquoi, quelles que soient les turbulences, l’Etat sénégalais est resté debout. Il n’arrivera jamais l’idée à personne d’où qu’il vienne de remettre en cause ces principes. Je dis souvent que si le Sénégal était un livre sans titre, quand vous aurez fini de le lire, vous donnerez comme titre : le Sénégal, un Etat. C’est ce qui doit nous amener à réformer sur les ailes : la culture, l’éducation, l’économie, les problèmes de société, mais l’épine dorsale ne bouge pas. Que Dieu sauve le Sénégal. (A suivre) 



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