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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

ENTRETIEN AVEC… Abdoulaye BATHILY, secrétaire général de la Ld/Mpt : «C’est Wade le chef des faucons»

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ENTRETIEN AVEC… Abdoulaye BATHILY, secrétaire général de la Ld/Mpt : «C’est Wade le chef des faucons»

Dans notre édition d’hier, le Pr Bathily, secrétaire général de la Ld/Mpt, dans toute la verdeur de ses propos, avait critiqué les opacités de la gestion des agences logées à la Présidence ainsi que l’effondrement de l’Etat. Il revient ici avec la même tonalité sur les ombres qui entourent le processus électoral. Pour lui, Wade, le véritable chef des faucons, ne veut pas organiser les élections à date, parce que connaissant la situation actuelle du Sénégal…

Vous êtes dubitatif quant au respect du calendrier électoral. Y a-t-il des éléments objectifs qui fondent ce doute ?

Nous sommes en fin avril bientôt. Au 3/4 les populations ne sont pas inscrites. Nous avons une population électorale qui avoisine les 5 millions. Aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur prétend qu’il a trois millions d’inscrits. Mais, il n’y a aucun contrôle sur les inscriptions sur les listes ; la Cena ne fait pas son travail, les partis politiques n’ont pas accès au fichier. Ensuite, ces inscriptions se font dans la pagaille totale. Dans les départements de Vélingara et de Linguère où j’étais, il n’y a pas d’inscriptions. Si la commission existe, il n’y a pas de groupe électrogène. Si le groupe existe, la commission n’a pas les moyens pour aller dans les villages. Dans tous les départements, c’est la même situation. Je connais ce qui se passe dans le département de Bakel qui fait 1/10e du territoire en étendue ; jusqu’à présent, les 9/10e ne sont pas touchés par les inscriptions.

Dans un mois, les pluies vont commencer à tomber sur une bonne partie du territoire national. Même si les commissions et les moyens existent, on ne pourra plus se déplacer dans le monde rural pour aller inscrire les gens, faute de transport. Ensuite, pour ceux-là déjà inscrits, il y a plusieurs problèmes déjà apparus. Des milliers ont été inscrits, ont reçu leur carte, mais ont vu que leur photo d’identité était floue. Ce sont des cartes inutilisables. Ces détenteurs de cartes avec des photos floues sont obligés de repasser devant les commissions ; sinon, ils seront renvoyés le jour du scrutin. Ensuite, dans le processus des inscriptions, on n’a pas fait la distinction entre les citoyens. On dit, au départ, que les gens s’inscrivent pour la carte d’identité, puis reviennent pour exprimer leur intention de voter à tel ou tel endroit. On a qu’à faire attention : les militaires, les gendarmes, les policiers et les douaniers, tous ceux qui n’ont pas le droit de voter, ont reçu leur carte d’identité ; en même temps, ils sont inscrits automatiquement sur les listes électorales. Quand cette question a été soulevée, ils ont dit : «C’est vrai, on n’a pas fait attention, mais on va voir comment prendre les fichiers de l’Armée, de la Police, de la Douane, des Magistrats, et les enlever des listes électorales.» Comment ce travail doit être fait ? Ce sont des dizaines de milliers de gens qui sont concernés. Les effectifs de l’Armée, c’est du domaine des secrets de défense. Comment on peut contrôler cela ? Comment on va contrôler les militaires inscrits, dont certains, entre temps, vont quitter l’armée et d’autres la rejoindre ? Comment ce travail de vérification peut se faire dans les délais ? C’est impossible. Ensuite, à six mois du scrutin, il y a toute une série d’opérations à faire : avoir une liste électorale fiable, vérifiée et publiée, à six mois avant le scrutin. Il faut que les gens puissent vérifier s’ils sont omis, si leur nom est mal écrit. C’est la période du contentieux qui doit durer au moins un mois. Tout cela n’est pas fait. D’ici le mois de février, si on prolonge les inscriptions jusqu’au mois d’août, comme on prête l’intention au ministre de l’Intérieur, c’est sûr que nous nous trouverons dans une situation où, de manière pratique, il sera impossible d’organiser les élections en février. Avec la relance de la dynamique de guerre en Casamance, dans le département de Bignona, d’Oussouye, de Ziguinchor, les inscriptions n’y peuvent pas se dérouler. Avec les réfugiés en Gambie, en Guinée-Bissau, les villages qui commencent à se vider de leur population. On n’arrivera pas à une paix dans trois mois pour un déroulement normal des élections dans ces localités.

Il y a tellement de problèmes dans ce pays qu’Abdoulaye Wade ne veut pas d’élections. Il veut prolonger son mandat comme celui des députés et continuer à gouverner le Sénégal. Nous ne l’accepterons pas !

D’où vient, selon vous, la certitude d’une victoire aux élections des libéraux ?

Ils pensent qu’ils ont les moyens financiers. Mais d’où viennent-ils ? A la veille des campagnes de 2000, Wade, en tant que candidat, avait promis d’abord 100 000 francs Cfa par communauté rurale ; il n’a rien pu sortir. Ensuite, il a dit 50 000 et il n’a pas pu le faire. Malgré tout, nous avons mené la campagne dans des conditions de dénuement total. Le pays était mûr pour le changement. Nous avons ébranlé le pays sur la base d’une conviction politique et d’un argumentaire très serré. Les populations nous ont suivis. Aujourd’hui, c’est ce Pds qui allie des millions pour chaque petite réunion, qui distribue des voitures. Alors le pays doit se demander d’où vient cet argent. Toutefois, l’argent ne suffit pas. Le Ps avait plus d’argent que nous en 2000, mais les populations savent toujours faire la distinction. C’est malheureux, aujourd’hui, des gens disent : «Naniou dem ci Pa bi ; am na khaliss.» (Allons voir le vieux, il a de l’argent : Ndlr). Ils forment un comité pour sa réélection. Ce qui se passe, aujourd’hui, dans le pays, ils l’apprendront à leurs dépens. Le jour des comptes viendra.

Nourrissez-vous, aujourd’hui, quelques inquiétudes par rapport aux problèmes confessionnels et religieux, notamment avec l’incident survenu à la Cathédrale ?

Cela montre à quel point il y a un manque de responsabilité de la part de nos dirigeants. A supposer que ce soit une bavure policière, la moindre des choses pour un Etat est que le ministre de l’Intérieur prenne les médias pour s’excuser auprès des fidèles catholiques. Cela se fait à travers le monde. Il y a tellement de témoignages concordants que je ne peux pas dire que c’est faux. Ceux qui y étaient ont vu les policiers à l’intérieur. Ils sont sortis, ont donné le compte-rendu très précis. C’est parce qu’ils ont été hués, conspués par les fidèles rassemblés dans le parvis de l’église qu’ils ont été obligés de se replier à la Dic. Après avoir appris que Jean-Paul Dias est allé chez lui, ils l’ont rattrapé. C’est un fait ! Pour le calme et la sérénité dans le pays, ils auraient dû présenter leurs excuses depuis le premier jour. Quand même, ce pays nous appartient, à tous, chrétiens, musulmans, adeptes du bois sacré ou autres. Le domaine des croyances, il ne faut pas y toucher, si on veut maintenir l’équilibre social. Ce qui se passe en Côte d’Ivoire peut se passer, ici, au Sénégal. On a vu ce qui se passe en Casamance, aujourd’hui. C’est un processus de marginalisation qui nous y a amenés. Wade avait dit que, dans les 100 jours, il allait régler le problème. Cela fait sept ans ; il n’aura rien réglé. Au contraire, il a aggravé la situation en Casamance. Aujourd’hui, la guerre est réanimée. Il va finir son mandat, il n’y aura pas de paix. Donc, le Sénégal, comme n’importe quel pays, peut être dans cette situation. C’est pourquoi il faut mettre fin à ce régime d’Abdoulaye Wade. S’il continue, perdure, le tissu social va éclater. Pendant les 40 ans du Ps -c’est vrai qu’on s’est opposé à ce parti, on n’a jamais atteint ce niveau. Senghor ne s’est jamais attaqué à la religion musulmane. Abdou Diouf appartenait à telle ou telle confrérie, les gens s’en moquaient. Chacun doit vivre sa religion comme il l’entend. On doit respecter les croyances, les convictions de chacun.

Jean-Paul Dias n’est pas un criminel ! On a amnistié des criminelles dont les mains sont tachées du sang de Me Babacar Sèye. Ces gens et leurs commanditaires vaquent à leurs affaires. Sous prétexte de faire l’unisson dans le pays, on a classé l’affaire des délits contre Talla Sylla, Balla Gaye. Jean-Paul Dias n’a rien fait de tout ça.

Vous êtes souvent assez disert sur la possibilité d’émergence d’un 3e pôle avec Idrissa Seck qui a déclaré sa candidature à la présidentielle. Pourquoi ?

Nous allons faire partir le régime de Abdoulaye Wade. Vraiment, c’est notre principale préoccupation, aujourd’hui. Maintenant, pour les forces qui veulent construire, tout le monde n’est pas obligé d’aller ensemble. Chacun peut aller de son côté, mais nous croyons à notre Coalition pour l’alternative. Nous estimons que l’héritage de ce régime, en 6 ans, sera tel qu’il faudra des forces multiples autour de valeurs, de principes, pas des individus, pour vraiment rétablir le Sénégal dans une situation d’équilibre national. Sinon, c’est la voie ouverte au chaos. Wade se présentait comme celui qui, individuellement, peut régler tous les problèmes du Sénégal, mais on a vu ce que cela nous a donné. C’est pourquoi d’ailleurs, dans notre coalition, nous avons dit que l’élément le plus important, ce sont les élections législatives. Il faut avoir une majorité à ces élections pour faire une réforme institutionnelle. Le Sénégal sera un pays à gros risques, si on maintient l’institution présidentielle, telle qu’elle existe, aujourd’hui, les pouvoirs que la Constitution donne au président de la République. C’est comme si on donne un fusil-mitrailleur à un fou qui joue avec. Si c’est quelqu’un d’équilibré, il peut bien mener le pays à bon port, mais s’il ne l’est pas, il peut sombrer. J’ai combattu Senghor, il m’a mis en prison plusieurs fois. J’ai combattu Abdou Diouf, il m’a mis aussi en prison : j’ai été, à un moment donné, dans son gouvernement. Cependant, on peut quand même reconnaître que, du point de vue de leur esprit de responsabilité, ils ont contribué à créer l’exception sénégalaise. En Afrique, c’est le seul pays qui est resté sans coup d’Etat militaire, sans guerre civile de grandeur ampleur. C’est dû à quoi ? Ils se sont, certes, accrochés au pouvoir pendant 40 ans, mais il y a des limites qu’ils n’ont jamais voulu franchir. Chaque fois qu’il y avait des crises majeures, ils ont reculé, créé un espace de dialogue, de négociations, à partir duquel a émergé un consensus qui a permis au pays de continuer sa marche dans le sens du progrès démocratique jusqu’à l’alternance de 2000. Sous ce rapport, il faut rendre hommage à Senghor et Diouf. S’ils s’étaient accrochés uniquement à leur pouvoir, ils n’auraient pas fait les réformes du code électoral et tout cela. L’opposition serait dans la rue ; il y aurait un climat insurrectionnel permanent et, au bout du compte, on serait peut-être dans la guerre civile, les coups d’Etat. Mais, aujourd’hui, ce sont des gens obsédés par leur pouvoir, qui ne veulent donner aucun espace, en moins de 6 ans. Les bénéficiaires même de cette exception sénégalaise veulent, aujourd’hui, la jeter dans la poubelle. Nous ne pouvons pas l’accepter !

Est-ce que vous percevez la candidature de Idrissa Seck comme quelque chose qui peut participer….

(Il coupe). Vraiment, je préfère ne pas en parler. Aujourd’hui, nous sommes en train de construire notre Cpa. En son temps, on en parlera, si c’est nécessaire mais, pour le moment, chacun travaille là où il travaille, fait ce qu’il doit faire. Notre objectif : faire en sorte que Wade et son Pds-là débarrassent le plancher, sur la base d’un programme. Maintenant, dans d’autres secteurs, s’il y a d’autres forces qui veulent travailler avec nous dans ce sens, on verra bien. Pour le moment, cette question, qui n’est pas venue à maturité, ne se pose pas.

Suite et fin



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