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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

ENTRETIEN AVEC… Jacques habib sy, directeur de aid transparency : La folie dépensière du pouvoir de Wade

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ENTRETIEN AVEC… Jacques habib sy, directeur de aid transparency : La folie dépensière du pouvoir de Wade

Jacques habib Sy, directeur de l’Ong Aid Transparency ne fait pas dans le mystère, encore moins dans les contorsions intellectuelles. Il assène ses vérités avec parfois la lumière crue des chiffres pour étayer son argumentaire. Au moment où le Président Wade, après avoir fait l’aveu de l’existence d’une situation financière difficile du Sénégal, lance un appel à la solidarité nationale, M. Sy dresse un tableau ahurissant des dépenses faramineuses de l’Etat. A propos du débat sur la succession de Wade par son fils Karim, il avertit que si celle-ci se fait par remaniement de la Constitution ou par quelque autre artifice juridique ou politique, cela, pourrait marquer le départ d’affrontements aux conséquences incalculables.

Des journalistes ont été récemment arrêtés puis libérés sur instruction du chef de l’Etat. Certains l’ont interprété comme une violation de la séparation des pouvoirs. Quelle analyse faites-vous de cette situation?

L’intervention du chef de l’Etat montre que la séparation des pouvoirs est une sorte de coquetterie politique et, à la limite, une forme d’escroquerie intellectuelle qui veut faire croire que nous avons affaire à un Etat de droit, alors qu’il est maintenant avéré que le Sénégal est géré de la manière la plus autocratique qui puisse être. L’argument principal, c’est que, non seulement, il y a absence de séparation entre les pouvoirs, législatif, judiciaire et exécutif, mais aussi, tous ces pouvoirs doivent leur légitimité à la seule volonté du chef de l’Etat qui les nomme. C’est vrai du Sénat, de l’Assemblée nationale, du Conseil supérieur de la magistrature et de tous les grands corps de l’Etat. Par conséquent, il y a une prééminence de l’Exécutif sur toutes les autres branches de l’Etat et une dépendance budgétaire accrue de ces dernières à son égard, parce que c’est pratiquement l’Exécutif qui décide, non seulement, de qui vient dans ces organismes étatiques, mais aussi qui décide de l’enveloppe budgétaire qu’il veut bien lui consentir.

L’autre aspect de la question, c’est que la justice obéit aux ordres, puisque le président de la République est, en même temps, le président du Conseil supérieur de la magistrature, a la haute main sur le Parquet via le ministre de la Justice et qui peut instrumentaliser les procédures et les chefs d’inculpation suspendus comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête, non seulement, des journalistes, mais de tous les patriotes et de tous les démocrates qui entendent se poser en contre-pouvoir face à l’absolutisme de l’Exécutif, contre-pouvoir pourtant reconnu par la Constitution. En outre, il y a, non seulement, des attaques sournoises, mais de plus en plus ouvertes contre la presse qui s’est posée en contre-pouvoir, qui manifeste une grande vitalité et qui répond aux soucis des lecteurs, des auditeurs et des téléspectateurs d’accéder à une autre information, différente de celle proposée par la presse d’Etat. Cette dernière et tous les organes de presse satellite soutenus par le pouvoir sont instrumentalisés au profit de ce dernier à partir des deniers publics pour donner une information complètement biaisée, de type propagandiste qui correspond au type d’information que l’on développait à l’époque du parti unique ou par le truchement des dictatures qu’on a connues de par le monde. Par conséquent, il faut lire à travers l’activité que développent à l’unisson, à la fois, la Division des investigations criminelles, le ministère de l’Intérieur et la présidence de la République, une forme de harcèlement des journalistes qui posent les véritables problèmes et qui sont une source de gêne considérable pour le pouvoir.

Justement, par rapport à cette presse dite propagandiste. On a l’impression qu’il y a là deux poids deux mesures, dans la mesure où certains journaux proches du pouvoir ont eu à injurier des citoyens sans, pour autant, être inquiétés.

Moi-même, j’ai été violemment pris à partie plusieurs fois par les journaux auxquels vous faites allusion, qui semblent, disons-le, être parrainés par la présidence de la République ou par les fonds politiques ou, en tout cas, par des affidés du parti du pouvoir. Ils n’ont cessé d’injurier, et certains d’entre eux d’avoir recours au téléphone portable pour injurier de paisibles citoyens et les menacer de mort ; des menaces de mort qui n’ont jamais fait l’objet d’enquêtes et qui ne débouchent sur rien de tangible. Prenez le cas de Talla Sylla et le mien propre, pour ne citer que ces exemples.

Mais au-delà de ces évènements malheureux, il y a deux leçons à en tirer. D’abord, du point de vue des principes, les journalistes doivent cesser de prêter le flanc. Lorsqu’on fait du journalisme d’investigation, il faut coller aux faits et, naturellement, le commentaire est libre. Mais, ce disant, il faut éviter de verser dans des accusations de type très facile ou sensationnaliste qui n’apportent rien à la rigueur de la démonstration qu’on voudrait exposer et, au contraire, place le journaliste dans une situation de déconfiture vis-à-vis de l’opinion publique. Alors qu’il ne s’agit pas d’épater le public, de «sensationnaliser» les faits, mais de les rendre dans leur véracité et de les poser dans leur dimension la plus objective. Cela dit, la presse, dans son ensemble, à part quelques dérapages ici et là, s’acquitte admirablement de cette tâche. Naturellement, il y a à redire par rapport au discours quotidien que nous offre la presse. Elle est plurielle, les qualités des contenus offerts sont inégales, les produits qu’elle nous propose le sont tout autant. Par conséquent, il est difficile de porter un jugement indifférencié sur la presse dans son ensemble.

Cela dit, il faut, quand même, reconnaître qu’il y a l’attitude du deux poids deux mesures que développent la présidence de la République et le gouvernement dans son ensemble, lorsqu’il s’agit de la presse publique (Le Soleil, l’Agence de presse Sénégalaise, la Rts, etc.) qui ont un traitement de faveur dans la couverture de certains événements, dans la délivrance de certains permis ou même dans les voyages lorsqu’il s’agit d’aller à l’étranger avec l’avion du chef de l’Etat ; avion financé par l’argent du contribuable. Le fait de le rendre disponible pour les journalistes n’a rien d’extraordinaire et ne devrait certainement pas être considéré comme une faveur. Tous les chefs d’Etat des démocraties dignes de ce nom y ont recours.

Le pouvoir n’a aucune sorte de légitimité, même morale, pour procéder au nettoyage des mœurs et des pratiques démocratiques qui s’impose entre la presse et le pouvoir. Il faut rouvrir les possibilités d’un dialogue sain et efficace, de ce point de vue. Cela pose, d’ailleurs, le problème de la dépénalisation du délit de presse. Bien entendu, le journaliste n’est pas au-dessus des lois. S’il se rend coupable de diffamation, il va falloir le condamner. On est d’accord sur le principe. Mais, la peine de prison doit être l’exception. Il faut privilégier le règlement par des voies différentes, notamment, en renforçant les possibilités de sanctions morales venant du Cred (Conseil de régulation pour l’éthique et de la déontologie : Ndlr) plus efficaces et beaucoup plus contraignantes, c’est-à-dire une condamnation par les pairs.

Quelle lecture vous faites de la situation économique difficile que traverse le pays avec la flambée des prix des denrées de première nécessité ?

C’est une question très compliquée et complexe. Il faut, en même temps, clarifier la complexité de tous ces éléments qui s’entrelacent. La crise que traverse aujourd’hui le Sénégal est une crise quarantenaire et qui ne fait que s’aiguiser au fil des décennies. Elle n’a pas commencé maintenant. Si l’on remonte aux régimes précédents, on peut retenir que les difficultés du Sénégal ont commencé dès la période des indépendances avec les options fondamentales prises par l’Etat, en particulier, les options économiques, politiques et de défense. Sur les options de défense, n’oubliez pas qu’il y a des accords qui sont signés entre le Sénégal et la France et qui font de notre pays un membre important du «pré carré» institutionnel français. Ce qui fait que l’objectif n’est pas de défendre l’intégrité du territoire, mais plutôt de défendre les intérêts du président de la République et les intérêts vitaux de la France, s’ils venaient à être menacés par des forces endogènes qui le remettraient en cause. Le Sénégal évolue encore comme une sorte de quasi-colonie. Nous sommes encore soumis à l’indignité de nous rendre une fois tous les deux ans à l’Elysée, ainsi que d’autres chefs d’Etat africains, pour nous soumettre au diktat de la France. C’est une coopération de type vertical qui n’apporte rien d’essentiel pour notre pays, sauf le maintenir dans le giron français, dans une sorte d’esclavage économique, politique, voire social qui a des effets extrêmement néfastes pour le développement du Sénégal.

Lorsque vous observez le Sénégal d’un point de vue économique, vous vous rendez compte que c’est une structure de type extraverti. L’essentiel de l’activité économique et du commerce à hauteur de 50%, c’est avec l’ancienne puissance coloniale, et ensuite avec l’Union européenne, les Etats-Unis et l’Ocde. Nous commerçons très peu -c’est négligeable en tout cas- avec le reste des pays africains, en particulier avec nos voisins. Nos balances commerciales et de paiement sont essentiellement déficitaires en faveur de la France et des pays cités dans lesquels nous n’arrivons pas à placer nos exportations, soit parce que nos produits ne sont pas compétitifs, soit parce qu’ils font l’objet d’un ostracisme volontairement pratiqué par des pays comme la France et par des pays industrialisés membres de l’Omc (Organisation mondiale du commerce : Ndlr) qui, actuellement, étouffent nos «cotonculteurs», ont détruit la culture arachidière et sa production qui a chuté de 1 million de tonnes dans les années 73 à environ 250 mille tonnes, aujourd’hui. Par conséquent, nous sommes dans une situation de crise aiguë. L’agriculture est liquéfiée. Nous n’avons aucun produit à proposer au reste du monde dans le système tel qu’il est conçu actuellement. La diversification de l’agriculture a été un échec. Le président de la République est allé importer du manioc du Nigéria. Il a, par ailleurs, importé du maïs qui s’est avéré être finalement une espèce fourragère. La pêche est dans un état de liquéfaction garantie du fait des accords inégaux qui nous lient à l’Union européenne. Donc, il y a un dépeuplement drastique de nos océans au profit de cette dernière. Il y a une sorte de pillage de notre économie. Dans le secteur des services, celui du bâtiment, nous sommes pris en étau par une petite minorité de la communauté libanaise qui est là depuis essentiellement 1883. Lorsqu’elle a été imposée par les Français pour servir de force-tampon qui empêche l’émergence d’une bourgeoisie nationale qui puisse porter la croissance et avoir une part significative de responsabilité dans l’accumulation interne du capital. Donc, on a affaire à une économie de type colonial. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les performances du Sénégal soient si médiocres. J’ajoute que le Sénégal est l’un des pays les plus aidés par le Fonds monétaire international. Nous avons bénéficié d’un niveau de prêts sans précédent dans l’histoire de l’assistance internationale au développement en Afrique sub-saharienne. Et cela n’a servi qu’à démultiplier les effets de la pauvreté, puisque nous sommes à un taux de pauvreté de plus de 60% de la population totale au-dessous du seuil de 1 dollar par jour, seuil qui est contesté de mauvaise foi, par le pouvoir. Lorsqu’on se promène dans les campagnes, qu’on vit dans l’intimité des zones urbaines et péri-urbaines, on voit bien les souffrances dans lesquelles évoluent les populations de base et qui sont à la limite attentatoire, à la dignité humaine. Des familles vivent de la poubelle ou ce qu’elles peuvent en extraire soit pour manger, soit pour recycler et vendre. Il y a deux à trois générations de pauvres qui vivent ainsi. Des gens vivent de la poubelle déversée au Sénégal par les pays industrialisés. C’est le cas des vieux frigidaires qui, d’ailleurs, accroissent les dangers qu’on fait courir à l’ozone, ainsi que les véhicules «venant de…» qui accroissent le rythme de la pollution de manière effrénée. Par quelque bout que vous le preniez, que ce soit sur le plan politique, sur le plan économique, sur le plan de l’emploi en particulier, le Sénégal est en difficulté. Nous savons que l’une des mesures d’efficacité d’une économie réside dans sa capacité à créer des emplois, à mettre tous les citoyens au travail pour qu’ils puissent contribuer à l’accroissement des richesses. Or, plus de la moitié de notre force de travail est au chômage. La population active se contente du strict minimum pour survivre. Il est scandaleux, dans ces conditions, de penser à diminuer le revenu déjà extrêmement maigre des masses travailleuses. La lecture qu’il faut de cette erreur, c’est qu’il faut une révision drastique et en profondeur des accords qui lient le Sénégal à la France. De façon générale, il faut réviser les accords qui nous lient avec les Etats-Unis, avec l’Omc ; accords qui enferrent le Sénégal dans la pauvreté.

Certains ont, d’ailleurs, demandé à l’Etat de réduire son train de vie pour pallier cette crise économique. Peut-on dire que l’histoire vous a donné raison, dans la mesure où vous aviez eu à publier un rapport, l’année dernière, dans lequel vous évaluiez le train de vie de l’Etat en termes de coût ?

Ce qui est important, ce n’est pas tant les analyses que produisent Aid Transparency et d’autres organisations de recherche/développement que le fait de comprendre que nous sommes dans une situation qui demande à ce que les forces intellectuelles, les masses travailleuses, évidemment le front politique, mettent à l’unisson leurs efforts, leurs talents, leurs ressources pour changer l’évolution de la situation politique du Sénégal. Une évolution qui est devenue dangereuse pour la paix civile, dangereuse pour les générations à venir qui demandent à évoluer dans un cadre plus amène que celui que nous leur proposons actuellement.

Nous avions dit que le chef de l’Etat avait voyagé en l’espace de quatre ans, l’équivalent de quatre mois à l’extérieur du Sénégal. C’est dire qu’en moyenne tous les trimestres, il reste plus d’un mois en dehors du Sénégal. Nous savons qu’actuellement, les statistiques sont plus significatives. Et le chef de l’Etat a atteint le record Guinness du chef de l’Etat qui voyage le plus au monde. Des voix partisanes ont soutenu que ces voyages seraient bénéfiques au Sénégal. Mais lorsqu’on interroge les chiffres, on se rend compte que ces déplacements sont davantage la source de gaspillages de deniers publics qu’une source efficace de rentrée d’argent. Lorsque vous regardez le niveau d’investissements direct étranger et ceux en provenance du secteur privé international, personne ne s’est encore aventuré à mettre ses billes dans la destination Sénégal. Parce qu’on sait bien que le Sénégal n’est pas un pays suffisamment stable ; il n’y a pas de mesures et un environnement suffisamment incitatifs qui appellent les investisseurs à venir dans ce pays, bien que les retours d’investissement soient, souvent, considérables. J’ajouterais que ces investissements doivent être, de toute façon, la résultante d’une politique cohérente capable d’accroître la croissance et de mettre surtout les forces productives dans une position où elles peuvent générer les richesses pour elles-mêmes et, ce faisant, élever le niveau de compétitivité général du pays à travers l’industrie. Une industrie qui, pour l’essentiel, est par terre, qui est dominée, comme vous le savez, par les intérêts français puisque l’essentiel des grosses industries de substitution, d’importation sont un legs du colonialisme. Les quelques industries qui appartiennent aux nationaux sont dans l’œil du cyclone car, n’arrivant même pas à tirer leur épingle du jeu. La croissance qui était, jusque-là, tirée par les industries-phares à savoir les Ics (Industries chimiques du Sénégal), la Sonatel, la Senelec qui ont toutes été privatisées, plus où moins malheureusement, ne tient plus à rien. Maintenant, qu’on veuille nous présenter le Sénégal comme ayant atteint une croissance de 6% participe d’une forfaiture. Si vous enlevez l’apport des industries françaises, celles des sociétés libanaises et chinoises à présent, qui sont comme un cancer dans les systèmes économiques du pays, vous vous rendez compte que la croissance peut légitimement être estimée aux alentours de 3%. Ce qui est absolument négligeable. Du point de la gouvernance, il y a eu des excès. Je vous rappelle, par exemple, pour le budget 2007-nous sommes en train de voter le budget 2008- qu’il y a des leçons à en tirer. Du point de vue du train de vie de l’Etat, nous sommes à 37 ministères, plus les branches exécutives : l’Assemblée, le Sénat, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat, la Cour des comptes, la Cour de cassation et la Primature. Lorsqu’on voit les dépenses, on se rend compte qu’avec les frais de missions, on en est à près de 7 milliards de francs Cfa. Le montant consolidé des cérémonies, des conférences et des séminaires s’élève à plus de 6 milliards de francs Cfa. Les dépenses en téléphone s’élèvent à plus de 7,4 milliards de francs Cfa. L’entretien et la maintenance du parc automobile s’élève à 17,9 milliards de francs Cfa. Les «autres dépenses», une catégorie absolument mythique, une sorte de panier à crabes dans lequel on met toutes sortes de dépenses, plus ou moins, non orthodoxes, s’élèvent à 98 milliards de francs Cfa par an ! A cela, vous ajoutez les dépenses de cabinet et les dépenses du personnel. Elles s’élèvent à près de 7,9 milliards de francs Cfa. Les dépenses de fonctionnement, elles, s’élèvent à plus de 11 milliards de francs Cfa. Donc, les charges ministérielles s’élèvent, au total, à 19,2 milliards de francs Cfa, alors que tout le monde sait que ces cabinets, ce sont essentiellement du personnel politique. Cela coûte au peuple sénégalais, une charge mensuelle de plus d’1,5 milliard pour ces cabinets ministériels. Par conséquent, la raison voudrait que ces cabinets ministériels, tous ces ministères affiliés, c’est-à-dire ces ministères masqués qui ne sont que des officines politiques, les «ministères-conseillers» devraient, immédiatement, être supprimés. Ces ministères ne devraient pas dépasser une dizaine au plus parce que, là où des puissances industrielles ont 15 ministères, il est tout à fait raisonnable de demander à un tout petit pays comme le Sénégal, à une petite économie comme celle de ce pays, de se contenter d’un petit nombre de Ministères qui regrouperaient l’essentiel des activités de production et de la demande sociale et qui seraient hautement centralisés, mais avec une très grande capacité de déconcentration de leurs activités et de leurs missions. Les dépenses de la présidence de la République sont extravagantes. C’est la première fois depuis le départ du président Senghor et du Président Diouf, qu’on atteint des dépenses aussi faramineuses dans le budget national. Sur l’ensemble du budget national, la présidence représente 50,9 milliards. Il paraîtrait que pour 2008, cela va monter à plus de 60 milliards de francs Cfa. C’est inacceptable ! Vous prenez de ce budget national, les dépenses consolidées que nous occasionnent la Cena (Commission électorale nationale autonome). Elle nous a coûté 2 milliards de francs Cfa. Que fait la Cena ? Où est le out put qui nécessite ces 2 milliards ? Il y a une nécessité d’auditer toutes ces institutions qui coûtent excessivement cher aux contribuables Sénégalais, qui contribuent à alourdir la facture et à accentuer les souffrances indicibles dans lesquelles évoluent les populations. L’Assemblée nationale nous coûte 9 milliards par an. Le Craes (Le Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales) vient d’être déconstruit et mis aux oubliettes par le président de la République sur des bases éminemment subjectives ; peut-être qu’il y d’autres raisons moins bien connues. Tout ceci montre au fond que ces institutions sont des institutions-liges, des institutions fantômes qui ne répondent à aucune forme de rationalité. Mais le Craes nous a coûté 3,2 milliards pour, au finish, être démantelé en l’espace de quelques mois. La Primature nous a coûté 39 milliards. A faire quoi ? La Primature qui est vouée aux gémonies avec une instabilité marquée. Au bout de huit ans, nous avons eu cinq Premiers ministres. C’est inacceptable dans un pays de droit qui se veut le champion de la démocratie. Il y a des dépenses de prestige qui sont inacceptables. Ce fonds de solidarité numérique dont parle le chef de l’Etat qui se pose en donneur de leçons et qui prend l’argent du contribuable sénégalais pour le mettre dans un fonds de solidarité totalement folklorique dans lequel, au surplus, il place un représentant de la droite française, M. Alain Madelin, pour défendre les intérêts de l’Afrique. C’est dommage. On a atteint le fond et il est urgent de revenir aux fondamentaux de l’Etat de droit. Permettez-moi de donner un dernier exemple ; celui du Ministère du Nepad qui, en carburant seulement, dépense 34,7 millions de francs Cfa. A quoi faire exactement ? Le Nepad qui est reconnu par le chef de l’Etat comme un cuisant échec. Où est le carburant que devrait dépenser le Nepad qui passe le plus clair de son temps à faire des rapports inutiles ? En cela, la communauté nationale, la société civile, les partis politiques, les syndicats ont parfaitement le droit de dire que le train de vie de l’Etat doit être réduit. J’ajoute que ce n’est pas en réduisant les salaires du président de la République, des ministres, etc. qu’on obtiendra un gain significatif sur les dérives. Absolument pas ! Il faut aller beaucoup plus moins en supprimant toutes ces ministères-là et les ramener à une dizaine au maximum.

C’est dans ce contexte que le débat Macky-Karim est agité avec en toile de fond la succession de Me Wade. Que vous inspire ce débat ?

Cette discussion montre au fond que les tensions qui ont toujours agité le Parti démocratique sénégalais depuis son ascension au pouvoir, ne connaîtront pas de sitôt leur épilogue ; du moins jusqu’à ce que son fondateur disparaisse de la scène politique nationale. Soit parce qu’il aurait démissionné, soit parce que d’autres événements l’auraient contraint à quitter le pouvoir. Mais dans tous les cas, l’âge avancé du chef de l’Etat qui, disons-le, est le chef de l’Etat le plus âgé du monde, est un facteur transcendant, quelles que soient les capacités dont il fait montre à vouloir travailler selon un rythme que tout le monde s’accorde à reconnaître être impressionnant pour son âge. Mais, il a des limites objectives. Ce sont des limites à la fois biologiques, intellectuelles et physiques. Le chef de l’Etat devrait prendre la mesure des choses et se garder d’imposer au Sénégal son fils qui est apparemment l’objet de toutes les tensions majeures que nous avons connues jusqu’ici. Lorsqu’il m’est arrivé, il y a quelques années, d’avoir discuté avec M. Idrissa Seck, il a nettement mis l’accent sur le fait que la tension entre lui et le chef de l’Etat était liée au fait que ce dernier voulait que son fils lui succède. Naturellement, cela n’agréerait pas la plupart des militants du Pds. Aujourd’hui, ce qui se passe, c’est qu’on a essayé d’instrumentaliser ce parti pour amener l’opinion publique et le pays à accepter que Karim Wade puisse succéder à son père.

D’abord, il y a eu de petites doses d’informations données au fur et mesure. Maintenant, vous avez vu que ça prend l’allure d’un véritable plébiscite parce qu’il ne se passe pas de jour sans que l’on ne cite le fils du chef de l’Etat dans la presse ou, en tout cas, dans les discussions publiques et même celles du cabinet de l’Etat. Le chef de l’Etat n’a pas démenti ces rumeurs. Au contraire, il lui a donné un satisfecit en disant qu’il a bien travaillé, alors qu’il est en train de gaspiller les deniers de l’Etat dans des dépenses absolument improductives et dont la qualité, au surplus, laisse à désirer. Deuxièmement, le fils du chef de l’Etat lui-même n’a jamais dit qu’il était contre le fait de se présenter pour succéder à son père. Tout ce voile de mystère savamment entretenu, laissant la place à des affidés ou à des seconds couteaux pour planter dans l’opinion publique l’idée que le fils du chef de l’Etat pourrait légitimement succéder à son père, participe d’une dérive extraordinaire. Une stratégie pourrait se dérouler au détour d’un remaniement de la Constitution ou par quelque autre artifice juridique ou politique. Mais, quelle que soit la situation, ce serait une chose totalement inacceptable. Et ceci pourrait marquer le départ non seulement d’une vive tension, mais probablement d’affrontements aux conséquences incalculables. Parce que je ne vois pas comment le pays dans son ensemble, les syndicats, les jeunes, surtout, qui ont une autre lecture de la démocratie, pourraient accepter un tel retournement de situation, qu’une telle manipulation de la Constitution puisse prendre place dans le Sénégal d’aujourd’hui.

 



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