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Politique

Entretien avec...Moustapha DIAKHATE, ancien coordonnateur de Wacook Alternance : ‘La Génération du concret est une entreprise de récupération et même de contrôle rampant du Pds’

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Entretien avec...Moustapha DIAKHATE, ancien coordonnateur de Wacook Alternance : ‘La Génération du concret est une entreprise de récupération et même de contrôle rampant du Pds’
Membre du Pds dont il constitue le ‘gardien des traditions’, Moustapha Diakhaté est connu pour son phrasé cru qui tranche d'avec la langue de bois ambiante. Dans cette première partie de l’entretien qu’il nous a accordé, l’ex-chargé de mission à la présidence de la République (poste qu’il a quitté pour des raisons de principe) ne prend pas de gants pour vitupérer contre trajectoire dans laquelle son parti s’est engagé depuis 7ans qu'il est au pouvoir. Avec les lunettes du médecin, il fait un diagnostic sans complaisance des maux dont souffre la formation libérale et dont il impute la responsabilité à Me Wade et à ses collaborateurs plus préoccupés par leurs propres ambitions de carrière. L’actualité aidant, Moustapha Diakhaté a livré ses commentaires sur le nouveau gouvernement, le départ de Macky Sall pour l’Assemblée nationale, etc. Le tout dans un langage dépouillé des traditionnelles clauses de style.

Wal Fadjri : Quelle lecture faites-vous du dernier remaniement ministériel ?

Moustapha Diakhaté : Ce remaniement m'inspire deux niveaux de réflexion. Il faut d'abord reconnaître que, depuis le début de l'alternance, à chaque fois qu'un Premier ministre est issu du Pds, ça entraîne des luttes de leadership, des querelles entre les responsables du parti. Cela a été le cas avec Idrissa Seck qui a été finalement limogé. Et lorsque Macky Sall est venu aussi, ces mêmes pratiques ont ressurgi. C'est pourquoi je pense que pour que le Premier ministre soit beaucoup plus concentré sur les activités gouvernementales, le président Wade a choisi de nommer un technocrate. La première lecture donc, c'est qu'il y a des défis économiques et financiers immenses que le pays doit relever : il y a le taux de croissance qui est en baisse, la dette intérieure est assez importante, la vie coûte excessivement cher parce que les prix montent et les revenus stagnent ou diminuent. Voilà autant de défis auxquels il faut faire face et, puisque Adjibou Soumaré est un technicien de l'économie et des finances, le président, peut-être, pense qu'en le mettant à la tête du gouvernement tout en maintenant Abdoulaye Diop au ministère des Finances, cela va augmenter l'efficacité gouvernementale pour la prise en charge des questions relatives au pouvoir d'achat, à la croissance, etc. L'autre lecture, c'est que nous sommes, qu'on le veuille ou non, dans une phase de lutte pour la succession d'Abdoulaye Wade. Il se peut que, en nommant un technocrate, le président mette tout le monde sur un même pied d'égalité. On peut aussi penser, puisqu'on soupçonne Wade de vouloir placer son fils sur orbite, qu'un Pm non politique encore moins du Pds peut faciliter la tâche. En tout cas, ma conviction est que, avec le choix d'Adjibou Soumaré, les luttes de leadership vont disparaître.

Wal Fadjri : Wade étant réputé avoir une forte prise sur ses Pm, ne craignez-vous pas que même technocrate, Adjibou Soumaré ne puisse avoir les coudées franches pour mener à bien sa mission ?

Moustapha Diakhaté : Il y a deux choses qui sont importantes à retenir. D'abord, nous sommes dans un régime présidentiel qui fait que c'est le président de la République qui définit la politique de la nation, qui nomme les ministres y compris le Premier ministre. A cela, maintenant s’ajoute au caractère d'Abdoulaye Wade. Effectivement, cela peut réduire la marge de manœuvre de l'actuel Premier ministre. Je ne connais pas Adjibou Soumaré mais j'ai entendu dire qu'il a une forte personnalité. L'essentiel, c'est qu'il comprenne ce que la Constitution lui donne comme prérogatives et qu'il veille à les garder tout en laissant au président de la République ce qui lui est dévolu. S'il arrive à réussir cet équilibre, il peut effectivement avoir de bons résultats. Parce que, en fait, Me Wade n'aime pas qu'on lui dispute son domaine de compétence.

Wal Fadjri : Vous parlez de forte personnalité, Moustapha Niasse et Idrissa Seck en avaient, paraît-il, mais on sait ce qu'il en est advenu. Est-ce que, finalement le caractère de la personne est important dans le cas d'espèce ?

Moustapha Diakhaté : Effectivement, on peut avoir des inquiétudes mais je crois que Moustapha et Idrissa ne sont pas partis parce que c'étaient de fortes personnalités. Pour ce qui est du cas de Niasse, manifestement c'est l'entourage d'alors du président de la République qui ne voulait plus de lui. Idrissa Seck aurait tout fait pour se séparer de Niasse parce que s'étant très tôt inscrit dans la logique de succession, il a pensé qu'en laissant Niasse accompagner Wade durant son septennat, cela allait conforter son leadership pour la succession du président. Concernant le cas d'Idrissa Seck, c'était autre chose. Lui, comme il le disait, son ambition était de devenir le numéro un et non rester le deuxième numéro un. Donc, il voulait récupérer le Pds, en plus de cela, s'affirmer comme le potentiel successeur d'Abdoulaye Wade. Mieux, il voulait que cette succession se passe dès 2007. En définitive, c'est pour des raisons politiques que Niasse et Idrissa ont quitté la primature et non par rapport à des prérogatives que la Constitution leur avait données et qu'ils voulaient affirmer. Contrairement à ces deux personnes, Adjibou Soumaré doit son poste à son profil de technocrate qui n'a pas d'ambition présidentielle.

Wal Fadjri : Pourtant, l'ex-Premier ministre Macky Sall avait toujours soutenu qu'il n'avait pas l'ambition de succéder à Wade. Lequel a même reconnu son bilan positif à la tête du gouvernement. Voilà qu'aujourd'hui...

Moustapha Diakhaté : (Il coupe). Pour moi, contrairement à ce que les gens pensent, Macky n'a pas été rétrogradé parce que dans le dispositif institutionnel du Sénégal, le Président de l'Assemblée nationale vient avant le Premier ministre, donc, du point de vue de la promotion personnelle, il a gagné du galon. Et à l'heure où nous parlons et, ce, jusqu'à l'installation prochaine du Sénat, c'est lui qui supplée le président de la République en cas de vacance du pouvoir. Même si le Sénat est réintroduit, il restera, au pire des cas, la troisième personnalité de l'Etat, ce qui n'est pas une mauvaise chose.

Wal Fadjri : Vous disiez que l'actuel Pm doit son poste à son profil de technocrate, c'était le même cas avec Mame Madior Boye. Est-ce que cela ne présage pas de futurs couacs dans la cohabitation ?

Moustapha Diakhaté : J'avoue que toutes les inquiétudes sont permises. En effet, Mame Madior Boye n'a jamais été un Premier ministre avec des ambitions affichées. Malgré tout, elle a été limogée au bout de quelques mois. Mais les contextes sont différents. Il faut se rappeler que Niasse et Mame Madior ont été Premier ministre au moment où Idrissa Seck était le plus proche collaborateur de Wade et avait, en même temps, l'ambition de lui succéder. Et naturellement, il ne voulait que personne ne lui fasse ombrage.

Wal Fadjri : Vous voulez dire que c'est Idrissa Seck qui a poussé ces deux ex-Pm à la sortie ?

Moustapha Diakhaté : Mame Madior Boye, nous n'en avons pas discuté mais Moustapha Niasse, lui, il me l'a dit personnellement. Et je suis catégorique ! C'est Niasse qui m'a dit que c'est Idrissa Seck qui a brouillé ses rapports avec Wade. Bien évidemment, il (Idrissa Seck) ne l’a pas fait tout seul, il l’a fait avec le consentement du président de la République. Pour ce qui est de Mame Madior Boye, je n’ai pas dit que c’était lui, Idrissa, qui l’avait poussée à la sortie mais que si Mme Boye restait là comme Premier ministre, cela pouvait être un obstacle à son ambition d’être le numéro un. Et je ne pense pas que Idrissa Seck l’ait suffisamment aidée à réaliser sa mission à la tête du gouvernement. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on soupçonne, aujourd’hui, le fils du président de vouloir succéder à son père. Il est possible que les difficultés qu’avait rencontrées Niasse et Mame Madior Boye, Adjibou Soumaré les rencontre. Rappelez-vous que, à la fin du mandat de Macky Sall, on avait déjà commencé à sentir des tirs groupés contre lui de la part des proches du fils du président. Ma conviction est que les mêmes personnes ne laisseront quiconque émerger en tant que leadership concurrentiel. C’est pourquoi, de mon point vue, si le président a nommé M. Soumaré pour relever les défis, c’est à lui de l’aider en lui donnant la plénitude de ses prérogatives mais également d’empêcher quelques attaques contre son Premier ministre. On ne peut accepter que pendant douze ans, le Sénégal soit installé dans des luttes fratricides de succession. Cela doit cesser ! Parce que les défis sont multiples : l’agriculture souffre ; le secteur industriel est en crise ; la vie est excessivement chère ; l’école sénégalaise n’est pas au bout de ses peines ; les défis institutionnels sont là ; les difficultés s’accumulent. Il est inadmissible de faire fi de ses préoccupations pour se lancer continuellement dans des débats futiles de succession. C’est Wade qui doit y mettre un terme.

Wal Fadjri : Pensez-vous que ce dernier en a la volonté ?

Moustapha Diakhaté : En tout cas, il en a l’impérieux devoir. Il est vrai que sa déclaration selon laquelle il n’a pas de dauphin jure d’avec les actes que posent ses proches et peut amener à douter de sa volonté de régler définitivement ce problème.

Wal Fadjri : Comment comprenez-vous que Me Wade, tout en reconnaissant les qualités de son ex-Premier ministre, le relègue au rang de troisième personnalité de l’Etat. N’est-ce pas une manière de l’écarter de sa succession ?

Moustapha Diakhaté : C’est vrai que l’adage dit qu’on ne change pas un cheval qui gagne, mais la Constitution du Sénégal est extrêmement claire là-dessus. Celle-ci dispose que le président de la République nomme le Pm de son choix. Wade a estimé, en ce moment-ci, qu’il y a des défis à relever avec un autre Sénégalais. Sous ce rapport, je n’ai pas de problème. Mais, si je devais choisir, Macky Sall allait rester parce qu’il a fait du bon travail. Maintenant, le président est libre de nommer qui il veut mais. De toutes les façons, les Premiers ministres ne sont pas nommés pour hériter du fauteuil présidentiel. Le cas d’Abdou Diouf était particulier et ne va plus se répéter au Sénégal dans les années à venir.

Wal Fadjri : N’y a-t-il pas anguille sous roche dès lors que Macky Sall a été relevé alors que le reste de son gouvernement a quasiment été maintenu ?

Moustapha Diakhaté : Voilà la vraie question. Ce gouvernement m’a particulièrement déçu dans ce sens. Quand j’ai entendu le nom d’Adjibou Soumaré, j’ai dit : ‘enfin le président Wade a compris le message du 25 février et du 3 juin !’ Parce que, je le crois, Abdoulaye Wade n’a pas été plébiscité. Il y a eu deux raisons qui ont conduit à son élection. La première, c’est que, il n’y avait pas mieux en face de lui. La deuxième, c’est qu’il avait engagé des travaux et les Sénégalais ont voulu qu’il les termine. Donc, le second mandat de Wade, c’est un mandat de parachèvement de ses grands travaux. En nommant un technicien, j’avais pensé qu’il avait compris le message des Sénégalais. Par conséquent, il allait prendre des mesures d’accompagnement en mettant en place un gouvernement de technocrates. Hélas, les mêmes ont été reconduits et, pire, le nombre de ministres a augmenté. On a là un gouvernement de Macky sans Macky. J’avoue que je suis déçu comme beaucoup de Sénégalais.

Wal Fadjri : Que pensez-vous de la prestation de serment des ministres devant le président Wade ?

Moustapha Diakhaté : Cette prestation de serment est, pour moi, illégale parce que dans la Constitution du Sénégal, je n’ai pas vu une disposition qui l’exige. Maintenant, dans nos traditions africaines et je crois que le sociologue Malick Ndiaye en a fait une analyse assez intéressante. Effectivement, l’armée, les gouvernants juraient devant les rois de relever les défis qui leur sont confiés. Sous ce rapport, on peut le comprendre. Toutefois, les actions du président de la République sont encadrées par la Constitution. Autrement dit, tout ce que celle-ci ne dit pas, il ne doit pas le faire. S’il veut que les ministres prêtent serment, il n’a qu’à introduire une nouvelle loi qui l’exige. Donc, ce qui s’est passé l’autre jour au palais est illégal. Autre chose, il ne suffit pas de faire jurer des gens pour qu’ils gardent des secrets d’Etat. Il est vrai que, depuis quelques années, toutes les délibérations du gouvernement sont dans la rue mais il est, de mon point de vue, possible d’y remédier sans passer par le serment. Le problème fondamental est que l’enquête de moralité qui doit présider à la nomination à un poste de responsabilité n’est pas sérieusement prise en compte. C’est ce qui est grave. On a beau jurer de garder les secrets d’Etat mais tant que la moralité de certains ministres laisse à désirer, on notera toujours de la pagaille. Tout est dans le comportement de l’individu.

Wal Fadjri : Eu égard aux termes de ce serment selon lesquels les ministres jurent fidélité, dévouement et loyauté au président de la République, ne craignez-vous pas une tendance monarchique au Sénégal sous Wade ?

Moustapha Diakhaté : Pour moi, dès lors que le ministre est payé à partir de l’argent du contribuable, il doit être dévoué, loyal et fidèle vis-à-vis de la République et non d’une personne, fut-elle celle qui incarne les institutions de la République. C’est pourquoi, je considère que le serment prêté par les ministres, est un acte d’allégeance au président de la République et c’est inquiétant.

Wal Fadjri : A peine un gouvernement est-il nommé, on assiste à un mini remaniement au niveau de la direction du Cabinet du président de la République. Quelle lecture faites-vous de ce que d’aucuns appellent un énième cafouillage du régime actuel ?

Moustapha Diakhaté : Cela confirme ce que je disais auparavant, à savoir qu’il y a une légèreté dans le choix des membres du gouvernement et des collaborateurs du président. Deux mois même avant son choix, je pense que le président devrait avoir une idée, non seulement de l’intégrité morale de la personne visée mais aussi de son profil. On a l’impression que c’est à la dernière minute que la personne choisie a été appelée pour être proposée dans le gouvernement ou dans le cabinet du président. Ça renseigne sur la légèreté avec laquelle ce pays est gouverné. Une république est une affaire sérieuse, tout doit être fait avec rigueur et minutie. Cela étant, j’ai quand même un problème avec les textes qui veulent qu’on exige d’un ministre ou d’un membre du cabinet présidentiel un tel profil alors qu’on ne le fait pas avec le président de la République. Pourquoi exiger un Bac+4 à un directeur de cabinet alors qu’on n’exige rien d’un président de la République sinon d’avoir 35 ans. C’est de l’euphémisme que de le dire mais la charge du président de la République est quand-même beaucoup plus importante que celle d’un directeur de cabinet. A mon avis, ces textes ont été rédigés par des sortants de l’Ena, d’où une sorte de lobbying administratif pour s’emparer de certains postes. Voyez la plupart de ces postes ! On y trouve des administrateurs civils, des énarques. Or, un gouvernement est un espace éminemment politique : on n’y est pas parce qu’on est technicien, mais parce qu’on fait de la politique. Je pense qu’il y a des choses à revoir à ce niveau. Il faut arrêter avec ces histoires de hiérarchie. Rappelez-vous que l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck qui était directeur de cabinet du Président de la République, il n’était ni de la hiérarchie A, encore moins de la hiérarchie B.

Wal Fadjri : Il avait, pourtant, un bac+4, dit-on…

Moustapha Diakhaté : Pas du tout ! Ce sont des histoires. Il ne peut pas vous démontrer qu’il a un Bac+4. A Sciences Po, il n’a reçu aucun diplôme. Aux Etats-Unis, on octroie des certificats. Là-bas, il n’y a ni hiérarchie A, ni hiérarchie B. Pourtant, il a été directeur de cabinet du président de la République. Mais, les gens n’avaient rien dit.

Wal Fadjri : N’est-ce pas alors paradoxal que ce soit lui qui exigeait les Cv à l’époque ?

Moustapha Diakhaté : Justement c’est ce qui avait mis à nu le fait qu’il n’en avait pas. Quand il a dit qu’il faut que les gens montrent leur Cv, on le lui a demandé mais dans le sien il n’y avait que trois mentions : le Coran, Sciences Po, Princeton. Mais ça, ce ne sont pas des diplômes. Il est allé dans ces écoles mais il n’en est pas sorti avec des diplômes.

Wal Fadjri : Revenons à Macky Sall. Comment appréciez-vous l’incident ayant marqué son retour au palais, avec les gendarmes, quelques heures seulement après avoir démissionné de son poste de Premier ministre ?

Moustapha Diakhaté : Un ancien Premier ministre est une personnalité, on lui doit du respect surtout un Premier ministre qui a fait des résultats et qui a été, jusqu’au bout, loyal au président de la République. Macky Sall n’est pas parti de la primature parce qu’il a voulu faire un putch contre le président ou installer une dualité dans ce pays. Il est parti parce que Wade l’a voulu. Macky n’a commis aucune faute par rapport à sa mission primatoriale, donc, on lui doit du respect et des égards. Seulement, j’ai un problème par rapport à cela. Je ne crois pas que cela soit possible. Je suis même en train de mener ma petite enquête. Il faut, simplement, faire remarquer que l’incident, si incident il y a, a eu lieu entre le moment où Macky Sall n’était plus Premier ministre et pas encore Président de l’Assemblée nationale. Ce n’est pas pour dédouaner qui que ce soit mais je peux comprendre que, à ce moment précis, il passe par les portiques et détecteurs de métaux. Mais, je ne crois pas à une fouille corporelle.

Wal Fadjri : Avec son nouveau statut à l’Assemblée nationale, êtes-vous d’avis que Macky Sall est exclu du cercle des héritiers de Me Wade ?

Moustapha Diakhaté : Ça dépend. Si l’héritage de Wade se transmet de manière démocratique, Macky n’est pas écarté. Maintenant si ça se passe par des voies détournées, là c’est un autre débat. Vous savez que c’est depuis 2000 que j’ai attiré l’attention des responsables du Pds sur la gestion personnelle du parti par le président de la République. Je n’ai jamais eu le soutien de Macky Sall. D’ailleurs, il m’a même combattu parce qu’il pensait que ce qu’il avait, je le contestais. Ce n’était pas ça. Moi, mon problème, c’est que la dévolution des pouvoirs et des responsabilités doit émaner des militants et non du Secrétaire général national. Parce que le jour où les gens, pour avoir des promotions, dépendent exclusivement du Secrétaire général, et que ce dernier peut les en priver, il n’auront pas où contester. Pour en revenir à Macky Sall, je pense qu’il n’a pas beaucoup perdu parce que, en allant à l’Assemblée nationale, il a les moyens d’entretenir ses réseaux sauf que si c’est de manière détournée que la transmission du pouvoir se fait.

Wal Fadjri : Etes-vous de ceux qui pensent que Me Wade ne va pas terminer son mandat ?

Moustapha Diakhaté : Personnellement, je crois même qu’il sera candidat à la présidentielle de 2012 s’il a la santé.

Wal Fadjri : Pourquoi ?

Moustapha Diakhaté : Je ne le vois pas, moi, à la retraite.

Wal Fadjri : De quels éléments disposez-vous pour le dire ?

Moustapha Diakhaté : Euh…Je pense que s’il pouvait disposer, quand même, de funérailles d’un ancien président de la République, il en serait content. Souvent, il dit ‘oui, je suis fatigué’ mais mon sentiment est qu’il n’ira pas à la retraite. Donc, en 2012, s’il a la capacité de se représenter, il le fera.

Wal Fadjri : Mais en 2012, il aura deux mandats et la Constitution…

Moustapha Diakhaté : (Il coupe). Mais la nouvelle Constitution ne tient pas compte du premier mandat d’Abdoulaye Wade. Donc, il peut bien se représenter une deuxième fois.

Wal Fadjri : Si on fait du droit comparé, après la modification de la Constitution française, Jacques Chirac n’a fait qu’un mandat et il est parti alors que rien ne l’y obligeait…

Moustapha Diakhaté : En France, le nombre de mandats du président de la République n’est pas limité. C’est la tradition qui veut que le chef de l’Etat ne fasse pas plus de deux mandats. Maintenant, Sakozy dit qu’il veut mettre ça dans la Constitution pour que les choses soient claires, comme c’est le cas aux Etats-Unis. Abdoulaye Wade, lui, sauf sa santé, il n’y a rien qui s’oppose à lui.

Wal Fadjri : Quelle devrait être, selon vous, l’attitude de Wade vis-à-vis de la ‘Génération du concret’ ?

Moustapha Diakhaté : Le président Wade devrait se préoccuper des vrais enjeux du pays et non laisser s’installer des débats puérils du genre ‘Génération du concret’. Et pour ce qui est de ce nouveau slogan, rappelez-vous que quand Idrissa Seck a montré des ambitions pour récupérer le Pds, Wade l’a arrêté net. Alors qu’il est clair, aujourd’hui, que la ‘Génération du concret’ est une entreprise de récupération et même de contrôle rampant du Pds, je crois qu’il a là l’occasion de se signaler de nouveau en sifflant la fin de la récréation. S’il y a dans son entourage des gens qui veulent l’aider politiquement, c’est-à-dire au renouvellement de son parti et de son fonctionnement, il n’y a pas de problème. Mais quant à créer une structure parallèle pour parasiter le Pds et récupérer de manière éhontée des réalisations de l’Etat du Sénégal pour un compte personnel, cela est inadmissible. Le message du 25 juin qui montre que la majorité des Sénégalais faisait confiance au président Wade et qu’au 3 juin dernier, ces Sénégalais-là disent qu’ils ne lui font pas confiance, ce double message doit être retenu. Wade a la lourde tâche de tout faire pour que le Pds soit réconcilié avec les Sénégalais mais aussi faire de sorte que toutes les institutions fonctionnent correctement et se concentrent sur les vrais défis.

Wal Fadjri : Est-ce que le problème du Pds, ce n’est pas moins Wade que ses responsables qui, quasiment, déifient plus celui-ci qu’ils ne le considèrent comme leur camarade de parti ?

Moustapha Diakhaté : (Rires). Il n’est pas une bonne chose de critiquer. Quand on critique, on est marginalisé. Il y a des gens qui préfèrent leur carrière, leur promotion politique et accéder aux crédits bancaires à leur dignité d’homme. Tout cela, je pense que c’est Abdoulaye Wade qui en est responsable en ce sens que lorsque des collaborateurs ont peur de dire la vérité à un chef, ce n’est plus de la collaboration, c’est de l’allégeance.

Wal Fadjri : Pensez-vous que le Pds va survivre à Wade ?

Moustapha Diakhaté : Le Pds n’a même pas attendu l’après-Wade pour mourir. La fameuse refondation dont on parle est une entreprise illégale de liquidation du parti démocratique sénégalais. J’ai lu dans un journal, Abdou Fall dire ‘oui, nous allons confectionner de nouvelles cartes, rédiger de nouveaux statuts et règlements intérieurs, construire de nouvelles permanences dans les régions et les départements’. C’est cela la refondation ? Moi, j’appelle ça la liquidation pure et simple du Pds. Déjà l’acte de mort est engagé et c’est un acte illégal. Pour modifier la couleur du parti, le nom du parti, seul le congrès est habilité à le faire. Or, aujourd’hui, ce sont quatre personnes qui sont choisies pour mener un tel travail. C’est grave ! Je ne suis pas hostile à la refondation parce que, de mon point de vue, le Pds historique est mort depuis le 19 mars 2000, mais cela doit se faire dans le respect des dispositions statutaires et réglementaires du parti. C’est une solution de facilité que de chercher à sortir d’une difficulté, à savoir le combat entre le Pds ‘canal historique’ et le Pds ‘canal transhumants’. C’est ça, en définitive, ce qu’ils veulent. Ce que nous devons faire, c’est instaurer des débats populaires dans toutes les fédérations, sections et sous-sections du Pds pour diagnostiquer le parti, identifier ses forces et ses faiblesses et se poser la question de savoir pourquoi le Pds ne rassure plus les Sénégalais. C’est l’ensemble de ces questions qui doit fonder la nécessité de refonder le parti et non la seule volonté de Me Abdoulaye Wade pour, soit mettre fin à ces querelles entre historiques et nouveaux, soit absorber les autres partis qui sont à la périphérie du Pds. C’est manquer d’ambition, à mon avis. La refondation oui, mais cette refondation doit être le renouvellement de nos idées parce que nous avons un programme fondamental qui date de 1976. Il faut aussi réadapter l’organisation et le fonctionnement du parti par rapport à cette nouvelle citoyenneté qui est en gestation dans ce pays. Je crois qu’il faut aller dans ce sens-là plutôt que de dire qu’on va refonder parce qu’on a de nouvelles cartes, un nouveau sigle, de nouvelles permanences, etc.

Wal Fadjri : L’on vous entend très souvent dénoncer des actes au sein de votre parti. Apparemment, vous n’y êtes pas à l’aise. Qu’est-ce qui vous empêchez alors de démissionner ?

Moustapha Diakhaté : Eh bien, vous savez bien qu’on ne choisit pas son pays de naissance. Moi, j’ai eu la chance d’avoir choisi le Pds, pour une raison. Lorsque je quittais le Rnd de Cheikh Anta Diop pour venir au Pds, pour moi, ce parti était plus opérationnel pour bouter le Ps hors du pouvoir. Je crois que l’histoire m’a donné raison. Je continue à penser que Wade est, quand même, une chance pour le Sénégal. Compte tenu de son expérience, de son âge et de sa vaste culture, il pouvait, effectivement, propulser ce pays vers un autre et meilleur ailleurs. Je suis désolé, sur certaines questions, je reste sur ma faim. Maintenant, pourquoi je ne quitte pas le Pds ? C’est parce que je ne crois pas à la capitulation. Le parti, s’il n’est pas géré de manière conforme aux statuts et règlements, je reste à l’intérieur et je dénonce. Mais le jour où j’aurai conscience de n’être plus utile aux Sénégalais en restant au Pds, je ne dirai pas au revoir.



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