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Politique

ENTRETIEN AVEC… TALLA SYLLA, leader du Jëf-Jël : «L’Etat sénégalais est devenu une famille-Etat»

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ENTRETIEN AVEC… TALLA SYLLA, leader du Jëf-Jël : «L’Etat sénégalais est devenu une famille-Etat»

Talla Sylla, le leader de l’Alliance Jëf-Jël avait signé, dimanche dernier, un retour fracassant sur la scène politique nationale, après quelques mois d’hibernation. Il est revenu avec comme arme la résistance active mais pacifique pour faire face à ce qu’il appelle le coup d’Etat permanent que commet le régime actuel, selon ses propres intérêts, des intérêts familiaux confondus à ceux de l’Etat. Talla Sylla fustige avec véhémence la prorogation illégale du mandat des députés, l’instrumentalisation de la Justice sur des dossiers comme dans celui des Chantiers de Thiès. Talla Sylla a concocté un nouveau Plan, le Plan Njacaar, pour contrecarrer celui de Ndiombor, faisant ainsi allusion au sobriquet collé au Président Wade. Ce plan prendra forme à partir du 16 juillet, par la mobilisation de 120 Volontaires pour la réhabilitation de la souveraineté nationale, qui vont sillonner tout le pays.

Dans votre discours, quand vous signiez votre rentrée sur la scène politique après plusieurs mois d’absence, vous avez évoqué les multiples scandales financiers qui sont restés impunis, et par rapport auxquels vous opposez le plan Njacaar (traduire par futé en français : Ndlr). Est-ce que vraiment ces scandales sont restés impunis ?

Quand au début de l’alternance, nous avions constaté une utilisation partisane des audits, nous avions déjà tiré la sonnette d’alarme, en disant : «Attention, le Pds est en train de devenir une blanchisserie !» Il y a un peu plus d’une année, avec l’affaire Idrissa Seck, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait vraiment eu une utilisation de l’appareil d’Etat, une «instrumentalisation» également de l’Assemblée nationale et de la Justice, pour régler des comptes politiciens. Rappelez-vous, le président de la République était monté au créneau au Cices. Le Premier ministre, entouré de ministres, avait réussi à rassembler le corps diplomatique, la société civile, à l’hôtel Méridien, pour, semble-t-il, donner des preuves irréfutables de ce que l’on appelait à l’époque, l’affaire des Chantiers de Thiès. A la fin, à quoi a-t-on assisté ? Au dégonflement du ballon. A la naissance de la souris qui devenait enfant de l’éléphant. Cela est inacceptable ! On est allé jusqu’à recevoir des informations faisant état du fait que c’est le président de la République, lui-même, qui avait pris l’initiative pour négocier avec celui qui était embastillé à Reubeuss. Or, il négocie avec quelqu’un accusé d’avoir détourné des milliards appartenant au peuple sénégalais qui vit, aujourd’hui, dans des difficultés. Cela pose problème. Cela veut dire, quand on est en difficulté politique, on emprisonne un adversaire sous n’importe quel prétexte, comme on s’apprête certainement à le faire avec Tanor Dieng. Mais, on le libère, quand la situation politique n’est pas favorable ou quand on estime qu’il y a possibilité de faire des deals. Cela fait partie des faits choquants qui font que les citoyens sénégalais ont tourné le dos à Wade et aux manœuvres de son entourage.

Aujourd’hui encore, on parle de possibilités de négociation alors qu’il y avait l’affaire de l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Vous, avec le recul, comment vous analysez tout cela ?

La vérité est que c’est une affaire politique. Quand, au début, sur l’affaire dite des Chantiers de Thiès, Idrissa Seck avait été placé en garde-à-vue, le Jëf-Jël ne s’était pas prononcé parce que nous nous sommes toujours dit qu’il faut clarifier cette affaire. Mais, par la suite, quand les gens du pouvoir ont sorti le prétexte de l’atteinte à la sûreté de l’Etat, nous nous sommes dit que les Sénégalais étaient manipulés. Et cela, nous, on avait décidé de ne pas l’accepter. Nous avons pris le problème à bras le corps et nous nous sommes mobilisés. Nous avons organisé des meetings, des conférences à l’extérieur du pays, un peu partout. Nous avons parlé aux citoyens pour dire simplement que l’Etat sénégalais a cessé d’être l’Etat des Sénégalais. L’Etat sénégalais n’est même plus simplement un parti-Etat, mais il est devenu un homme-Etat, une famille-Etat. Et cela fait partie des dérives essentielles qui menacent notre pays. Il m’avait été donné l’occasion de dire, à travers une lettre ouverte en 2002, à Wade : «Des affaires juteuses en tout genre, sont traitées et conclues dans la plus grande opacité, permettant ainsi à des membres de votre entourage de puiser des deux mains et en toute impunité dans le cous-coussier national. Une nouvelle mafia s’est installée. Elle ressemble comme son clone, mais en plus avide, à celle que vous prétendiez combattre et que vous vouliez poursuivre hier en justice.» Mais, le plus important, c’était d’identifier cette mafia-là et la mettre hors d’état de nuire ; apparemment, ce n’est pas le cas. On est bleu, on est blanchi ; on ne l’est pas, on est noirci. Et vraiment ce n’était pas ce pourquoi le peuple sénégalais avait voté pour l’alternance.

Sur l’affaire dite des Chantiers de Thiès portant sur 20 milliards, il a fallu un temps-record pour mettre sur pied une Commission d’instruction, pour violer la Constitution et inculper Idrissa Seck. Quand j’étais à l’Assemblée nationale, à une plénière, j’avais proposé la mise sur pied d’une Commission d’enquête parlementaire portant sur l’état des finances publiques au moment de la passation de service entre Diouf et Wade. Après ma proposition, les gens du pouvoir avaient encadré ma proposition pour dire qu’il faut étendre l’enquête à deux ans avant et deux ans après. Et pourtant, cela portait sur des sommes dix fois plus élevées que celles des Chantiers de Thiès. A aucun moment, il n’y a eu une enquête parlementaire sur cette question. Or, il s’agit des mêmes députés et des mêmes deniers publics. Cela veut dire que c’est le gouvernement qui actionne. Les députés fonctionnent comme des députés de Wade et non en tant que représentants du peuple sénégalais.

Que vous inspire comme analyse le fait de brandir à nouveau le dossier des Accords de pêche à propos duquel on parle de la convocation de Tanor Dieng et Habib Thiam ?

En tant que Républicain, du point de vue du principe, il est normal, quand il y a un dossier parlant de délit ou de crime, que la Justice s’en saisisse et aille jusqu’au bout. Mais, dans cette affaire précise, nous avons l’impression qu’il y a eu, encore une fois, instrumentalisation de la Justice. Depuis le début de l’alternance, cette affaire avait été soulevée et avait, entre temps, été rangée dans les tiroirs. Qu’on ressorte cela à la veille des élections est plus suspect. Maintenant, nous ne cherchons à couvrir personne, qui soit au pouvoir ou dans l’opposition. Les deniers publics doivent être gérés toujours de façon transparente. Ceux qui sont porteurs de charges publiques doivent respecter ce qui leur est confié, mais à l’heure actuelle, il nous faut quand même constater que nous sommes dans une situation assez spéciale. Jamais, ils ne pourront, même si les faits étaient avérés, traîner Tanor Dieng devant la Haute cour de justice. Simplement parce que pour y être traîné, il faut avoir été accusé par l’Assemblée nationale. Or, celle-ci n’existe plus depuis le 30 juin 2006 au Sénégal. Maintenant, Tanor Dieng et ses amis vont en tirer toutes les conséquences pour ne pas vraiment assister à une éventuelle mascarade. Nous les invitons à se saisir de cette situation pour se dresser avec tous les patriotes de ce pays et faire face justement à ce coup d’Etat permanent qui est en train de se dérouler, nous imposer sa propre logique. C’est de la diversion et personne ne pourra nous déconcentrer par rapport à nos objectifs.

Vous avez, par réaction à ce que vous appelez coup d’Etat permanent, dressé un ensemble de stratégies. Où en êtes-vous précisément ?

Nous avons invité les Sénégalais où qu’ils puissent se trouver à signer une pétition d’abord sur le site www.respecterlesenegal.com, mais également sur support papier que nous allons distribuer partout dans le pays, pour amener le citoyen sénégalais à dire à ceux qui sont restés à l’Assemblée nationale qu’ils n’y sont pas à leur nom. Nous avons créé un corps de Volontaires pour la réhabilitation du peuple et 120 parmi ces volontaires vont descendre sur le terrain, organiser une marche à partir du 16 juillet pour faire le tour du pays. Bon, maintenant cette marche s’organisera d’une certaine manière, que cela soit en temps de pluies ou autres, car nous savons que nous allons vers l’hivernage. Nous descendrons sur le terrain. Nous irons vers les paysans, vers les populations sénégalaises, aux confins du Sénégal, pour voir avec les populations comment recueillir les avis des uns et des autres et ensuite voir comment signer la pétition et aller dans le sens de préparer l’assaut vers les fossoyeurs de la démocratie sénégalaise.

Mais concrètement par rapport à cette stratégie que vous êtes en train de déployer, où est-ce que vous en êtes actuellement, du point de vue du travail ?

Nous avons déjà commencé la phase de la mise en œuvre. Nous avons quand même donné des mots d’ordre. Il faudra une résistance, pas passive, mais une résistance active, pacifique, légale, qui s’appuie sur les principes de la démocratie et de la République, sur les comportements et les principes républicains. Une résistance qui écartera tout ce qui sera illégal, mais refusera également de subir tout ce qui sera illégal. C’est ce que j’appelle Rap (Résistance active et pacifique)

Est-ce cela qui justifie la mise en place de ce que vous appelez Volontaires pour la réhabilitation de la souveraineté du peuple ? Est-ce que vraiment la souveraineté du peuple a été extorquée pour parler de réhabilitation ?

On a l’impression maintenant que la République n’appartient qu’aux partis politiques. Et au sein des partis, on a l’impression que la République n’appartient qu’aux seuls dirigeants de ce pays, ceux qui sont à la tête de l’Etat par la grâce du suffrage universel. Le peuple a exprimé sa volonté, le 19 mars 2000, d’aller dans le sens d’un changement profond, réel, salutaire, mais cette volonté a été confisquée au service d’ambitions qui n’ont rien à voir avec les préoccupations exprimées par les citoyens de ce pays. L’autre élément est que, quand il a fallu, en un moment donné, discuter, débattre, échanger sur la possibilité de reporter les élections ou pas, nous avions attiré l’attention sur le fait que le problème essentiel n’était pas le report, mais les conséquences du report, notamment la prorogation du mandat des députés. Et l’on ne pouvait le faire qu’en retournant au peuple par référendum. En refusant de passer par le peuple pour proroger le mandat des députés, il y a eu là une forfaiture. Les députés ont été élus pour représenter le peuple sénégalais, pour voter la loi qui, il faut le préciser, a un domaine et ne peut concerner tout et n’importe quoi. Au niveau de la Constitution, il y a l’article 67 qui dispose, très clairement, que la loi concerne les droits civiques, les garanties fondamentales accordées aux citoyens, le statut de l’opposition, la nationalité, la détermination des crimes et délits, l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement de toute nature. Elle concerne aussi le régime électoral, les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires, civils et militaires, les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriétés du secteur public ou privé. La loi détermine les principes fondamentaux de l’organisation générale de la défense, de la libre administration des Collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, de l’enseignement, du régime des propriétés, du régime de rémunération des agents de l’Etat. Alors, on ne peut pas concevoir une loi qui permette aux députés de prendre la place du peuple. L’article 3 de la Constitution dit très clairement que la souveraineté appartient au peuple. Maintenant, aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de cette souveraineté. Mais, nous avons vu par un certain nombre de décisions qui ont été prises à la place du peuple que justement ce dernier a perdu sa souveraineté. Il s’agit alors de s’organiser, de veiller, par des initiatives fortes, à réhabiliter cette souveraineté du peuple.

La prorogation du mandat des députés apparaît, pour vous, comme un coup d’Etat. Vous reprochez à une certaine opposition de l’avoir cautionnée. Pourquoi vous considérez que celle qui a choisi de rester à l’Assemblée nationale participe à ce coup d’Etat ?

Quand le Pds et ses souteneurs avaient décidé de voter cette loi, ces dits députés de l’opposition avaient décidé purement et simplement, et de manière tout à fait héroïque, de boycotter la séance. Deuxième acte : ces mêmes députés avaient pris la décision d’attaquer, avec force arguments, cette loi devant le Conseil constitutionnel qui, au final, s’était déclaré incompétent. Enfin, troisième acte, quand il s’était agi maintenant de faire preuve de cohérence, de respecter le pacte moral et républicain avec le peuple, ces mêmes députés décident de siéger à côté de ces gens-là qui avaient opéré le coup d’Etat. C’est là qu’il y a un problème. Il y a le Pds et ses souteneurs, mais si les députés dits de l’opposition restent à l’Assemblée nationale, ils deviennent des collabos, donc complices de ce coup d’Etat. C’est pourquoi nous avons très clairement dit que rester, c’est prêter main-forte au Pds, être son complice. Et le peuple s’en souviendra. Donc je ne peux que lancer un appel pour que les uns et les autres comprennent qu’aujourd’hui le terrain de la bataille n’est plus l’Hémicycle parce qu’il n’y a plus ni légalité ni légitimité.

Mais, il y a quand même trois arguments sur lesquels s’adosse l’opposition : la loi a été votée à l’Assemblée ; si les députés de l’opposition quittent, ils seront remplacés par ceux du Pds et ensuite ce sera une période durant laquelle le parti au pouvoir et ses souteneurs auront les coudées franches pour voter n’importe quelle loi…

Je vous ai dit en faisant référence aux articles 67 et 3 de la Constitution que les députés qui sont à l’Assemblée nationale n’ont pas la prérogative de proroger leur mandat. Cela risque d’être un précédent dangereux. Ils font souvent référence à ce qui s’était passé en 95 concernant le report des élections locales. Mais, même dans cette affaire -que je n’avais pas partagée à l’époque- ce n’était pas les élus locaux qui s’étaient réunis pour proroger leur propre mandat. C’était quand même des instances, qui leur étaient plus ou moins supérieures, qui avaient pris la décision. Mais, on ne peut pas comprendre que des élus qui détiennent leur mandat du suffrage des électeurs sénégalais en arrivent à décider, au terme d’un mandat de cinq ans, de proroger leur propre mandat. C’est dessaisir le peuple ; or, on ne peut pas dessaisir le peuple sur ces mêmes questions.

Maintenant, concernant la démission, personne n’a besoin de démissionner. Au début, on entendait d’autres arguments ; on nous disait : «Oui, on ne peut pas se prononcer parce que le mandat est personnel.» Au terme des dispositions de la Constitution, tout mandat impératif est nul ; donc, on laisse les députés décider. A la fin, on a vu que les partis qui le soutenaient ont eux-mêmes décidé à la place des députés. Le mandat, effectivement, n’est pas impératif, mais tant qu’il y a mandat ! C’était valable jusqu’au 30 juin 2006. mais, à partir de cette date, il n’y a plus de mandat, de députés, de président de l’Assemblée nationale. La lettre de démission est adressée au président de l’Assemblée nationale qui en donne connaissance à la plénière ; mais ce président de l’Assemblée nationale n’existe plus. Je sais comment il faut démissionner. Quand, il m’a fallu démissionner en décembre 2001, j’avais écrit une lettre parce que démissionner c’est accepter que la structure est là, elle continue et on décide de s’arrêter. Cependant, dans cette affaire, il n’y a plus de structure ; il n’y a plus rien, plus d’Assemblée nationale. De ce point de vue, on n’a pas besoin vraiment d’écrire une lettre de démission pour se faire remplacer. Tant qu’il n’y a pas de lettre de démission, on ne peut pas être remplacé, même dans leur propre logique à eux, les tenants du pouvoir. Maintenant, il ne s’agit pas d’arrêter de siéger, de croiser les bras, de les laisser de siéger à l’Assemblée nationale décider de modifier la Constitution, de voter des lois, de peser sur le processus électoral, en tenant compte de leurs intérêts personnels. Il s’agit de sortir de cet Hémicycle qui n’est plus le lieu du combat et de se rassembler, comme on avait promis de le faire, au cours du meeting du 17 décembre au Jet d’Eau. Il s’agit de se retrouver sur le terrain du peuple, de se rassembler, de s’unir. Il faut rassembler les Sénégalais d’abord autour de la pétition pour rendre légitime tout ce que l’on pourrait faire demain. Il s’agit de créer les conditions d’une ingérence de la Cedeao et de l’Union africaine en leur montrant qu’il ne faut pas accepter un poids deux mesures. Il y a eu ce qui s’est passé au Togo, en Côte d’Ivoire où, à la rigueur, un report des élections se justifiait et où l’on a été amené à imposer au Président ivoirien, un groupe de travail international, un Premier ministre qui gère pratiquement tout le processus électoral. S’il y a report des élections au Sénégal et prorogation du mandat des députés, il faut que les gens se réunissent pour voir comment gérer cette période de transition, parce qu’il y a un vide. Faut-il aller vers une constituante, une structure qui regrouperait les organisations politiques, de la société civile ? Il faut essayer de réfléchir, mais il faut savoir que d’ici les prochaines élections, personne n’a la prérogative de décider sur certaines questions. Nous avions, nous-mêmes, réfléchi à un cas de figure, mais on savait qu’il n’allait pas se réaliser. Si l’ensemble des députés avaient montré la volonté de quitter l’Hémicycle le 30 juin 2006, nous avions préparé une lettre pour proposer à l’Assemblée nationale de se réunir avant le 30 juin et de voter une loi d’habilitation au président de la République sur certaines questions précises et en écartant la question électorale qui doit être gérée de manière consensuelle. Il est possible, avec l’appui de la Communauté internationale, notamment de la Cedeao et de l’Union africaine, de créer les conditions pour qu’il y ait une table ronde dans ce pays, où les gens vont se regrouper pour réfléchir sur le processus électoral, parce qu’il y a beaucoup de choses à en dire.

La prorogation du mandat avait été justifiée par le Plan Jaxaay pour venir au secours des sinistrés. Avec le temps, et avec les scandales financiers, pensez-vous que ce plan a été bien inspiré pour justifier la prorogation du mandat des députés ?

Le Plan Jaxaay est un plan de dupes. Il risque d’être le précurseur d’un autre plan : un plan Malagne. Vous savez qu’on dit Jaxaay Malagne. Ce qui s’est passé l’année dernière risque d’être en pire, cette année encore. Je connais bien la banlieue. Les populations sinistrées de l’année dernière vivent, aujourd’hui, dans la hantise des pluies qui ne vont certainement même pas être diluviennes. Aujourd’hui, dans la banlieue, les gens commencent déjà à patauger. Les maladies vont revenir certainement. Et bientôt, Dakar va être complètement bloquée, quand les inondations vont être là, avec les travaux incohérents, irrationnels que les autorités ont décidés d’organiser en même temps, dans la région de Dakar. Une chose est sûre : des millions de Sénégalais vont être complètement bloqués. Les taximen n’arrivent même plus à faire plusieurs courses dans la journée. Les opérateurs économiques n’arrivent plus à travailler convenablement. Même ceux qui ont des containers au Port ne réussissent plus à les faire sortir dans les délais conformes à leurs prévisions. Dans ces conditions, il va falloir aux autorités un autre plan que Jaxaay. Ce sera certainement Malagne, mais il faut aussi que le peuple trouve aussi son propre plan. Je propose le Plan Njaccaar. S’il y a un autre, on le prendra ; l’essentiel, c’est que les gens aillent dans le sens de montrer à ceux qui sont au pouvoir que nous n’acceptons pas qu’on nous soumette à leur plan de dupes. Nous n’acceptons pas qu’un groupuscule d’individus déconnectés des intérêts des Sénégalais nous prennent en otage. Ceux qui sont à la tête de l’Etat et qui ont été très souvent identifiés comme des incapables à diriger ce pays, comme étant à la base de scandales- pédophilie, crime, agression physique, incendie criminel- sont encore au pouvoir. Mais, il ne faut pas les laisser très longtemps y rester, surtout que le peuple ne le veut pas. L’essentiel est de créer des conditions pour aller à des élections normales. Nous disons à la Communauté internationale que les gens se sont battus pour organiser coûte que coûte des élections en Irak en dépit de la guerre, au Togo après le décès de Eyadéma, en Allemagne, malgré les inondations. Des élections seront organisées en Côte d’ivoire. Alors, nous ne pouvons pas concevoir que la communauté internationale laisse un groupuscule s’appuyer sur l’appareil d’Etat pour intimider le peuple et lui imposer la non-tenue d’élections. Nous ne demandons pas que les Marine’s Américains viennent sortir Wade du Palais, à la légion étrangère française de venir le débarquer. Ce que nous demandons, ce n’est pas la lune, mais l’organisation d’élections régulières et transparentes. Nous demandons la possibilité, éventuellement, de perdre ! Ces gens disent avoir près de 4 millions d’électeurs, mais de grâce qu’ils nous offrent la possibilité de perdre démocratiquement !

Récemment, le ministre de l’Intérieur a fait une sortie pour rassurer les Sénégalais quant à la tenue des élections en février 2007. Ces assurances vous rassurent-elles ?

Je ne compte pas sur leurs assurances pour être rassurés. Je ne compte que sur la pression populaire puisque s’ils avaient une culture démocratique, il n’y aurait pas de doute. On ne devrait même pas avoir ce type de débat dans un pays dit démocratique. Après tous les acquis que nous avons connus, après cette alternance en 2000, on ne devrait plus vraiment débattre de ce type de questions. Mais, aujourd’hui, qu’on en arrive là, c’est parce que des gens sont au pouvoir avec une culture anti-démocratique. Rien ne peut nous surprendre. Moi, je compte sur la pression du peuple, son organisation, sa détermination, sa volonté de résister à toute forme de forfaiture, comme celle que l’on a déjà connue. Cela combiné avec la pression internationale qu’il faudra informer et sensibiliser pour que les élections aient lieu à date échue, mais aussi dans les conditions de transparence et de régularité. Il ne s’agit pas de dire qu’on nous rassure sur la date des élections présidentielles et législatives pour qu’on oublie celles qui ont été déjà reportées. C’est comme un voleur qui vient chez vous, vous vole le lundi, promet de vous voler le mercredi, et qui revient le mardi pour vous dire : «Bon, tout compte fait, j’ai décidé de ne plus vous voler le mercredi». Mais, vous n’oublierez pas le vol du mardi, pour autant.

Par rapport aux chantiers à Dakar, le pouvoir défend que le pays est en construction avec les ponts et l’Anoci pour la Corniche. Par conséquent, il faut que les Sénégalais aient la patience. N’est-ce pas un argument valable ?

Ces gens sont des rigolos. Prenons seulement l’exemple de Dakar Dem Dikk. Ils nous ont amené l’année dernière près de 400 bus. C’est bien parce que cela permet à des Sénégalais de se déplacer dans les meilleures conditions. Mais, ils l’ont fait au bout de 5 ans ! Or, quand ils venaient d’arriver, après seulement un an de présence au pouvoir, ils se sont débrouillés pour prendre plus de 17 milliards 500 millions au moins pour réfectionner l’avion présidentiel. On ne peut pas l’oublier.

On ne peut pas dire que tel régime n’a rien fait ; l’ancien régime avait fait, parfois même d’excellentes choses, mais la réalité, c’est que par rapport aux attentes des populations, il y avait un problème. S’y ajoute aussi que le régime était sclérosé à un certain moment. Mais, sous le régime dit de l’alternance, il y avait eu des attentes, des promesses. Ces ponts, ces échangeurs ne faisaient pas partie de ces promesses. Ce ne sont pas pour eux que Wade a été élu. On ne va pas cracher sur les ponts et les échangeurs. Faites le tour de l’Afrique ! Allez à Bamako, au Burkina, pour parler d’échangeurs et de ponts construits à Dakar et dont les leaders se glorifient, les gens vont vous rire au nez. C’est comme si c’était quelque chose d’extraordinaire. Nous jugerons les leaders en fonction de ce qu’ils ont fait pour améliorer le quotidien des Sénégalais, des paysans, pour donner l’espoir à la jeunesse. Pourquoi parler des ponts sur Malick Sy et oublier les ponts que les jeunes sont en train de jeter, par désespoir, sur les mers pour aller vers l’Espagne ? Ce sont ces ponts-là que l’absence de travail des gens de ce pouvoir a construits. Ce sont ces ponts meurtriers que nous voyons et non ceux de Malick Sy ou de la Médina.

A suivre


Lire la suite:  La deuxième partie de l'interview



1 Commentaires

  1. Auteur

    Allons Y Molo

    En Octobre, 2010 (18:36 PM)
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