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[DOSSIER] État d’urgence, état de siège : La loi de la controverse !

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[DOSSIER] État d’urgence, état de siège : La loi de la controverse !
Le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diome a défendu, ce lundi 11 janvier, devant les députés de l’Assemblée nationale, le projet de loi n°46/2020 modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège. Un projet de loi très controversé et décrié par l’opposition qui y voit un renforcement des pouvoirs du président de la République Macky Sall et un affaiblissement de l’Assemblée nationale. Seneweb a donné la parole à des parlementaires et anciens parlementaires dont les avis divergent sur cette question. Thierno Bocoum, Khalil Ibrahima Fall, Kany Bèye et Adji Mergane Kanouté reviennent sur les contours d’une loi polémique, le vote de la controverse.

« Corriger les limites de la loi pour permettre à l’Etat d’assurer au mieux la gestion des risques et catastrophes naturelles ou sanitaires »

Dans le fond, c’est la lourdeur des procédures que décrie l’exécutif appuyé par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale. En phase avec le ministre de l’Intérieur, le pouvoir et ses proches estiment que « la mise en application de l'état d'urgence comporte quelques limites qu'il sied de corriger pour permettre à l'Etat d'assurer au mieux la gestion de risques, crises ou catastrophes naturelles ou sanitaires en limitant les inconvénients sur la vie des citoyens », souligne le rapport d’examen du projet de loi n°46/2020 modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège. La mise en œuvre de l'état d'urgence requiert, pour sa prorogation, l’intervention de l'Assemblée nationale au terme d'une période de 12 jours. « Une procédure relativement lourde », fera-t-on constater dans le document précité. Une lourdeur à laquelle la représentation nationale a finalement mis fin, le lundi 11 janvier dernier, sans amendement.

Mais sur la forme, il urge de s’arrêter sur l’article 1er de la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège selon lequel « les dispositions qui régissent (l’art 58 de la constitution) font l’objet de la présente loi. »

« Ce qui signifie, explique l’ancien député Thierno Bocoum, que la loi trouve sa base légale sur les dispositions qui régissent l’article 5. Or, sans cet article de la constitution, cette loi n’aurait jamais existé. Cet article (actuel art 69) qui est à la base de la loi 69-29 ne fait nullement allusion aux catastrophes naturelles et sanitaires. Par conséquent, la modification de la loi objet de l’article de la constitution susvisé doit nécessiter au préalable la modification de la constitution en y adjoignant les nouveaux éléments à insérer dans la loi dont il est l’objet », défend l’ancien parlementaire.

« Cette nouvelle loi permettra au Président de réagir avec célérité » 

Mais pour les membres de la majorité, cette loi ne saurait constituer une entorse à la démocratie sénégalaise, mais plutôt un moyen de permettre au chef de l’Etat de faire face à toutes les crises et toutes sortes de catastrophes naturelles. C’est du moins l’avis du député de la majorité, Khalil Ibrahima Fall. « Les gens doivent arrêter de faire de l’amalgame, dit-il. Et les Sénégalais sont suffisamment armés pour comprendre les véritables enjeux du moment. En réalité, loin de constituer un quelconque coup à notre démocratie comme le disent certains qui n’ont rien compris, ou qui refusent de comprendre, cette loi permettra au Président Macky Sall de réagir avec célérité contre les catastrophes naturelles et la survenance de n’importe quelle crise », explique le parlementaire et maire de Keur Samba Kane.

Un avis loin d’être partagé par le député proche de Khalifa Sall et maire de Ndoulo, Kany Bèye, selon qui, il est « dangereux de donner autant de pouvoirs à Macky Sall ». Le responsable socialiste décèle des irrégularités qu'il ne passe pas sous silence. « L’adoption de ce projet de loi renferme des irrégularités en ce qu’elle porte un sérieux coup à notre démocratie déjà très mal au point depuis l’arrivée de Macky Sall au pouvoir. Et aujourd’hui, il faut que les gens sachent que c’est trop dangereux de donner autant de pouvoir à Macky Sall », martèle le socialiste.

Il ajoute : « ce qui est encore plus regrettable, c’est de voir Macky Sall nous imposer de force tout ce qu’il veut grâce à sa majorité mécanique. Nous n’avons plus d’honorables députés mais plutôt des déshonorables qui ne sont utiles qu’à Macky Sall. Mais le peuple sénégalais souverain saura juger en temps utile ».

« Macky Sall nous imposer de force tout ce qu’il veut grâce à sa majorité mécanique »

Ancien député sous la bannière de Rewmi, Thierno Bocoum ne dit pas le contraire. Il pense qu’avec le vote de la loi modifiant celle relative à l’état d’urgence et à l’état de siège, « l’Assemblée nationale s’écarte définitivement du processus décisionnel en ce qui concerne le régime d’exception que constitue la gestion des catastrophes sanitaires. Le président de la République a ainsi carte blanche pour apprécier, seul, la gestion d’une catastrophe sanitaire sur une période d’un mois renouvelable une fois. Il peut décréter autant qu’il veut, sans que l’Assemblée nationale ne puisse intervenir. Une fuite de responsabilités du législatif qui jure avec sa mission de contrôle de l’exécutif », tranche-t-il.

« L’Assemblée nationale n’avait pas le droit de renoncer à une prérogative constitutionnelle de contrôle de l’exécutif »

Bocoum estime que le parlement renonce ainsi à ses prérogatives en conférant ses pouvoirs au président de la République. « L’Assemblée nationale n’avait évidemment pas le droit de renoncer à une prérogative constitutionnelle de contrôle de l’exécutif en s’écartant délibérément du processus décisionnel quant à la gestion d’un régime d’exception. Cette fuite de responsabilités est préjudiciable à la démocratie et au mandat représentatif », met-il en garde.

Non sans faire remarquer que dans ce contexte marqué par la crise liée à la Covid-19, la deuxième institution du pays a été à peine audible. « L’Assemblée nationale n’a été présente durant cette pandémie que pour répondre aux désirs de l’exécutif. Les préoccupations du peuple ont été totalement ignorées sur le lit de l’illégalité et de la fuite de responsabilités », condamne le président du mouvement AGIR.

« A l’Assemblée on ne vote pas les lois automatiquement »

Autre camp, autre réaction. Pour Adji Mergane Kanouté, « la loi 69 a été modifiée tout simplement, parce qu’il fallait l'adapter au contexte. La gestion des catastrophes naturelles et sanitaires n’avait pas été prise en compte dans la loi 69, donc il fallait l’ouvrir et l’améliorer. Parce qu’une loi doit être évaluée, améliorée et doit répondre au contexte. C’est la raison pour laquelle trois régimes ont été unifiés, avec l’introduction de la gestion des catastrophes naturelles et sanitaires dans le texte, mais également la possibilité pour le président de la République de pouvoir prendre des mesures sans passer par l’Assemblée nationale. Parce qu’il faut agir rapidement par rapport à des situations bien déterminées », tente de convaincre la vice-présidente de la coalition Benno Bokk Yakaar à l’Assemblée.

« D’habitude c’était pour une période de 12 jours. La procédure était lourde, il fallait, après la période de 12 jours, passer par l’Assemblée nationale pour donner au président la possibilité de pouvoir réagir. A l'Assemblée, on ne vote pas les lois automatiquement. Il faut que la conférence des présidents puisse étudier le projet de loi, et après, la commission technique, en présence du ministre et enfin arriver à la plénière pour voter. Tout cela est une procédure lourde. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, l’Assemblée permet au président de la République de prendre des mesures opportunes et pertinentes au profit de la population ».

« La procédure était lourde…, il fallait un cadre normatif »

Le mérite de cette loi, renchérit-elle, est de permettre au président de la République « de pouvoir déléguer, la possibilité de pouvoir prendre des mesures au niveau local, avec le gouverneur et le préfet ou tout ministre concerné peut prendre des décisions sur une situation donnée, jugée grave et qui nécessite des mesures urgentes en faveur de la population. Le Président Macky Sall se soucie au quotidien du bien-être des Sénégalaises et des Sénégalais et de leur santé, d'où toute la pertinence de la modification de la loi 69. Il fallait un cadre normatif », conclut-elle, non sans critiquer la position de l’opposition qui n’a pas voté la loi.

« Si l’opposition avait mis en avant l’intérêt général, elle allait soutenir, accompagner et soutenir cette loi qui vient d’être votée. Malheureusement, l’intérêt personnel est mis au-dessus de l’intérêt général », regrette Adji Mergane Kanouté.  


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