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Politique

ETAT DES LIEUX DE LA DEMOCRATIE AU SENEGAL : « Reculs, inquiétudes, stagnations »

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ETAT DES LIEUX DE LA DEMOCRATIE AU SENEGAL : « Reculs, inquiétudes, stagnations »

Je vous propose, avant de présenter l’état de la démocratie dans mon pays, le Sénégal, de passer en revue, rapidement, son évolution récente en Afrique, évolution qui met en exergue deux crises de la démocratie.

La première est une crise formelle parce qu’elle affecte son fondement, c’est-à-dire les normes qui, dans un système démocratique, doivent constituer des quasi-invariants. En effet, une des plus grandes faiblesses de la démocratie sur le continent africain reste encore l’instabilité normative qui se manifeste par des modifications partisanes et politiciennes des normes d’accession, de dévolution et de gestion du pouvoir, notamment de la Constitution et des lois électorales. Ces pratiques anachroniques, destinées à perpétuer les régimes en place, affectent notamment les règles relatives à la limitation du nombre et de la durée du mandat du Président de la République.

Et la situation est loin de s’améliorer si l’on en juge par la récurrence de ces remises en cause d’un consensus national dans nombre de pays africains. Mais il y a encore pire. Le paroxysme de cette forme pathologique, c’est la tentation monarchique, dont l’illustration la plus éclairante se retrouve dans les subterfuges utilisés par certains Chefs d’Etat africains pour installer leur enfant-héritier dans l’espace public et politique en vue de préparer ou d’organiser « électoralement » une dévolution successorale du pouvoir à leur descendance.

Souvenez-vous que pour le Togo, le Président du Sénégal, Monsieur Abdoulaye Wade, s’était ouvertement et publiquement désolé de la manière dont Faure Eyadéma avait, dans un premier temps, procédé pour s’emparer du pouvoir après le décès de son père Gnassimbé. C’était lors d’une interview sur la radio RFI. Et de suggérer à Faure Eyadéma d’organiser des élections « démocratiques » (démocratiques entre guillemets) qu’il était sûr de gagner dans la mesure où : JE CITE « vous avez l’armée, l’argent, la majorité parlementaire et le parti » FIN DE CITATION. On sait ce qu’il est advenu de cette suggestion : les images d’un soldat s’emparant de force d’une urne et l’exfiltrant du lieu de vote ont fait le tour du monde et Faure Eyadéma a succédé à son père.

La deuxième crise caractéristique de l’évolution de la démocratie en Afrique est une crise fonctionnelle qu’illustre parfaitement la panne chronique des processus électoraux, pour ne pas dire la faillite du système électoral en Afrique pour cause d’un double déficit de fiabilité et de crédibilité.

Les avancées relatives notées dans certains pays africains comme le Cap-Vert, le Mali, le Ghana ou le Bénin constituent l’arbre qui cache la forêt des irrégularités et des fraudes qui émaillent les processus électoraux.

Dans bien des pays africains, l’organisation d’élections dont l’issue est déterminée à l’avance, conforte la formule du Professeur Albert BOURGI qui les assimile à de « simples formalités administratives ». En effet, les élections ne sont généralement qu’une mascarade planifiée depuis la confection du fichier électoral jusqu’à la proclamation officielle des résultats du scrutin (j’y reviendrais avec le cas de l’élection présidentielle du 25 février 2007 au Sénégal) et qu’un coup de force validé par le pouvoir judiciaire et imposé par les forces de l’ordre au service du pouvoir en place (les cas du Togo et du Nigéria restent encore dans nos mémoires). Les difficultés semblent empirer si on en juge par la gravité des crises politiques liées à l’organisation de scrutins récents (crises politiques au Kenya et au Zimbabwé).

Il y a lieu de relever de façon fort paradoxale que la question de la crédibilité des élections se pose encore en Afrique, en dépit de l’institution de structures chargées de la gestion des opérations électorales. Créées dans des contextes particuliers pour pallier la partialité des structures gouvernementales en charge de l’organisation des élections, les commissions électorales nationales, indépendantes ou autonomes, ont vu leurs missions dévoyées, à telle enseigne qu’elles sont maintenant soupçonnées de donner une caution aux mascarades électorales.

Parmi les critiques auxquelles ces commissions n’échappent plus, figurent celles visant leur réelle neutralité, l’étendue de leurs compétences et leur capacité à les exercer dans le respect de l’intérêt général.

Considérées comme une voie privilégiée de résolution des crises et d’expression du pluralisme, les élections se voient attribuer, aujourd’hui et par un curieux retournement, la responsabilité des ruptures de consensus, voire des tensions et conflits qui affectent la stabilité politique et sociale en Afrique.

Au total, et pour conclure sur ce point, je pense pouvoir dresser la cartographie suivante pour illustrer l’état de la démocratie en Afrique, un peu plus de quinze ans après le début de la transition démocratique :

1. Les rares pays ayant connu des avancées démocratiques et qui les préservent.

2. Les pays ayant enregistré des acquis démocratiques et qui ont même connu une alternance politique pacifique, mais où les nouveaux gouvernants remettent en cause certaines avancées démocratiques fondamentales au risque de faire régresser le modèle.

3. Les démocraties de façade où les élections et un relatif desserrement de l’autoritarisme n’ont été qu’un vernis destiné à la consommation de la communauté internationale.

4. Les pays où les processus démocratiques ont été interrompus par des coups d’État.

5. Et enfin, les pays où tout processus démocratique est impossible à l’heure actuelle à cause de conflits ou parce que l’État y est déliquescent et ne contrôle qu’une partie de son territoire.

Je m’en vais maintenant aborder la situation de la démocratie dans mon pays, parce que malheureusement le Sénégal se trouve dans le lot des Etats qui connaissent un recul de la démocratie. Je pense pouvoir même soutenir, sans risque d’être contredit par les faits, que le Sénégal fait partie des pays qui, en Afrique, auront fait le plus grand bond en arrière en matière de gouvernance démocratique car, n’oubliez pas qu’au Sénégal, les élections sont une tradition ancrée depuis plus d’un siècle, avec des citoyens qui, pendant la période coloniale, élisaient leurs représentants aux Assemblées métropolitaines. Cette tradition démocratique s’est perpétuée d’abord sous le Président Léopold Sédar SENGHOR avec la loi sur les courants de pensée de 1976, autorisant un multipartisme maîtrisé et s’est ensuite renforcée sous le Président Abdou DIOUF avec le multipartisme intégral en 1981, associé à l’organisation régulière des élections et à la libre expression des libertés et de tous les pluralismes (politique, syndical, associatif, médiatique).

C’est ce legs inestimable que des générations successives ont construit avec patience et intelligence que le régime actuel d’Abdoulaye WADE, pourtant issu d’une alternance pacifique, citée comme exemplaire dans le monde, est en passe de déconstruire en s’attaquant un à un aux piliers de la démocratie sénégalaise. Permettez-moi, pour illustrer mon propos, de m’arrêter sur le déroulement de l’élection présidentielle du 25 février 2007, au Sénégal.

Force est de constater que la conduite partisane et unilatérale de cette élection et les résultats auxquels elle a abouti constituent des remises en cause flagrantes des acquis du processus électoral du Sénégal fondé sur la concertation, le consensus et la transparence, depuis le Code électoral consensuel de 1992.

Comme vous le savez sans doute, le scrutin présidentiel s’est déroulé le 25 février 2007 dans le calme et a connu un fort taux de participation de 70%, ce qui a amené les observateurs nationaux et étrangers à le qualifier de libre, transparente et régulière, « malgré quelques disfonctionnements constatés sur le terrain », selon leurs propres termes.

A l’issue du premier tour de ce scrutin, le président sortant, Abdoulaye Wade, qui faisait face à quinze candidats dont celui du Parti socialiste, a été proclamé par le Conseil constitutionnel élu avec 55,90% des suffrages, devant une opinion publique éberluée par l’absence d’un second tour qui ne faisait l’ombre d’aucun doute.

En vérité, ce résultat consacre une stratégie de manipulations et de fraudes à grande échelle, mûrement réfléchie, programmée longtemps à l’avance et « proprement » exécutée. Les éléments qui l’attestent, se situent en amont et en aval du processus électoral.

D’abord, dans la période pré électorale, et contrairement à la tradition établie d’une gestion consensuelle, le pouvoir d’Abdoulaye Wade, à travers le bras séculier du Ministère de l’Intérieur, s’est livré à une conduite unilatérale et autoritaire d’un processus électoral qui n’avait d’autre objectif que de réélire le président sortant.

J’en veux pour preuve la modification unilatérale et intempestive de la Constitution et du code électoral, à quelques jours du début de la campagne électorale, à des fins de conservation du pouvoir (suppression du quart bloquant), en violation d’un engagement international du Sénégal (protocole de la CEDEAO). J’en veux encore pour preuve la violation du principe de l’égalité des citoyens devant la scrutin à l’occasion de l’inscription sur les listes électorales et la rétention volontaire d’une part considérable de cartes d’électeurs, empêchant ainsi des centaines de milliers de sénégalais, à l’intérieur comme à l’étranger, d’exercer leurs droits de vote, pendant que ces mêmes cartes ont été distribuées à des partisans du Président Abdoulaye Wade qui ont voté avec.

Mais ce qui aura surtout marqué cette élection, c’est la manipulation du fichier électoral, qui installe la fraude au centre du processus électoral. Au lieu d’être un document national authentique dont la fiabilité ne devrait souffrir l’ombre d’un doute, le fichier électoral suscite des interrogations jusqu’ici sans réponse :

 d’abord sur la qualité de l’électeur puisque, selon les chiffres officiels de la Direction de l’Automatisation du Fichier placé sous l’autorité hiérarchique du Ministre de l’Intérieur, environ 1.000.000 de personnes ont pu s’inscrire à partir d’un simple acte de naissance qui ne garantit, au regard de la législation sénégalaise, ni la nationalité, ni les droits de celui qui s’inscrit. Ainsi, nombre d’étrangers, et avec les conditions laxistes de délivrance de l’extrait de naissance dans les mairies majoritaires contrôlées par le parti au pouvoir, ont pu s’inscrire sans qu’ils y aient droit au sens de la Loi. En outre, la possibilité offerte de pouvoir s’inscrire avec diverses pièces administratives et à partir de plusieurs endroits, a généré des inscriptions multiples.

 ensuite sur le nombre d’inscrits sur les listes électorales puisqu’en violation de la Loi, le Ministère de l’Intérieur n’a jamais publié, dans les délais prescrits, la liste des électeurs inscrits par bureaux de vote.

Le scrutin, quant à lui, a été émaillé de lacunes et de dysfonctionnements notoires dans l’organisation du vote prolongé dans certaines localités jusqu’à une heure non conforme au droit électoral et de pratiques sophistiquées de corruption électorale, ainsi que de votes multiples avec des mouvements remarquables d’électeurs à travers différents lieux de vote du territoire national, sans compter avec l’absence d’identification de l’électeur et d’authentification de son vote liée notamment au caractère délébile de l’encre constaté que le candidat du Parti socialiste a fait constaté par exploit d’huissier. Les dysfonctionnements, irrégularités et fraudes ont été nombreux et multiformes. Il n’est pas possible de les exposer tous dans cette communication. Pour plus de détails, j’annexe à la présente le mémorandum élaboré par des partis d’opposition du Sénégal, dont le Parti socialiste, à l’issue de l’élection présidentielle du 25 février 2007.

Chers camarades, Chers amis,

Je me suis longuement attardé sur l’élection présidentielle de 2007 pour indiquer que ce système, où les standards minimaux de fiabilité et de crédibilité des élections font l’objet d’une violation systématique, que ce système où la fraude n’est pas à la marge, mais se situe au cœur du processus électoral, ce système ne peut pas assurer la transparence des élections et la sincérité des résultats qui en sont issus.

C’est la raison pour laquelle l’opposition dite significative dont fait partie le Parti socialiste avait proposé au régime en place l’ouverture d’un dialogue franc et sincère pour une évaluation du scrutin présidentiel du 25 février 2007. En appelant à ce dialogue, l’opposition cherchait à faire organiser dans la transparence et au moyen d’un processus électoral fiable et crédible, maîtrisé et sécurisé, les élections législatives annoncées pour le 3 juin 2007.

Cet appel se heurta au refus du Président proclamé qui opposa une fin de non recevoir à toute forme de dialogue avec l’opposition en vue de la tenue d’élections législatives réellement libres et transparentes. Ce refus a été à la base de la décision de boycott de la part de l’opposition significative qui représente, selon les résultats largement sous-estimés, proclamés par le Conseil constitutionnel, près de 44% du corps électoral.

Aujourd’hui, tous les observateurs peuvent constater que l’opposition avait raison de contester la véracité des chiffres proclamés officiellement en faveur du président sortant. Il a malheureusement fallu pousser l’opposition significative au boycott des élections législatives pour arriver à ce résultat. Trois mois seulement après l’élection présidentielle qui a connu, répétons-le, un fort taux de participation, les Sénégalais, répondant au mot d’ordre de l’opposition, ont massivement boycotté les élections législatives.

Seulement 34,75% de l’électorat, selon les chiffres officiels, mais moins de 20% selon tous les observateurs, se sont rendus aux urnes. Même en se fondant sur les chiffres officiels, le nombre d’électeurs du camp présidentiel a chuté de quelques 800.000 voix en trois mois, nonobstant l’implication personnelle du Président Abdoulaye Wade qui venait juste d’être réélu, dans la campagne électorale pour les législatives et son appel pressant à lui donner une très large majorité à l’Assemblée nationale. Le sacrifice de l’opposition de Juin 2007 venait de porter un contredit imparable à la mascarade électorale de Février 2007 et créer dans le camp des vainqueurs autoproclamés un malaise à ce jour non dissipé.

Je voudrais préciser que l’opposition n’a jamais refusé un dialogue soutenu par des arguments raisonnables qui aurait pu éviter le boycott des élections législatives du 3 juin 2007. Alors, l’Assemblée nationale aurait été réellement représentative du peuple sénégalais, différente de celle que nous connaissons aujourd’hui qui, telle qu’elle est issue des urnes, ne représente qu’une minorité du peuple.

Au total, l’évaluation du système électoral révèle une somme de paradoxes et d’irrégularités qui confirment que l’élection constitue encore une équation à résoudre pour la démocratie sénégalaise.

Mes chers camarades, Chers amis,

Lorsque nous interrogeons le fonctionnement de l’Etat, nous ne pouvons manquer d’être frappés par le discrédit qui frappe les institutions, cet autre péril qui affecte le système démocratique sénégalais. En vérité, il s’agit du péril le plus pernicieux auquel notre pays est confronté depuis son indépendance parce qu’il s’attaque aux outils de régulation de la démocratie. Le régime de Abdoulaye Wade a tellement caricaturé nos institutions, il les a tellement vidées de leur substance que des institutions comme l’Assemblée Nationale et le Sénat, travestissent le concept de démocratie. En effet, l’Assemblée nationale, avec une majorité aussi factice qu’illégitime, et le Sénat, dont les 65 membres sur les 100 qu’il compte, nommés par décret du Président de la République, s’illustrent régulièrement dans l’infamie en adoptant des lois scélérates, telles la loi amnistiant les auteurs d’assassinats, de crimes et délits politiques, les différentes lois portant report des élections, ainsi que les nombreuses lois portant modification de la Constitution.

Songez qu’au Sénégal le pouvoir d’Abdoulaye Wade a reporté cinq fois des dates constitutionnelles et légales d’élections : deux reports d’élections législatives par la prorogation, par les députés eux-mêmes, de leur propre mandat, phénomène jusqu’alors inconnu au Sénégal où de 1960 à 2000 les élections nationales se tiennent à date échue, invariablement ; trois reports d’élections locales et ce sont les conseillers locaux dont le mandat venait d’être prorogé qui ont élu les 35 autres sénateurs qui sont venus s’ajouter aux 65 nommés par le Président de la République.

Songez encore que le pouvoir d’Abdoulaye Wade, a unilatéralement modifié, en huit ans, 14 fois la Constitution, qui pour faire passer la durée du mandat du Président de la République de 5 à 7 ans, qui pour supprimer le Sénat et le recréer plus tard, qui pour modifier l’organisation judiciaire en rétablissant la Cour Suprême à la place du Conseil Constitutionnel, du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation.

Les collectivités locales, consacrées pourtant comme des espaces de démocratie, ne sont pas, non plus, épargnées par la funeste entreprise de démantèlement des acquis démocratiques. Plusieurs conseils municipaux et ruraux dans lesquels l’opposition est majoritaire, ont été dissouts, sans motif valable en violation des dispositions pertinentes du Code des Collectivités Locales.

Je sais que vous devez vous dire que devant une telle situation, le pouvoir judiciaire reste le dernier rempart pour stopper les dérives du parti au pouvoir et pour sauver la démocratie. Je dois, à mon grand regret, reprendre cette perception largement répandue dans l’opinion sénégalaise d’une justice aux ordres, ou tout au moins, timorée. Certains magistrats, en dépit du combat héroïque que mènent d’autres de leurs collègues pour l’indépendance de la justice, se révèlent être les complices actifs des forfaitures du régime en refusant de dire le droit lorsqu’ils sont saisis par les citoyens et par les partis politiques. Les recours en inconstitutionnalité de l’opposition devant le Conseil constitutionnel sont systématiquement rejetés pour incompétence alors que les recours pour excès de pouvoir contre les décrets de dissolution de certaines collectivités locales attendent, depuis plusieurs mois, d’être traités par le Conseil d’Etat, et ce en dépit des demandes de sursis à exécution fondées sur l’illégalité manifeste des décrets et sur l’urgence. Comble d’ironie, il est arrivé plus d’une fois où le Chef de l’Etat pronostique publiquement le sens des décisions de justice ou dicte des ordres clairs sur le cours des instances judiciaires.

C’est vous dire combien la démocratie sénégalaise est malmenée par l’instrumentalisation éhontée des institutions et par les tripatouillages de la Constitution, transformées pour les premières en gadgets et pour la seconde en brouillon, afin de servir d’instruments aux calculs politiciens d’Abdoulaye Wade.

Chers camarades,

Chers amis,

Je vais conclure en vous dressant rapidement l’état des libertés, pour montrer comment la politique de mise au pas menée par le régime en place a généré et porté un système policier, source de danger pour les droits humains.

Pour tout vous dire, l’état des libertés est assez préoccupant au Sénégal. Les droits humains font l’objet d’atteintes récurrentes, des atteintes qui résultent d’une violence d’Etat retournée contre les citoyens à travers des formes d’abus inacceptables dans un Etat de droit. En effet, il s’est installé, depuis 2000, ce que Abdoulaye Wade lui-même appelle « césarisme démocratique » visant à enfermer les libertés publiques dans un écrin. Le passe temps favori du régime consiste à intimider et à emprisonner les citoyens qui émettent une opinion dissidente de la propagande officielle que nous assènent sans vergogne les médias d’Etat, aux mains du parti au pouvoir.

D’ailleurs, pour qualifier ce système odieux, les journalistes l’ont désigné, avec beaucoup de perspicacité, sous son visage hideux de monstre qui entend instituer une police des idées chargée de traquer et d’écraser toute pensée dissidente.

Le phénomène n’est pas nouveau. Il rythme le quotidien de notre pays depuis l’accession d’Abdoulaye Wade au pouvoir, avec la convocation et l’arrestation d’hommes politiques, de journalistes, de militants de la société civile, d’hommes de culture pour avoir exercé des libertés publiques telles la liberté d’expression et la liberté de manifestation.

Mais il a pris une ampleur nouvelle et atteint son paroxysme avec l’agression surréaliste de deux journalistes dans l’exercice de leur profession par des éléments de la Police, la mise à sac des locaux de deux quotidiens par des nervis recrutés au plus haut niveau de l’appareil d’Etat, ainsi que l’emprisonnement du Directeur de publication d’un quotidien. En vérité, si les journalistes sont persécutés, c’est parce que nous sommes aujourd’hui, en face d’un régime faible dans le cœur des citoyens, mais qui veut faire peur pour se donner l’illusion qu’il maîtrise une situation qui a depuis longtemps échappé à son contrôle. Le pouvoir cherche à installer une pensée unique et c’est en cela qu’une presse responsable et honnête, et dont le seul souci est d’informer, devient gênante pour un régime qui vit de scandales à répétition. Mais ce qui est encore plus grave, c’est cette impunité ambiante que les autorités ne cherchent même plus à nier et exaltent en convoquant la justice privée pour justifier, par exemple, l’agression des deux journalistes. Comme qui croirait que la routine du crime a des vertus purgatoires au final, le régime d’Abdoulaye Wade assure une protection automatique à tous ses proches, employés dans une délinquance étatique organisée qui sert la finalité de son système de violations des droits fondamentaux. Voilà, chers camarades, chers amis, ce qu’est devenue la démocratie au Sénégal depuis que le pouvoir d’Abdoulaye Wade s’y est installé.

J’aurais pu continuer à dépeindre la situation, en vous parlant des menaces de mort dont les leaders d’opinion sont victimes, de la censure dont les écrivains sont l’objet, de ces entrepreneurs et opérateurs économiques écartés des marchés publics pour suspicion de collusion avec l’opposition, … etc. Mais le tableau est déjà sombre de périls qui menacent gravement les piliers de notre système démocratique, et plus grave encore, les fondements de la cohésion nationale et de la paix sociale.

Le seul rayon de soleil sur ce tableau, ce sont les Assises Nationales lancées depuis le 1er Juin 2008 par les patriotes de toutes conditions et de tous bords dans un seul but : sauver le Sénégal et remettre notre pays à l’endroit, pour le bonheur de tous ses enfants.

En effet, il faut savoir que la régression démocratique dans mon pays se conjugue avec une crise structurelle profonde et préjudiciable à tous les secteurs de la vie nationale. Et c’est dans le but de trouver des solutions à cette crise généralisée, que plus de 100 organisations politiques, patronales, syndicales, de la société civile, et associations, parmi les plus représentatives du pays ainsi que des personnalités indépendantes ont engagé cette initiative inédite et mis en œuvre cette expérience novatrice dont le concept, le format et les résultats apporteront des enrichissements indéniables à la scène politique nationale et africaine et à la science politique comparée des pays en développement qui cherchent leur chemine.

Il me semble utile de préciser que les Assises nationales constituent un grand moment d’exercice de la démocratie consensuelle qui, en partant des acquis de notre histoire récente et lointaine et en traitant avec le même respect toutes les forces vives de notre pays, permettra à toutes les composantes de la Nation de s’entendre sur un diagnostic, sur des analyses et sur des solutions efficaces et durables à mettre en œuvre. C’est d’ailleurs pourquoi la méthode participative, intégrant les consultations citoyennes dans toutes les circonscriptions territoriales du pays et le forum Internet pour nos compatriotes de l‘extérieur, en constitue l’élément moteur.

L’objectif de ces Assises, cadre de concertations inclusives, directes et globales, est de remettre à flots, à partir de propositions consensuelles, les fondamentaux institutionnels, démocratiques, éthiques, économiques, sociaux et culturels, afin d’inaugurer une ère nouvelle de gouvernance publique, de démocratie et de stratégies de développement.

Ousmane Tanor DIENG
Vice Président de l’Internationale Socialiste
Président du Comité Afrique de l’Internationale Socialiste
Secrétaire général du Parti Socialiste du Sénégal



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