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Fonds Covid, foncier : Pr. Moussa Diaw pointe la "gouvernance néo-patrimoniale" du régime de Macky Sall

Auteur: Aminata SARR

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Dans une analyse, le politologue Moussa Diaw revient sur les dérives de la gouvernance sénégalaise avant le basculement du 24 mars 2024, qu’il qualifie de « néo-patrimoniale et clientéliste ». Se basant sur les révélations de la Cour des comptes sur la gestion des fonds Covid-19 et du foncier, il dénonce un système où les ressources publiques étaient captées au profit de cercles restreints liés au pouvoir.
Selon lui, ce mode de gouvernance repose sur l’enrichissement personnel, l’implication des familles dirigeantes et la mise en place d’une clientèle politique, en parfaite résonance avec les thèses de Jean-François Médard et de Bayart & Hibou. Il évoque des pratiques de légitimation fondées sur le culte du chef, soutenu par des récits glorifiant son génie politique, pendant que l’État sombrait dans une gestion prédatrice et opaque.
Moussa Diaw insiste sur la nécessité d’un dialogue politique sincère, dans le respect des principes républicains, afin de reconstruire la confiance et poser les bases d’un Sénégal nouveau. Une transformation qui, selon lui, doit s’appuyer sur une pensée politique référentielle inspirée notamment de Cheikh Anta Diop, et impliquer tous les acteurs de la société.
Voici l'intégralité de son texte
Le Sénégal à l’épreuve de la gestion néo-patrimoniale et clientéliste du pouvoir.
Les débats sur les révélations du rapport de la Cour des comptes et la gestion des fonds du covid-19, et du foncier mettent à nu les pratiques et les stratégies développées par ceux qui gouvernaient le pays avant le tournant du 24 mars 2024. Cette façon de concevoir le pouvoir repose sur l’enrichissement personnel, l’implication des membres de la famille et clans pour se partager les ressources publiques et entretenir une clientèle politique pour la conservation du pouvoir (Jean-François Médard, 1991)*. Ainsi, dans cette logique tout est mis en œuvre afin de sacraliser  l’homme qui étend son pouvoir de décision dans tous les espaces devenant incontournable en s’accaparant de tous les leviers. Ce processus de légitimation se manifeste par la production d’ouvrage vantant les appartenances nobiliaires du chef, ses prouesses politiques le confondant même à un génie politique. Il sera entouré de ses flagorneurs qui deviennent des milliardaires par la gestion prédatrice et clientéliste du pouvoir. Des manœuvres financières frauduleuses vers des paradis fiscaux ont été décelées, avec des velléités de criminalisation de l’Etat (Jean-François Bayart, Béatrice Hibou, 1997)*. 
Alors que le pays est confronté à des défis majeurs d’une jeunesse désœuvrée,  attirée par l’émigration clandestine vers l’Europe et L’Amérique, de la pauvreté endémique et d’une orientation économique peu portée par l’industrialisation. Pendant ce temps, un petit groupe de privilégiés, sans aucune compétence reconnue, s’empare du patrimoine foncier et des ressources pour la plupart des prêts alloués par des organisations financières internationales. Il en résulte  une dette abyssale et des tensions budgétaires sans précédent. Comment sortir de cette impasse dans un climat, marquée par des désirs de revanche et de rupture politique brutale ?  Il convient de pacifier cette atmosphère de guerre permanente entre la majorité et l’opposition mais cela ne peut se faire sans la reddition des comptes pour situer les responsabilités de ceux qui sont impliqués dans cette mauvaise gouvernance des finances publiques afin d’appliquer la loi dans toute sa rigueur. 
Le remboursement des fonds détournés est une exigence qui ne doit s’établir sur aucune base de négociation ni de marchandage au-delà des sanctions pénales prévue par la loi. C’est l’occasion de procéder à des réformes de grandes envergures dans la gestion des finances publiques de manière à inculquer des valeurs indispensables au management des affaires publiques dans un esprit patriotique et d’intérêt général. Il est vrai que les pratiques bureaucratiques et financières qui ont généré ces dysfonctionnements sont fortement ancrées dans les mœurs qu’il faudra beaucoup de temps pour les effacer de la gouvernance économique et  de la gestion des fonds publics. Ainsi, la rigueur et la vigilance doivent être de mise pour accompagner ce nouveau tempérament inscrit dans l’agenda des nouvelles autorités.
 Le changement engagé s’accompagnera de beaucoup de pédagogie afin de garantir sa réussite. Certes, les réformes institutionnelles et politiques s’avèrent nécessaires dans une refondation de la démocratie et de l’Etat de droit, mais elles ne seront pas suffisantes pour atteindre les mutations indispensables à leur fonctionnalité. D’où une nouvelle approche paradigmatique adossée à  la pensée politique référentielle (Cheikh Anta Diop, 1979)* qui, dans une démarche collective, associe l’ensemble des acteurs pour bâtir un Sénégal nouveau. C’est ainsi que le Dialogue politique apparaît comme un mécanisme pouvant aboutir à l’apaisement des mœurs politiques et instaurer la confiance perdue entre les différentes parties. En effet, il demande un respect réciproque et un attachement aux valeurs de la République et de la démocratie.
Par Pr. Moussa DIAW, politologue, spécialiste des relations internationales
Auteur: Aminata SARR

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