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Politique

IBRAHIMA SENE (PIT) : Que cache Wade derrière sa « nouvelle fibre pan africaniste » ?

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IBRAHIMA SENE (PIT) : Que cache Wade derrière sa « nouvelle fibre pan africaniste » ?
Les sorties récentes de Wade à propos des APE et de sa proposition d’un nouvel « Accord de Partenariat pour le Développement » avec l’Union Européenne ont surpris beaucoup d’observateurs. Mais, cette démarche de Wade rappelle étrangement son comportement vis-à-vis du NEPAD, au quel il a tenté, en vain, d’imprimer ses options obsolètes sur l’incapacité de « l’Aide Publique au Développement » (APD) et du binôme « aide – crédit » à aider les pays pauvres à sortir du sous- développement.

Tout le monde se souvient encore de ses développements fracassements contre les revendications pour l’annulation des dettes des pays en développement, l’augmentation substantielle de l’APD, et pour un meilleur accès aux marchés des Pays développés pour nos produits à des prix mieux rémunérés, pour prôner, à leurs places, la promotion de l’investissement direct étranger (IDE), et l’ouverture de nos marchés à la concurrence internationale, qui ne sont, en fait, que les politiques prônées par le FMI et la Banque Mondiale. Les thèses défendues par Wade étaient donc destinées à conforter les réticences d’alors des Pays développés par rapport aux revendications du mouvement « Alter mondialiste », largement prises en compte dans le NEPAD. C’est depuis lors que Wade a gagné la triste réputation d’ « anti africain  » et d’anti « Alter mondialiste », à la recherche effrénée de «  satisfecit » des Occidentaux. Cependant, le triomphe des revendications « alter mondialistes », avec l’annulation totale de la dette multilatérale pour les Pays Pauvres Très Endettés, dont le Sénégal, et la décision d’augmenter l’APD, avec le Programme des Nations Unies sur les « Objectifs du Millénaire pour le Développement », avait fini par éjecter Wade de l’espace qu’il convoitait auprès des Grandes Puissances.

Mais aujourd’hui, l’on découvre Wade, qui se rappelle aux bons souvenirs de l’Union Européenne, avec une « nouvelle fibre pan africaniste » à propos des APE et de sa proposition pour un « Accord de Partenariat pour le Développement », qu’il faut analyser avec soin. L’on semble ainsi retourner de nouveau à l’époque où il avait proposé son «  Programme OMEGA » pour contrer les Thèses pour la « Renaissance Africaine  » du Président de la République SUD Africaine, pour gagner la sympathie des Occidentaux, et se propulser au devant de la scène africaine au plan international. Il ne faut donc pas considérer que l’on assiste à de banals problèmes de «  sémantique », ou de « querelles d’humeur » entre Wade et la Commission Européenne. Mais il s’agit bien, d’une part, de réels problèmes entre l’Union Européenne (UE) et l’Afrique sur les APE, et, d’autre part, entre Wade et ses pairs dans l’Union Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique de l’Ouest ( UE MOA) et dans la Communauté des Etats de l’ Ouest Africain ( CEDEAO). Pour mieux comprendre l’attitude de Wade dans la crise entre l’UE et les Etats de la CEDEAO, occasionnée par les problèmes de signature des Accords de Partenariat Economique (APE), il faut rappeler les enjeux économiques et politiques qui les motivent. En effet, pour la CEDEAO et l’UEMOA , ce sont les perspectives d’intégration économique et de constitution d’un marché commun sous régional qui sont, avec la signature des APE, fortement mises en cause. La CEDEAO ne peut pas accepter l’ouverture des marchés nationaux des Etats membres à l’UE, sans au paravent avoir parachevé la constitution de son propre marché commun protégé par une politique douanière commune appropriée.

C’est cet enjeu économique de taille qui a poussé les organisations paysannes, syndicales, patronales, et de la Société civile de la région CEDEAO, appelées « forces vives Africaines organisées », à demander aux Chefs d’Etat membres, « de ne pas signer les APE au 31 Décembre 2007  », et d’exiger de l’UE qu’elle « attende la signature d’un accord global au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) », avant d’ouvrir des négociations qui devraient contribuer à minimiser les aspects négatifs de celui-ci, et non les aggraver. Cette exigence fut entendue et acceptée par les Etats membres de la CEDEAO, bien avant les sorties médiatiques de Wade en France sur la signature des APE le 31 Décembre 2007. C’est pour contrer ce refus, que l’UE a conçu un projet « d’accords intérimaires », non plus en direction de toutes les régions APE, mais essentiellement en direction des pays ACP non PMA, dont la Côte d’Ivoire et le Nigéria dans la région CEDEAO. Le Sénégal, en temps que pays PMA de la région CEDEAO, n’est pas directement concerné par la signature des « Accords intérimaires ». IL bénéficie déjà des privilèges des dispositions de « Tout sauf les armes », qui admettent en franchise totale de plus de 90% des exportations des pays PMA vers l’UE. En outre, il n’oriente, en moyenne, que 30 % de ses exportations vers l’UE, et y reçoit, en moyenne, plus de 50% de ses importations ; ce qui fait que le Sénégal est moins dépendant de l’UE dans ses exportations, alors que c’elle ci est plus intéressée dans ses exportations en direction du Sénégal. Par contre, pour un pays non PMA, comme la Côte d’Ivoire, les exportations vers l’UE sont plus déterminantes dans sa Balance Commerciale que celles vers les pays de la CEDEAO. Donc la Côte d’Ivoire est plus dépendante de l’UE dans ses relations commerciales. Ainsi, dans ces conditions de rapports commerciaux différents des pays ACP PMA et non PMA, toute approche de négociations « pays par pays », mise en œuvre dans les « Accords intérimaires », change les enjeux. Dans ce contexte, les enjeux des APE, que sont les perspectives d’intégration régionale au sein de l’UEMOA et de la CEDEAO, cèdent la place aux enjeux de survie économique pour chaque pays non PMA, comme la Côte d’Ivoire, ciblé par les « Accords intérimaires ». C’est pour tenir compte des contraintes politiques que les « Accords intérimaires » font peser sur les pays ACP non PMA, que les « forces vives africaines organisées », avaient fortement recommandé, aux Chefs d’Etat membres, d’organiser une solidarité internationale autour des pays ACP non PMA, en exigeant de la Commission Européenne qu’elle leur accorde, d’ici la fin des négociations sur les APE, les mêmes franchises que les PMA, pour créer les conditions de l’avènement, après l’accord global au sein de l’OMC, d’une véritable coopération de « gagnant-gagnant » entre l’UE et les ACP. Elles ont fondé cette recommandation sur la base de leur propre expérience, qui a montré que, c’est grâce à une telle solidarité internationale, que les pays ACP PMA ont pu obtenir de l’UE les franchises contenues dans l’accord « Tout sauf les armes ». Une telle réplique à la nouvelle stratégie de la Commission Européenne était la seule capable de préserver les perspectives d’intégration économique sous régionale et régionale. Mais, parce que cette solidarité n’a pas été prise en charge par les pays ACP PMA, que des pays, comme la Côte d’Ivoire, sont obligés de signer « l’Accord intérimaire », pour ne pas sombrer économiquement. Mais tout le monde sait, comme le craignaient les « forces vives africaines organisées », que cette signature de la Côte d’Ivoire va porter atteinte à l’ UEMOA , puis qu’elle va remettre en cause le Tarif Extérieur Commun ( TEC) et, par ricochet, elle va hypothéquer les perspectives d’intégration économique au sein de l’UEMOA et de la CEDEAO.

La Commission Européenne est donc parvenue, avec cette signature, à briser pour un temps, le rêve d’intégration de notre sous région, sous la responsabilité exclusive des Chefs d’Etat PMA, dont Wade, qui ont tourné le dos à leur devoir de solidarité africaine et internationale, avec les pays non PMA pour faire face à l’Union Européenne. C’est donc à l’aune de cette lourde responsabilité des Chefs d’Etat PMA, dont Wade, qu’il faudrait juger la nature de sa « nouvelle fibre panafricaniste » , et non à travers le « défi politique » qu’il prétend lancer à la Commission Européenne, avec son fameux « Accord de Partenariat pour le Développement ». En effet, quand il lance « sanctionnez moi si vous voulez, mais je ne signe pas », il parle comme si la signature du Sénégal, en temps que pays, était sollicitée dans les APE ou dans les « Accords intérimaires » ! De même, quand il dit que « les compensations des pertes de recettes douanières ne pèsent pas lourd devant la destruction de notre système productif », mais, « venez délocaliser chez nous », il fait semblant d’ignorer qu’il est contradictoire, puisque le désarmement tarifaire est bien une des conditions posées par le Capital et les bailleurs de fonds pour transférer leur entreprises et leurs technologie dans nos pays. Mais, malgré toutes ces contradictions, il lance un « appel à la jeunesse Africaine et aux intellectuels contre la signature des APE », au même moment où il soutient avec raison que les « APE sont derrière nous » ! Ne donne t’il pas ainsi raison à Louis Michel qui l’accuse de «  politiser » la crise née des problèmes de signature des APE, en défonçant une porte déjà ouverte ? Mais pour quel objectif ? Est-ce pour défendre les intérêts de l’Afrique et sa dignité face aux tendances, au sein de la Commission Européenne, de résurrection des politiques de domination coloniale. ? Si tel est le cas, pourquoi, dans cette croisade, les alliés de Wade ne sont ni les Chefs d’Etat de l’UEMOA, de la CEDEAO, ou de l’Union Africaine, mais Sarkozy, Merchel, Prodi et Zapatéro, devenu la nouvelle coqueluche de la coopération du Sénégal avec l’Europe ? Est-ce pour rendre l’Europe, par ses sanctions éventuelles du Sénégal,

responsable de l’accentuation de la crise économique du pays ? Une telle assertion ne peut tenir, puisque tout le monde sait que l’UE ne peut user de sanctions économiques contre le Sénégal, qu’en ayant recours à la « tranche incitative du Xe Fed » qui est évaluée à 23,5 milliards de Frs CFA. Comment pourrait on faire croire aux Sénégalais que la perte d’une portion de cette somme serait la cause de l’aggravation de la crise économique du pays ? Wade est donc en train de mettre en œuvre, avec ses sorties fracassantes contre la signature des APE, une opération de « haute voltige de politique politicienne » pour, d’une part, masquer son manque de solidarité envers les pays ACP non PMA, comme la Côte d’Ivoire, et tenter, d’autre part, d’anesthésier l’esprit critique des Sénégalais, voire atténuer le mécontentement populaire, qui menace fortement la survie de son régime, qui, non seulement sape la cohésion nationale, mais se paye aussi le luxe de mettre l’intégration Africaine en danger. Tout cela, au prix « d’une brouille » avec la Commission Européenne pour un temps qu’il compte utiliser pour appeler à une « union sacrée » au tour de sa personne, pour se « serrer la ceinture et se mobiliser pour sauver l’Afrique », mais avec le secret espoir que cette « brouille » sera passagère, grâce à l’appui qu’il attend obtenir de ses nouveaux amis Européens, comme Sarkozy et compagnies. Il faut l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.

Fait à Dakar le 12 Décembre 2007 Ibrahima Sène PIT/ Sénégal



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