«Cher compatriotes, chers amis du Sénégal, vous comprendrez aisément l’émotion que j’éprouve de me retrouver en face de vous, et vous savez également qu’il ne pouvait en être autrement car, comme dit le Livre, la vérité est venue, le faux a disparu, car le faux est destiné à disparaître. C’est avec donc, un immense plaisir que je vous retrouve tous.
«J’ai déjà eu l’occasion de le dire à certains d’entre vous venus me voir à la prison centrale de Dakar, venant de France, de Suisse, des Etats-Unis. Je leur ai dit ce que le jeune général Bonaparte avait déclaré à son aide de camp qui voulait tenter une évasion lorsqu’il fut emprisonné Fort carré d’Antibes. Il lui a dit : «Mon cher ami, les hommes peuvent être injustes envers moi, mais il me suffit d’être innocent. Ma conscience est le toit du monde où j’évoque ma conduite. Cette conscience est calme quand je l’interroge. Ne faites rien qui ne pourrait me compromettre.»
Heureusement que vous aussi, vous n’avez pas tenté de me faire évader. C’est donc avec une conscience calme que je suis entré dans cette épreuve, c’est avec une conscience calme que j’en suis sorti.
«Mais vous le savez comme moi, l’histoire est peuplée d’évènements et de moments difficiles qui varient en intensité, en difficultés, mais qui tous révèlent les différentes catégories d’hommes qui existent. Il y a des hommes qui, face à l’épreuve, ont peur, sont faibles. C’est de ceux-là que Péguy parlait en évoquant l’argile, la matière de base dont l’homme a été fait. Péguy disait : «Seigneur, c’est vous qui l’avez pétri, ne vous étonnez donc pas qu’il soit faible et creux». Mais ces mêmes évènements révèlent des hommes, dont la dignité est de marbre et de granite et ne subit pas l’érosion des difficultés. Je suis content de vous compter parmi ceux-là. Je sais que vous avez tous vécu cette épreuve dans la dignité et avec un très grand courage au sens où l’entendait Ernest Domingo : «Grace under pressure, la grace sous la pression». Et en voyant Mme Awa Guèye Kébé, vous savez que la grâce a toujours été là. Et je suis persuadé que chacune et chacun d’entre vous a la même conscience que moi, que nos vies personnelles, nos petites souffrances ne font qu’une insignifiance par rapport à l’histoire pluriannuelle, plurimillénaire des peuples. Et ce qui doit nous préoccuper, ce sont les difficultés auxquelles notre peuple est confronté.
«Je suis persuadé de mon invitation à détourner le regard de l’abîme d’où nous émergeons, pour le fixer résolument sur le sommet vers lequel nous nous hissons pour une prise en charge adéquate des problèmes de notre peuple. Pour ma part, vous pouvez compter sur ma ferme détermination, ma ferme volonté, de ne rien laisser faire obstacle à l’ambition que je nourris pour le Sénégal, à l’ambition que je nourris pour l’Afrique. Quelles en seront les modalités ? Je sais bien que c’est une grande question. Que va faire Idrissa Seck ? Confronté à la même question, à peu près, l’ancien Premier ministre du Général de Gaulle, Georges Pompidou, avait une réponse. Il disait qu’il n’avait pas un avenir politique, mais qu’il avait un passé politique. Moi aussi, j’ai un passé politique, mais je ne sais pas si j’aurai un avenir politique. Peut-être qu’avec le soutien du peuple sénégalais j’arriverai à avoir un jour les destinées de notre Nation».
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