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Politique

« Il n’y a pire régression que d’avoir des velléités d’installer son fils au pouvoir » Selon SERIGNE MBAYE THIAM

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« Il n’y a pire régression que d’avoir des velléités d’installer son fils au pouvoir » Selon SERIGNE MBAYE THIAM
Ancien député, ancien rapporteur du budget, Serigne Mbaye Thiam est réputé être un des plus grands polémistes du Parti socialiste. Dans l’entretien qu’il a accordé à la rédaction du journal la Sentinelle, Serigne Mbaye Thiam a flétri les vélléités de dévolution monarchique du pouvoir. Il s’est aussi prononcé sur le débat en cours au sein de Benno, la candidature de Wade, l’histoire de la Communauté rurale de Touba, entre autres sujets. Sans détour…

La Sentinelle : L’opposition sénégalaise a organisé samedi dernier une grande marche pour dénoncer les tares de la société sénégalaise. Quel bilan en tirez-vous ?

Serigne Mbaye Thiam : Je crois que pour faire l’évaluation de cette marche, il faudrait l’examiner sur deux angles. Le premier angle, c’est l’objectif qui est visé par une marche de protestation. Le premier objectif c’est d’attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur les dérives, sur les désaccords que l’opposition a, vis-à-vis du pouvoir. Du point de vue de cet objectif de communication et de focalisation de l’opinion sur les sujets de préoccupations des Sénégalais, la marche a été une réussite. Pendant pratiquement 72 h, à la veille de la marche, le jour de la marche et le lendemain de la marche, l’attention de l’opinion nationale et internationale a été appelée sur ce qui ne va pas au Sénégal. Maintenant il y a un autre objectif qui était visé. C’est celui de drainer le maximum de Sénégalais autour de cela. Si on en juge par la mobilisation, par l’évaluation qui a été faite par les organisateurs là aussi les objectifs ont été atteints dans le contexte où la marche a été organisée. Je crois que chaque fois que nécessaire, l’opposition sénégalaise organisera la marche ou d’autres formes de protestation pour essayer mobiliser les Sénégalais autour de leurs préoccupations et en même temps autour de l’objectif que nous visons en 2012 qui est de faire partir le régime d’Abdoulaye Wade.

L.S. - : est-ce à dire que la marche que vous avez organisée constitue un baromètre pour mesurer l’adhésion du peuple à votre discours ?

S. M. T. - : Non, je crois que c’est une forme parce qu’à côté de la marche, si je prends l’exemple sur le Parti Socialiste, nous ne nous limitons pas seulement aux marches et aux autres formes de manifestation. Au cours de l’année 2010, le bureau politique, avec à sa tête le Secrétaire Général du parti, a visité 9 des 14 régions du Sénégal. Il a aussi fait des visites au niveau de la diaspora en France, aux Etats-Unis et en Espagne. En plus de la marche, existent d’autres formes d’activités et de manifestation, les débats, les conférences que nous organisons, constituent un baromètre pour mesurer l’état de l’opinion. A la limite, nous n’avons pas besoin de mesurer l’état de rejet de l’opinion pour le régime d’Abdoulaye Wade, c’est quelque chose qui se constate de façon évidente.

L. S. - : D’aucuns’ à l’exemple de la police, disent que vous n’avez mobilisé que 900 personnes pour votre marche ?

S. M. T : Cela se passe comme ça dans tous les pays du monde. Il y a à chaque fois une différence énorme entre l’estimation du nombre de marcheurs par les organisateurs et celle de la police. Cela ne nous gêne pas. Ce qui est important, c’est de savoir par notre propre évaluation, que réellement nous avons touché les secteurs de l’opinion que nous avions visés et nous avons fait sortir les Sénégalais.

« Vous savez on est en train d’examiner une question très complexe où au sein des partis politiques eux-mêmes, il y a des divergences sur ces questions, Il s’agit de la meilleure stratégie électorale possible en direction de 2012. Je pense que c’est n’avoir aucune expérience politique que de dire ce sont des discussions faciles ».

L. S. - : Néanmoins vos détracteurs affirment que Benno c’est juste une coalition de façade. Et que derrière la vitrine, les murs sont fissurés ?

S. M. T : Au moins, il y a une façade parce que dans une maison, c’est la façade qui est la plus belle en général. Mais je crois qu’une façade, qui aujourd’hui gère toutes les grandes collectivités locales du pays, et qui a remporté une belle victoire lors des élections locales de Mars 2009, c’est donc une façade qui me convient très bien.

L. S - : Malgré tout, Talla Sylla a quitté la coalition Benno Siggil Sénégal, pour créer Benno Taxawal Sénégal ?

S. M. T. - : Je préfère ne pas personnaliser les choses disons le Jef Jel parce que c’est le Jef Jel qui a exprimé une position. Vous savez on est en train d’examiner une question très complexe où au sein des partis politiques eux-mêmes, il y a des divergences sur ces questions, Il s’agit de la meilleure stratégie électorale possible en direction de 2012. Je pense que c’est n’avoir aucune expérience politique que de dire ce sont des discussions faciles. Elles sont extrêmement difficiles et parce que ce sont des discussions difficiles qu’il faut avoir le courage de les aborder. Les points de vue peuvent être divergentes parce que parmi les partis politiques au sein de Benno, il y a des partis qui ont des expériences, des histoires et des trajectoires différentes.

L. S. - : Certes, mais ne pensez – vous pas que le fait de reporter la décision risque d4ëtre un couteau contre benno ?

S. M. T. : Je pense qu’aujourd’hui ceux qui se focalisent sur l’urgence de définir une candidature unique sont dans un double piège. Le premier piège est celui d’Abdoulaye Wade qui a déclaré sa candidature 2 ans après son élection à la tête du pays. C’est l’anormalité. L’anormalité est de déclarer sa candidature 2 ans avant une élection. Aujourd’hui, le Sénégal va tenir les élections au même moment que la France en Mai 2012. Mais vous n’avez pas encore eu échos d’un Français qui a déclaré sa candidature. Le premier piège c’est qu’ Abdoulaye Wade s’est déclaré candidat pour pousser les gens de l’opposition à en faire de même. De cette manière, tout le débat national va porter sur les activités de ces 2 ou 3 candidats qui se sont déclarés afin de détourner les Sénégalais sur le problème des délestages, des inondations. Les Sénégalais sont en train de tomber dans ce piège en disant que la question centrale est celle de la candidature. Le deuxième piège, c’est qu’aujourd’hui, ceux qui pensent que la question la plus importante, la plus cruciale, la plus urgente est de désigner un candidat unique sont en train d’être pris dans le piège de la personnalisation du pouvoir. Benno veut examiner ces questions là. Nous avons une méthodologie de travail. Nous pensons que cette méthodologie est la meilleure parce qu’adopté par 38 des 39 partis de Benno. Je pense qu’il n’est pas urgent de désigner un candidat. Il y a des choses plus importantes. Il faut s’accorder sur l’ordonnancement institutionnel et sur un programme et s’entendre sur les pouvoirs de l’exécutif, du législatif et du judiciaire pour que les gens discutent de façon impersonnelle.

L. S. - : Mais est ce que ce ne serait pas une erreur que de vouloir élire un président de transition ?

S. M. T. : Nous n’avons pas dit cela. Benno Siggil Sénégal n’a pas indiqué de candidat pour la transition. Benno ne l’a dit nulle part.

« Dans une discussion, tant que l’on n’a pas épuisé l’ensemble des possibilités d’accord, les gens doivent avoir la maturité de rester et de continuer la discussion. Les 38 partis de Benno adhèrent toujours à ce processus ».

L. S. - : Mais certains le soutiennent

S. M. T. : C’est ça la richesse du débat. Certains au sein de Benno pensent qu’il faudrait prendre un candidat de transition qui va rester pendant 2 ans, d’autres pensent que ce n’est pas une bonne solution, une bonne stratégie. Benno a une commission pour discuter de cette question là parce qu’il faut faire la différence entre deux choses. Beaucoup de gens ont fait cette confusion quand Benno a sorti sa déclaration suite à son dernier séminaire. Benno avait annoncé qu’il s’inscrivait pour une période de transition. Mais la transition signifie passer d’un état A à un état B. Alors dès l’instant que nous voulons mettre en place une nouvelle République avec une nouvelle constitution et une charte des libertés, de la démocratie et de la bonne gouvernance, on passe du régime politique actuel à un nouveau régime donc nécessairement il y a une période de transition. Maintenant, il est dit qu’on peut avoir une période de transition sans avoir un gouvernement de transition.

L. S. - : Pensez-vous que la sortie de Talla Sylla de Benno puisse vous défaire de quelques militants ?

S. M. T. : Je préfère ne peux parler de personne. Mais, il y a un parti membre de l’opposition qui est membre de Benno qui a pensé que la démarche de la coalition ne lui convient pas et qui sort. On n’a pas d’observation sur cela. Ce que l’on constate c’est qu’il y a des membres de Benno qui continuent le processus avec nous. Maintenant je ne peux pas préjuger qu’à un moment du processus il y aurait un parti qui sentira que le processus ou la stratégie politique ne lui conviendrait et déciderait d’avoir une autre attitude. En tout cas, dans une discussion, tant que l’on n’a pas épuisé l’ensemble des possibilités d’accord, les gens doivent avoir la maturité de rester et de continuer la discussion. Les 38 partis de Benno adhèrent toujours à ce processus.

L. S. - : Monsieur Thiam, en tant que démocrate, pourquoi ni le Ps, ni les partis membres du Benno Siggil Senegaal encore moins que ceux du pouvoir, le Pds en tête, ne se sont pas prononcés sur l’affaire de la communauté rurale de Touba qui est une sorte d’attentat à la démocratie, avec la démission forcée du Président de la communauté rurale ?

S. M. T. : Vous dites que le président du conseil a été démis. Je rappelle que l’élection du Président de la communauté rurale se fait par suffrage indirect. Ce n’est pas une élection au suffrage universel. Ce sont les conseillers ruraux qui se réunissent et font l’élection du président de la communauté rurale. Il est récurrent dans les conseils municipaux et les conseils ruraux d’avoir des motions de défiance ou qui refusent de voter le budget ou qui boycottent le conseil parce qu’ils pensent que le président du conseil n’est plus représentatif. Que les conseils qui l’ont élu fassent de la défiance vis-à-vis d’un président de conseil rural ou d’un maire est conforme à la démocratie. Mais dans tous les cas, les démocrates doivent rester attachés à la démocratie et aux valeurs de la République. Je crois que le Sénégal a été construit par les pères fondateurs, Senghor, Mamadou Dia et d’autres. On est fier d’avoir hérité d’une République et on est fier d’avoir franchi des pas importants dans la mise en place de la démocratie avec des difficultés. En 2000 tout le monde était fier de la démocratie sénégalaise. Tous les républicains et les démocrates doivent préserver ça, quelque soit ce que cela coûte.

L. S. - : En 2000, nous avions une démocratie, en 2010 qu’est-ce qui se passe ?

S. M. T : Abdoulaye Wade a été élu sur la base du respect des règles démocratiques. Depuis qu’il s’est installé il a tout fait pour essayer de faire régresser la démocratie. Il n’y a pire régression que d’avoir des velléités d’installer son fils au pouvoir.

« Quelle est la motivation de ces réalisations ? C’est l’argent. Si vous ne réalisez pas de travaux, vous ne pouvez détourner ? Vous ne pouvez pas. La motivation de tout ça c’est l’argent ».

L. S. - : Parlons un peu des 3 grosses affaires qui défraient la chronique au Sénégal (inondations, Global Voice, Senelec). Au-delà des marches, comment l’opposition compte-t-elle faire pour faire face ?

S. M. T. : La seule façon de mettre fin à ces scandales là, c’est de faire partir Abdoulaye Wade. Ce que l’opposition compte faire, c’est de se battre sur le terrain politique pour la conscientisation des Sénégalais et pour faire partir Abdoulaye Wade. Ces scandales sont à mon sens consubstantiel et inné au régime de Wade. Vous vous souvenez du premier Cd-rom d’Idrissa Seck, son plus proche collaborateur qui a indiqué qu’une fois le Président Abdoulaye Wade ait prêté serment et rentré au palais, l’une des premières phrases qu’il a eue à prononcer, c’est que « nos problèmes d’argent sont terminés ». Quelqu’un qui rentre au palais pour la première fois et qui vient de prêter serment, ne pense pas aux difficultés des Sénégalais dans le domaine de la santé. Je pense à la limite il devrait éprouver de la peur face aux différents défis à relever. Les défis en matière de santé, d’éducation, d’agriculture… Mais l’une des premières phrases qu’il prononce c’est « nos problèmes d’argent sont terminés ». Est-ce que sur la base de cela, les sénégalais peuvent être étonnés que son règne soit jalonné de scandales.

L. S. - : Vous ne soulevez que les aspects négatifs du régime de Wade. Au niveau des infrastructures il a réalisé quelque chose au niveau de l’agriculture avec la Goana. Nous pouvons aussi citer les machines agricoles qu’il a données au monde rural, il est en train de faire des choses.

S. M. T. : Quelle est la motivation de ces réalisations ? C’est l’argent. Si vous ne réalisez pas de travaux, vous ne pouvez détourner ? Vous ne pouvez pas. La motivation de tout ça c’est l’argent. Aujourd’hui on nous dit qu’on a injecté dans la Senelec 720 milliards frs Cfa. Le régime a trouvé sur place 35O mégawatts. Le gouvernement révèle qu’il a porté cette capacité à 550 mégawatts soit un rajout de 200 mégawatts. Je fais économie des mégawatts du barrage de Manatali et de Gti, qu’ils ont comptabilisé pour leur propre compte. Je ne rentre pas dans ces détails. Je précise seulement qu’avec 500 milliards de frs Cfa, on peut rajouter 400 mégawatts de plus. Avec 720 milliards de Frs Cfa on aurait pu ajouter 700 mégawatts à peu près. Et en ce moment là on serait en surproduction d’électricité. Un gouvernement qui a un budget de 1000 milliards par an même si le Président ne fait rien et laisse seulement les fonctionnaires travailler, ces fonctionnaires vont exécuter des choses. On ne peut avoir tout cet argent et ne rien faire. Saurait été le comble. C’est normal qu’il y ait des choses, mais à quel prix ?

L. S. - : Le débat porte aujourd’hui sur l’illégalité de la candidature de Wade soulevé par le professeur Pape Demba Sy. Quelle est votre position à ce sujet ?

S. M. T. : Sur cette question, nous allons laisser aux spécialistes le soin de se prononcer parce que ce sont des constitutionnalistes, des juristes. Maintenant lorsque la candidature de Wade sera avérée, c’est-à-dire lorsqu’elle aura été déposée au niveau du Conseil constitutionnel, en ce moment, au niveau du parti socialiste nous allons prendre l’avis de nos avocats et de nos juristes. Si, sur les bases de leurs conseils, nous nous rendons compte que sa candidature est non conforme à la constitution, en ce moment nous emprunterons les voies judiciaires pour dénoncer cette candidature. Moi j’examine la candidature de Wade sous l’angle politique et de la légitimité. Vous savez, on a aujourd’hui en Afrique trois présidents qui ont plus de 80 ans. Il s’agit de Robert Mugabe du Zimbabwe qui a 86 ans, Abdoulaye Wade du Sénégal qui a 84 ans et Hosni Moubarak d’Egypte qui a 82 ans. Avouez qu’être dans une liste où Robert Mugabe est le premier n’est pas une référence. Ces présidents ne sont pas une référence en termes de démocratie. Au niveau mondial, 5 chefs d’Etat ont plus de 80 ans. A ces trois, il faudrait ajouter le roi Abdallah d’Arabie Saoudite et l’émir du Koweït. Ils ne sont pas non plus des références pour la démocratie. Ce n’est pas une honte que d’avoir 80 ans. Mais il doit y avoir une fin à tout. Le journaliste doit aller à la retraite, l’instituteur aussi, idem pour le magistrat puisque biologiquement ou physiologiquement ils n’ont plus toutes leurs capacités pour pouvoir juger ou pour enseigner. Il doit y avoir un âge à tout. Et je pense que vouloir faire d’Abdoulaye Wade coûte que coûte le candidat de l’Alliance sopi pour demain ou pour toujours, confirme que ses partisans sont vraiment sadiques. Lui en acceptant ça il est masochiste.

L. S. - : Ses partisans vous rétorquent que vous avez eu à faire présidé les Assises nationales par Amadou Makhtar Mbow qui a à peu près le même âge que Wade. S’il a été en mesure de tenir les Assises, Abdoulaye Wade doit pouvoir diriger le Sénégal.

S. M. T. : Je crois que c’est flatteur pour les assises nationales de faire le parallèle entre le président des Assises et le Président de la République. Interrogé sur une éventuelle candidature à la présidentielle, Amadou Makhtar Mbow a décliné de façon nette et claire, l’offre. Ce qui démontre sa sagesse. C’est différent d’Abdoulaye Wade. Je crois présider une entreprise telle que les Assises nationales et présider un pays, ne sont pas identiques. Il y a une fin en tout. Abdoulaye Wade aurait pu placer son mandat actuel sous un mandat d’ancrer la démocratie et de quitter la tête haute mais de ne pas quitter le pays sur la base de combinaison qu’il aurait essayées et qui auront échouées. En ce moment, ça pourrait ternir tout ce qu’il aura pour le Sénégal, notamment dans la lutte pour la démocratie.



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