INVASION BLEUE A THIES - Démonstration de force des libéraux : Un meeting aux allures d’un thiant

La journée du samedi 11 novembre restera gravée dans la mémoire des Thiessois. En lieu et place d’un meeting, le Président Abdoulaye Wade a plutôt eu droit à un «Thiant» dans une ville mise sous la coupe réglée de forces de l’ordre particulières. C’est grâce aux éléments de Cheikh Béthio Thioune que la grande mobilisation annoncée a été sauvée. M Béthio devrait être remercié pour services rendus.

A-t-on assisté à un meeting ou à un «Thiant» à Thiès ? C’est la question que se posent tous ceux qui ont assisté à l’évènement. Le méga-meeting qui était annoncé comme celui de tous les dangers a finalement vécu, sans incident majeur. Cependant, l’ampleur de la manifestation peut se mesurer depuis Dakar. On se croirait aux veilles du Magal de Touba. Entre Patte-d’oie et Bargny, les automobilistes sont obligés de faire trois heures pour circuler librement. Des cars «Ndiaga Ndiaye» conduisant des militants Pds à Thiès sont à l’origine de ces désagréments.

ETAT DE SIEGE

La population thièssoise et même les militants des autres partis de l’opposition étaient condamnés à l’enfermement, à la peur, au danger permanent et, en définitive, à une dépendance quasi névrotique vis-à-vis d’une «armée d’occupation». Il faut se vêtir aux couleurs des libéraux ou arborer une photo à l’effigie du marabout Cheikh Bethio Thioune pour avoir accès à certains lieux. En effet, le Parti démocratique sénégalais (Pds) a déployé un énorme dispositif de sécurité. La ville était comme dans une zone en état de siège. On aurait dit qu’on assistait à un putsch. Toutes les artères sont occupées par les éléments du Groupement mobile d’intervention (Gmi), armés jusqu’aux dents. Des camions remplis de «bérets rouges» patrouillent partout. L’impression était renforcée par la présence de l’«armée» de Cheikh Béthio Thioune qui a joué aussi sa partition. Des groupes de talibés armés de gourdins circulent à travers la ville. Ils sont là, selon certains Thiessois, pour faire régner l’ordre. Certaines artères principales sont même interdites à des automobilistes. Difficile d’accéder au lieu où se tient le «Thiant politique» avec son véhicule. «Vous ne pouvez pas accéder au meeting avec votre voiture», vous lance un policier.

DES TALIBES POUR FAIRE LE PLEIN

Des cars, qui viennent de toutes les contrées du Sénégal, déversent sans cesse des militants du Pds ou supposés comme tels à Thiès. Des jeunes, des femmes, tous vêtus de boubous et de tee-shirts aux couleurs des libéraux ou portant une photo du marabout Cheikh Béthio, convergent vers ce lieu connu par certains Sénégalais à travers les téléfilms du groupe dramatique «Soleil levant» de Thiès. La promenade des Thiessois, une architecture qui fait partie des réalisations de l’ex-Premier ministre et maire de la ville, Idrissa Seck, pour les besoins de l’indépendance de 2004, était, ce samedi, le point focal de Thiès. Tous les chemins menaient vers cet endroit. L’ambiance est au rendez-vous. Les chants religieux des talibés de Cheikh Béthio, relayés par la sonorisation, assurent l’animation. Certains se demandent même si c’est Cheikh Béthio qui organise le méga-meeting ou Abdoulaye Wade. «Ce n’est pas un meeting, mais plutôt un «Thiant» de Bethio», lance sous le sceau du secret un homme d’une trentaine d’année. A la place de «Sopi» ou de «Gorgui», on scande le nom de Cheikh Béthio. C’est à se demander si le Pds a des militants à Thiès. Pour la plupart, les talibés de Bethio viennent de Dakar.

A quatorze heures, on commence à servir le déjeuner. Difficile de savoir si tous ceux qui s’affairent autour des plats sont là pour le meeting ou pour se remplir le ventre uniquement. Les plats étaient distribués par les talibés de Béthio, qui essaient au moins de faire régner l’ordre.

A 15 h 30, on annonce l’arrivée prochaine du secrétaire général du Pds. Cheikh Béthio monte à la tribune centrale. C’est l’apothéose totale. Les talibés crient son nom tout en levant vers le ciel des gourdins et les photos du marabout. Le mobilisateur de ce meeting donne quelques consignes à ses talibés et demande à certains de l’accompagner vers l’entrée de la ville pour accueillir Abdoulaye Wade. Commence alors la bousculade devant l’entrée principale qui mène vers les tribunes officielles. Face à cette confusion totale, qui dépasse même les Forces de l’ordre, un groupe de policiers est appelé en renfort. Ainsi, des journalistes, certains militants et talibés, qui ont des invitations, sont renvoyés.

LA DANSE DE BETHIO

C’est aux environs de 17 h 30 que le patron du parti libéral arrive, accompagné de membres de son Gouvernement. Et encore, on n’entend ni «Sopi», ni «Gorgui», encore moins Abdoulaye Wade. Le nom de «Cheikh bi» revenait toujours. Quelques rares militants du Pds essayent de crier «Sopi». Abdoulaye Wade est accueilli par des photos à l’effigie de Cheikh Béthio Thioune et des banderoles où l’on pouvait lire : «En 2007, je vais réélire Abdoulaye Wade» ou encore «Salif Bâ, avec Cheikh Béthio pour le triomphe de Wade en 2007». Sur le podium, le marabout-vedette esquisse des pas de danse avant de prendre le micro. «Kou nguène andal ?» (NDLR : Vous soutenez qui ?), crie-t-il. «Cheikh Béthio», répondent les talibés en chœur. «Kou mom Thiès ?» (Ndlr : Thiès appartient à qui) ? «Cheikh Béthio», répondent encore les talibés. Et, le marabout de rectifier ses «militants». «Non, il faut dire Abdoulaye Wade !».

Quand le marabout prend la parole, c’est le désordre total. Les talibés se bousculent pour écouter affablement son discours. Tout au long de son allocution, il n’a cessé de faire l’éloge du chef des libéraux. Le crépuscule commence déjà à s’installer. Et après Béthio, c’est au tour de Wade de prendre la parole. Avant même de terminer son «speech», certains disciples de Cheikh Béthio quittaient les lieux pour prendre un peu de recul. «C’est le Cheikh qui nous amène ici et puisqu’il a terminé son discours, on se retire», disent-ils, en sortant de la foule. En effet, tout au long de son discours, Wade n’a été applaudi que lorsqu’il prononçait le nom de Cheikh Béthio ou lorsque ce dernier demandait à ses talibés de le faire.

Ainsi, c’est aux environ de 18 h 30 que s’achève le grand rendez-vous du 11 novembre de Béthio et ses talibés. Toutefois, dans certains quartiers comme celui de Som, des gens, qui reviennent du meeting, crient le nom de Idy et Rewmi. Sont-ils vraiment des militants du Pds ? La réponse peut-être trouvée du côté de Randoulène au quartier Malick Kairé où le responsable Ibrahima Diagne a donné à des jeunes des tee-shirts et à chacun la somme de 2000 francs Cfa pour qu’ils assistent au meeting.