A l’instar de Léopold Sédar Senghor, Me Abdoulaye Wade peut aussi utiliser le fameux article 35 de la Constitution d’alors, devenu l’article Article 39 de la nouvelle Constitution, pour organiser sa succession. C’est en tout cas l’avis de Jean Paul Dias, leader du Bloc des centristes gaïndés (Bcg) et non moins «aîné de la grande famille libérale», que Me Wade a voulu reconstituer en un moment. Dias s’est prononcé sur cette question, sur d’autres comme les retrouvailles Wade Idy, et sur des questions d’actualité. Tout dans une interview, après des semaines d’hibernation. Une interview à déguster, et bien déguster, car Dias considère qu’il est souvent mal compris dans sa communication.
Depuis quelque temps, le débat bascule vers la succession de Wade, comment voyez-vous cette succession à la tête du Pds et à la tête du Sénégal ?
La succession de Wade à la tête du Pds se fera entre ceux qui sont membres de ce parti. Nous (Ndlr : Dias et Idy), ne sommes pas concernés. Mais à la tête de l’Etat, c’est autre chose. C’est vrai qu’il peut organiser les choses, d’une manière indirecte, qu’on revienne au système de l’article 39, et tel que le pays fonctionne, il serait très difficile à contrer. Mais je ne pense pas que ce soit la meilleure chose, parce que dans ce cas, le Sénégal reculerait de quelques années. D’autant que lui avait été hostile à cet article 39 à l’époque. C’est vrai qu’il peut le faire. Mais pour sa succession à la tête de l’Etat, beaucoup de gens sont candidats, et je m’étonne qu’on ne me cite pas, parce que je suis candidat aussi.
Où en êtes-vous avec votre retour déclaré au Pds ?
Je ne comprends pas votre question. Qui a dit qu’il y avait un retour déclaré au Pds ? Si quelqu’un l’a dit, dites-moi qui c’est. Mais vous n’avez jamais entendu le Bcg, son leader ou ses responsables, donner cette information. Ce qu’il y a eu, c’est que le président de la République, soucieux de rassembler sa famille, les personnalités que l’on considère comme étant ses enfants, et qui s’acceptent peut-être comme tel, m’a demandé de venir le rencontrer. Ce que j’ai fait avec deux autres compagnons. Nous avons discuté. Maintenant, il n’y a pas eu de suite, parce qu’on ne m’a pas rappelé. Le Bcg est un parti souverain, indépendant, autonome, qui est sur l’échiquier politique, qui compte continuer d’agir. On n’en est pas à ce stade-là. Ce n’était pas l’objet de la rencontre. Parce qu’on peut se retrouver sous diverses formes. La fusion n’est pas la seule forme. Si ça devait se faire, il est possible d’y arriver mais sous diverses formes. Ça peut être une association, une coalition, ça peut être n’importe quoi. Mais il n’y a pas eu de réponse ce jour-là, ni une demande de réponse après.
Après les propos tenus par Wade sur Idy, pensez-vous que la grande famille libérale peut se reconstituer avec Dias, Idy et Fada ?
Le dernier que vous venez de citer est dans le Pds, il a dit, qu’il n’a jamais quitté le Pds. Pour ce qui concerne les autres, il y a des disputes, de la discorde, des malentendus. C’est là justement que je désapprouve le président de la République dans ses sorties. Parce que je suis l’aîné de la famille. Et on devrait solliciter l’aîné justement, pour être intermédiaire et régler les problèmes. Le chanteur a dit : «Bou bay diakhléé Taaw lay woo» (quand le père de famille n’a plus de solution, il appelle l’aîné de la famille). Donc il devait demander à l’aîné d’intervenir pour régler le problème, mais il ne l’a pas fait. Je ne suis pas d’accord avec ses attaques parce que ce n’est plus son rôle dans la position où il se trouve. Malheureusement, autour de lui, il n’y a plus personne pour lui dire la vérité. Pour lui dire : «Tu as été réélu président de la République, tu n’as plus à aller te disputailler avec qui que ce soit. Surtout quand tu parles de réunir les gens». D’abord il doit être le Président non seulement des libéraux, mais de tous les Sénégalais. Des socialistes, des communistes etc. Il n’y a pas de raison qu’il puisse travailler dans son gouvernement avec des socialistes, des communistes, et d’autres qui ont des idéologies différentes, et ne pas le faire avec des libéraux, centristes ou autres. Les attaques que vous venez d’évoquer n’empêchent pas des retrouvailles.
Si Wade vous demande de rassembler les libéraux, êtes-vous prêt à faire revenir Idrissa Seck dans le Pds ?
Aujourd’hui je dis et je répète que je suis l’aîné de la famille. Et jusqu’à l’heure où je vous parle, j’ai une légitimité à l’intérieur du Pds. Même si par extraordinaire, demain Idrissa Seck devenait le président de la République, ceux qui sont actuellement dans le Pds, c’est moi leur garantie. C’est moi qui empêcherai Idrissa Seck, si tant est qu’il en ait l’intention, d’exercer des représailles. Donc je peux parler avec tout le monde. Le problème ce n’est pas que tout le monde se retrouve dans le Pds. Il est possible qu’il y ait des formules et des étapes. L’objectif étant de réunir les gens. Aux Usa vous avez des Etats mais ils sont tous unis dans une fédération. Il y a des choses qui sont de la compétence de la fédération, et d’autres de la compétence des Etats. Il ne faut pas exiger que tout le monde vienne se fondre dans le Pds. Parce qu’aujourd’hui, ça ne peut pas marcher. Il y a à l’intérieur du Pds, des gens qui étaient mes militants et qui sont devenus milliardaires. Donc, si je dois entrer en compétition avec eux, il faut une mise à niveau me concernant. Pour vous dire que les choses ne sont pas simples. Ce n’est pas une religion, ou un Dahira. Il ne suffit pas de dire aux gens revenez. Ça ne peut pas se passer comme ça. Depuis des années des gens ont eu un parcours. Ce qui est important, c’est peut-être d’œuvrer pour le pays. Je suis celui qui peut amener la concorde dans la famille.
Est-ce que Idrissa Seck vous regarde toujours comme l’aîné de la famille ?
Mais je suis l’aîné de la famille. Il le sait, il m’appelle grand. Il le sait.
On a entendu qu’il y avait des problèmes entre vous suite aux investitures sur les listes législatives, de la coalition Jamm Ji, qu’en est-il vraiment ?
Il n’y a rien eu de tout ça. En vérité, nous avions créé une coalition : « And liguey Sénégal », avec Rewmi. Mais comme Rewmi du point de vue légal n’est pas reconnu, c’est le Bcg et d’autres partis, qui constituaient la coalition. Bien entendu, le groupe Rewmi était le groupe largement majoritaire dans la coalition. Nous avions signé des accords avec Rewmi. Par la suite, il y a eu une coalition plus étendue qui a été mise en place et qui s’appelle « Jamm Jii ». Dans cette coalition, les signataires sont le Ps la Ld, et le Bcg. Etant entendu que le Bcg portait sur son dos les autres partis et Rewmi. Maintenant le Ps a passé son temps à dire Ps, Ld, Rewmi. Nous n’avons jamais pris ombrage de ça. Les arrangements que nous avions eus avec Rewmi pouvaient difficilement s’appliquer dans la coalition « Jamm Jii ». Il y a eu quelques incompréhensions, mais ça n’a entraîné ni rupture, ni dissensions. Les uns et les autres ont finalement compris. Nous attendons à voir, puisque certains remettent en cause la coalition « Jamm Jii ». Nous attendons de reprendre notre coalition, si elle peut avoir lieu. Si elle n’a pas lieu, le Bcg ira seul aux législatives.
Les rencontres initiées par Me Wade à la veille e la campagne électorale n’ont-elles pas porté préjudice à votre candidat ?
Ça a quelque part pénalisé notre groupe. Il y a eu de la mauvaise compréhension de l’électorat. Encore que l’émission radiophonique à Sud Fm a pu rattraper certaines choses, mais n’a pas tout rattrapé. Parfois en politique, on est incompris. C’est dans la communication de l’homme politique que l’erreur se fait. Je n’ai pas l’habitude de rendre public ce que je discute à l’intérieur et dans le secret d’un cabinet. Ça peut amener effectivement à des incompréhensions. Ces rencontres-là ont impacté négativement sur les résultats de notre candidat.
Etiez-vous partagé entre le père et le frère durant la campagne électorale où on ne vous a pratiquement pas vu aux côtés de Idy?
Vous L’Observateur vous ne m’avez pas interrogé. Les autres journaux et les radios, pareils. C’est ce que j’ai constaté. A partir de ce moment-là, vous ne pouvez pas m’entendre. Deuxièmement, mon candidat avait opté pour s’adresser au public, aux électeurs à partir de son véhicule. Donc vous pouviez être dans la délégation, comme ce fut le cas lorsque j’étais dans la délégation lors du meeting de clôture. Et personne ne m’a vu. Vous pouvez être dans la délégation dans une voiture et personne ne vous voit. Parce qu’il n’y avait pas de tribune, ni de meeting etc. C’est dû un peu à cela. Ensuite nous avions un travail particulier à faire. Par exemple, on travaillait activement dans le directoire où leur expérience d’élections nationales a été très appréciée. Et ils ont été très utiles. Donc chacun a travaillé en fonction de là où il devait être utile. Mais pour ce qui est de m’entendre, je dois rappeler qu’au cours de cette élection, c’est le candidat seul qui devait parler. Au passage, le Bcg a tenu deux meetings, dans la région, nous avons invité la presse, qui n’est jamais venue. Mais je comprends parfaitement que la presse avait été très occupée. Parce que si chaque journal devait suivre tous les candidats ce n’était pas facile.
Même pour les félicitations, on ne vous a pas entendu féliciter Wade, pourquoi ?
D’abord parce que je n’étais pas son concurrent pour commencer. Deuxièmement, la presse et les Sénégalais sont en train d’évoluer dans l’erreur. Ils confondent la qualité, l’impact des félicitations qu’Abdou Diouf a formulées en l’an 2000 en direction de Wade, ce qui mettait un terme à tout risque, toute incertitude. On les confond avec des félicitations que n’importe qui peut formuler en direction du chef de l’Etat. Si je formule des félicitations en direction du président de la République, cela n’aura pas d’impact, c’est sans objet. Parce qu’il sait très bien que dans un passé récent, je me suis battu pour qu’il soit président de la République. Là où ceux qui aujourd’hui lui mangent dans la main et disent être ses amis, le combattaient durement et le mettaient en prison. Donc je ne suis pas jaloux qu’il soit réélu. J’ai simplement dit il n’y a pas eu la transparence qu’il devait y avoir dans le scrutin.
Si vous étiez aujourd’hui aus côtés de Wade qu’est-ce que vous lui aurait demandé de faire ?
Le vrai sujet, c’est d’aller dans le sens de ce que Thierno Abibou Tall a dit récemment en direction du président de la République. Il doit survoler la classe politique. Il doit faire le dépassement. S’il y a des problèmes de fond à régler avec tel ou avec tel, à titre personnel, qu’il les règle. En tout cas moi, si je suis associé, je suis prêt à aider à les régler. Parce que, autant je tiens un langage de vérité en direction du président de la République, autant je tiens le langage de vérité en direction de Idrissa Seck. Si dans un débat je sens que c’est Wade qui a raison je dis à Idrissa Seck que c’est toi qui as tort. Donc la première chose c’est qu’il fasse ce dépassement. Qu’il exerce la mansuétude. Ensuite, pendant qu’on y est, avant sa prestation de serment, tous ses compétiteurs, il doit les appeler en audience. Qu’ils l’aient attaqué ou pas, il doit discuter avec eux et les écouter. Ensuite pour sa prestation de serment, il doit inviter tous ses adversaires, tous les leaders de l’opposition parlementaire et les leaders de partis représentatifs au Sénégal. Pour être le Président de tous les Sénégalais. Au lieu d’être là à invectiver ou à indexer les uns et les autres. Autour de lui, il n’y a pas assez de caractère pour lui dire la vérité.
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