Jean Paul Dias à propos de la victoire de Wade : «J’accuse le Peuple Sénégalais….»

L’As : Me Wade vient de remporter les élections au premier tour avec plus de 55 %. Comment expliquez-vous ce plébiscite ?

 

Jean Paul Dias : Ce n’est pas un plébiscite, c’est le fruit de la fraude. Je connais leurs méthodes pour avoir été le directeur général de la brigade anti-fraude au Pds. Donc, je connais bien ce dont je vous parle. J’accuse le citoyen Sénégalais. C’est lui que je rends responsable de ce qui arrive. Certains citoyens ont eu des attitudes infra citoyennes. C’est-à-dire, tous ces jeunes, toutes ces femmes qui ont accepté qu’on leur rachète leurs cartes d’électeurs. Tous ceux qui, mandataires ou pas, ont accepté contre de l’argent de voter plusieurs fois avec des cartes d’électeurs où  figuraient des noms d’emprunts sur lesquelles figurent leurs propres photos, mais avec des noms de leurs pères. Tous les fonctionnaires, qu’ils soient au niveau territorial ou central qui ont participé à cette fraude sont des citoyens, ils sont responsables. Tous ceux qui ont accepté de l’argent pour donner des consignes de votes sont responsables. Donc c’est le citoyen sénégalais en fin de compte que j’accuse. C’est lui qui a eu une attitude infra citoyenne, tout est venu de là. Il n’y a pas de triomphe, y a rien du tout, il y a un mécanisme qui a été mis en place, qui a ajouté à la rétention des cartes. C’est-à-dire que les gens ont simplement mis en exécution ce que l’ancien régime faisait. Ce sont les mêmes méthodes parfois affinées qu’ils ont mises en place. En fait, les tenants du pouvoir n’ont fait que reproduire les méthodes en les civilisant, mais c’est exactement les mêmes. Et puis, il y a aussi le manque de vigilance des partis politiques représentés dans le bureau.

 

 On dit que c’est le bilan positif de Wade qui explique son plébiscite ?

 

C’est absolument faux. Si Wade avait un bilan, il n’aurait pas eu besoin de fraudes pour passer. Je ne parle pas de Wade en personne, mais  de son système. Le système au pouvoir.

 

Il semble également que Wade a gagné parce qu’il n’a pas son alter ego, un leader de sa dimension à cette élection.

 

Ça, ce n’est absolument pas vrai, c’est faux, je peux vous dire aujourd’hui qu’un homme politique comme Idrissa Seck est de sa dimension.

 

Vous disiez que vous êtes le fils aîné de la famille à l’issue de votre audience avec Me Wade. Est-ce que cela veut dire que vous  êtes prêt à retourner à la maison du père ?

 

       Le Président m’a appelé à un entretien, je suis sorti et j’ai dit que cet entretien est politique. Je n’ai pas l’habitude de révéler ce qui se dit dans un cabinet. Il n’y avait pas d’ailleurs de secrets, car il y avait ses collaborateurs ainsi que deux de mes collaborateurs. J’ai dit que nous avons un entretien politique, un point c’est tout. Je vous fais observer que d’autres ont été reçus plusieurs fois alors que moi je n’ai été reçu qu’une  seule  fois. C’est lorsque la question m’a été posée à propos de la reconstitution de la famille libérale, que je leur ai dit que si le père de famille parle avec ses divers enfants, il est tout à fait normal qu’il me contacte car de tous ceux qui, à un moment ou à un autre, ont eu à, paraître comme des poulains de Wade, je suis l’aîné de la famille et cela personne ne l’a contesté. Mais ça n’enlève en rien que nous avons un candidat qui est également de la famille, on ne l’a pas caché, c’est Idrissa Seck et nous l’avons présenté. Il n’y a pas de mal. Maintenant, c’est à Wade de dire s’il veut réunir la famille ou pas. Si oui, comment, ce n’est pas à moi de le dire.

 

Le lui avez-vous dit à l’époque ou aviez-vous promis de le soutenir ?

 

 Le Président ne m’a pas demandé de le soutenir. Je vous dis qu’il y avait des témoins, mais il ne me l’a pas demandé.

 

 Qu’est-ce qu’il vous a dit alors ?

 

Je ne vous le dirais pas. Je n’ai pas l’habitude de raconter ce qui se dit dans le secret d’un cabinet. Allez lui demander s’il m’a demandé de le soutenir. Donc, ce n’est pas nécessaire, parce que lui-même savait que nous avions un candidat. Ça n’a rien à voir. Mais nous, nous sommes issus des flancs du Pds, ce n’est un secret pour personne, mais nous sommes des centristes, des Bcg.  

 

Vous vous remuez beaucoup, mais on ne vous a pas senti au cours cette campagne. Qu’est-ce qui explique votre silence ?

 

Mais aucun journal, aucune radio en dehors de Sud Fm qui m’a appelé à la fin n’a essayé de m’interroger. En toute honnêteté, si vous n’étiez pas venu aujourd’hui, je ne vous aurais pas appelé, vous en convenez. Puisque personne ne m’a interrogé, j’ai attendu qu’on m’appelle. Mais je signale au passage qu’on a participé activement aux actions de notre candidat. A titre personnel, le Bcg tout seul a tenu deux meetings très importants à Grand Yoff et à Guédiawaye. Malheureusement, la presse qui avait été invitée n’a pas répondu, à l’exception de la radio oxyjeunes. Si personne ne m’interroge, personne ne va m’entendre.

 

 Certains disent que vos rapports avec Idy ne sont pas au beau fixe depuis la publication de la récente liste de la coalition Jamm ji. N’est-ce pas qui explique votre réserve. 

 

D’abord, ce n’est pas tout à fait vrai. De toute façon, ce n’est pas lié. D’abord, c’était des élections législatives, mais ici c’est une élection présidentielle ou nous avons notre candidat donc ce n’est pas lié, ça n’a rien à voir.

 

Mais, c’était le début du désamour, de la friction ?

 

Ça n’a rien à voir. Effectivement, je pense maintenant que nous devons nous orienter vers les législatives. Je pense que c’est ça l’intérêt du moment.

 

 Donc il n’y a pas de friction entre Idrissa Seck et vous ?

 

 Non pas du tout, on s’est parlé encore hier. Il n y’a pas de problème.

 

Mais est-il du même avis à propos de ce scrutin ?

 

Vous l’interrogerez, je ne suis pas son porte-parole. Ce que je dis est le fruit de mon analyse. Il y a eu une fraude, mais fraude dans laquelle le citoyen Sénégalais est acteur. Il ne faut pas qu’il vienne se plaindre demain. Et d’ailleurs, les politiques que nous sommes, doivent en tirer des leçons. Aujourd’hui, il n’y a que trois attitudes à adopter. Pleurnicher ou remettre en cause quoi que ce soit est une perte de temps. La première attitude, c’est de faire ce que Wade faisait dans le passé, c’est-à-dire soulever le peuple si on en a la possibilité. La deuxième, c’est de se soumettre purement et simplement comme ce qui se  passe, comme le peuple est en train de le faire. La troisième attitude est d’accepter demain quand quelqu’un est invité à aller dans le gouvernement qu’il le fasse comme Wade lui-même avait l’habitude de le faire avec Abdou Diouf. Il allait participer au gouvernement et attendait l’élection d’après.

 

Ce peuple qui a massivement voté pour lui va-t-il accepter de se soulever pour remettre en cause «son Président» ?

 

 Le peuple ne l’a pas élu. Il a été manipulé. Ce sont des citoyens Sénégalais et non des Chinois qui ont accepté de voter à plusieurs reprises. C’est eux qui ont participé à la conception, au contrôle et à la fraude. Ce sont des Sénégalais qui sont confrontés à l’augmentation du prix du riz, à l’inflation…, qui sont responsables. Nous, en tant que politiques, on a certes une bribe des responsabilités, mais, aujourd’hui, il ne sert à rien de pleurnicher. Soit on essaie de demander au peuple de sortir. Ce qu’il ne fera pas, parce qu’il est très passif. Alors, qu’il encaisse qu’il continue à encaisser. Qu’est ce que vous voulez que je vous dise. Je trouve qu’on n’a pas le droit de ne pas dire qui est responsable, parce que le responsable, c’est le peuple.

 

 Vous êtes partisan de quelle approche de l’entrisme ?

 

      Non moi je suis preneur de (il hésite). Moi seul, je ne suis pas l’opposition. Je ne suis pas tous les partis politiques. Quelle que soit l’attitude adoptée par l’opposition, je suis partant.

 

 Etes vous donc prêt à revenir auprès du «père» s’il fait appel à vous?

 

Non ce n’est pas la question, ce n’est pas la question, allez lui poser la question ? ce n’est pas la question, je vous dis (il insiste). S’il y a un homme politique désintéressé c’est Jean Paul Dias. Je signale que lorsque je quittais mon ministère en 1992, j’avais laissé 30.000 litres d’essence, aucun ministre ne l’a jamais fait. J’ai été proposé comme ministre de la Ville et j’ai refusé alors que mon nom a déjà été publié.  J’ai été consulté pour un poste secondaire, j’ai refusé. Donc je vous dis, je suis l’homme politique sénégalais le plus désintéressé, peut-être après Cheikh Anta Diop. Je crois qu’il n’y a que ces trois attitudes à avoir, or le peuple ne sortira pas, il est très amorphe.

 

 Qu’est ce qui explique la passivité du peuple ?

 

Mais c’est comme ça c’est atavique, c’est atavique. D’ailleurs je vais vous signaler une chose. Vous savez ce qui joue en défaveur de l’opposition. C’est que des observateurs internationaux sont venus. Ils ont dit dans les télévisions étrangères que les élections se sont bien déroulées. Ils n’ont pas vu des militaires emporter des urnes comme un pays que vous connaissez. Mais, ils ne savent pas que la fraude était en amont. Je vous dis que c’est un domaine que je connais un peu. Ça a été préparé en amont et mis en œuvre après, grâce à l’argent qui continue de jouer un rôle de grande importance au Sénégal.  Ce ce qui amené des candidatures fantaisistes…