KARIM vs LATIF : ON ATTEND LE DÉBAT TÉLÉVISÉ

On se souvient que sur l’affaire Me Sèye, il avait même identifié le commanditaire du meurtre. Sa Majesté, Abdoulaye Wade, juge et partie, dans sa magnanimité infinie, avait déclaré à sa descente d’avion à Dakar : « Je ne vais pas le mettre en prison. » De toute façon ce dossier est clos, les criminels libérés, la famille de la victime indemnisée. Les lois de notre démocratie ne nous permettent plus d’y revenir. Voilà un bel exemple de bonne gouvernance.

Le même Abdou Latif avait, en 2007, dénoncé un pillage à la Lonase. Beaucoup de bruit pour rien. Même nos brillants et incorruptibles magistrats n’ont pu lui donner raison. S’il n’est pas derrière les verrous, c’est juste parce qu’il porte un grigri nommé « Vérité ». Rien d’autre.

Maintenant, il parle des milliards de l’Anoci. « Le plus grand scandale politico-financier » ? Et alors ? Où est le problème ? Nous devons en être fiers. Avec la dynastie Wade que le Bon Dieu nous a imposée, tout est plus grand et plus beau chez nous. Le futur plus grand aéroport d’Afrique, la plus grande statue, le plus diplômé des présidents, le banquier le plus doué de sa génération…

Monsieur Coulibaly révèle que Karim Wade a dépensé environ 700 millions de francs pour l’aménagement de son bureau et 26 millions pour celui de son garde du corps. Qui peut le croire ? Si notre Prince que le monde entier nous envie avait fait cela, il n’aurait pas mentionné les bureaux climatisés du Parti socialiste où Tanor se vautre pour critiquer l’Anoci. C’est une question de bon sens. Même si c’est vrai, que représentent 700 et quelques millions de francs pour quelqu’un qui brasse des centaines de milliards et distribue généreusement des dizaines de millions, des billets pour la Mecque à des gens qui ont les moyens d’en acheter, des sacs de riz… ? Et puis, ne l’oublions pas, Karim dit qu’il était fortuné avant de venir développer Dakar qu’il a doté de la plus belle corniche d’Afrique, des routes les plus onéreuses de l’histoire du pays et d’un tunnel qui n’était pas indispensable, mais qui pourra dans quelques années servir de piscine municipale. Il nous a fait voir un bateau de luxe loué seulement huit milliards de nos francs pour quelques jours. Latif déclare que sur neuf projets prévus seuls trois ont été réalisés. Et alors ? C’est mieux que rien, non ? Si l’Oci s’est finalement tenue au Méridien Président qu’on a rénové avec la modique somme de 26 milliards et si une lampe a coûté dix millions de francs, c’était sans doute pour ne pas gaspiller trop d’argent. Son Altesse a pitié des populations qui souffrent.

Le journaliste évoque des dépassements budgétaires, des surfacturations et autres. Là-dessus, le fils du père de la Nation a été formel : « L’Anoci a été gérée de manière extrêmement transparente. Je peux même dire que c’est un exemple de transparence dans la gestion des affaires publiques au Sénégal. » N’est-ce pas clair comme de l’eau de roche ?

Ousmane Tanor Dieng en avait douté et Karim, qui a l’épiderme sensible, l’avait convoqué à la télé en disant : « Il peut venir avec ses dossiers, ses conseillers et tout ce qu’il veut pour débattre sereinement afin que les Sénégalais puissent juger si les accusations sont fondées ou pas. » Tanor n’avait pas répondu à cette convocation et Karim n’avait pas jugé nécessaire de dire à son papa d’envoyer des sbires le chercher et l’amener par force. Il n’avait pas non plus voulu porter plainte. Notre Prince adoré et adulé a l’art de gagner ses procès. Sachant qu’« à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », il a choisi la télé pour prendre les citoyens à témoin. Cela va sans dire que pour être cohérent et crédible, il doit croiser le fer avec Abdou Latif Coulibaly, un des hommes les plus respectés et écoutés au Sénégal et dont les accusations sont bien plus graves que celles des socialistes.

Prince Karim, votre honneur est en jeu. Allez jusqu’au bout de votre logique si vraiment votre but est de prouver à vos compatriotes que vous avez les mains propres. Pas de procès, s’il vous plait, pas de menaces, pas de saccages de locaux et pas de coups de marteau, mais un débat en direct. Si Latif se dérobe, plus personne n’osera vous accuser, mais si vous ne le faites pas, plus personne ne pourra dire à votre maman que vous avez bien travaillé, et le conte de fées n’aura pas une fin heureuse.

Bathie Ngoye THIAM.