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KEDOUGOU : Quand l’exploitation des mines est source de colère

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KEDOUGOU : Quand l’exploitation des mines est source de colère

Environnement agressé, manque d’emploi des jeunes, retard dans les réalisations du programme social. Voilà les cadeaux des sociétés minières à la nouvelle région de Kédougou. Pire, après 31 mois d'activités, les promesses tardent à se réaliser. Les populations ne savent plus à quel saint se vouer et lancent un cri de cœur. Reportage
 
Nous sommes à Kédougou. Cette nouvelle région est située à 702 kilomètres de la capitale, Dakar, dans la partie orientale du Sénégal. Elle est aujourd’hui, le point de convoitise de toutes les grandes sociétés minières implantées dans notre pays. Kédougou est à cet effet victime de la richesse de ses ressources minières dont l’or de Sabodala, les mimerais de fer de la Falémé et le marbre d’Ibel. Dès lors, les compagnies d’extraction minières ne cessent de rivaliser d’ardeur sur le terrain à la recherche du métal jaune. A Sabodala, une nouvelle communauté rurale distante de presque 100 kilomètres de la capitale régionale, se trouve une grande multinationale Australienne Minéral Deposits Limited (Mdl)   qui a investi 200 millions de dollars américains pour l’exploitation de plusieurs tonnes d’or. A quelques pas, nous apercevons les installations d’une autre société, mais cette fois-ci, canadienne, et du nom de Oromin. De l’autre coté, toujours dans le département de Saraya, près de la frontière de la République du Mali, le numéro un   mondial de la sidérurgie, le géant Arcelor Mittal, est en installation.    

Impact nocif des mines sur l’environnement

Considéré comme le château d’eau du Sénégal à cause de sa forte densité pluviométrique, la nouvelle région de Kédougou est une région à vocation agricole avec la richesse de sa faune et de sa flore. Mais aujourd’hui, la forte exploitation des ressources minières met en danger l’environnement de cette localité. A Sabodala, principale zone d’intervention des sociétés minières, la destruction de l’environnement est un phénomène qui laisse à désirer. Face à cette situation, le collectif des ressortissants de Kédougou à Dakar,   avec à sa tête Mady Camara, Ingénieur des travaux ruraux option Hydraulique, est descendu sur le terrain avec les membres de son association pour s’enquérir de l’état d’avancement des réalisations du programme social minier.
Pour M. Camara, les impacts sont extrêmement lourds car « les déchets produits, contenant dans de nombreux cas des métaux lourds et des produits chimiques, peuvent sérieusement contaminer les eaux souterraines et de surface ; les pollutions toxiques dégradent la biodiversité et les conditions de subsistance des communautés. A cela, s’ajoutent les dégâts environnementaux dus aux mines d’or. En effet, bien que d’autres techniques existent, le mercure et le cyanure restent souvent utilisés, afin d’extraire l’or, car ils représentent les solutions les moins coûteuses. Certaines sociétés minières déversent les déchets de traitement du minerai directement dans les océans ou cours d’eau, d’autres les laissent sur les sites. Et ces déchets   se répandent dans les milieux environnants.
Le principe de la réhabilitation simultanée des sites, l’ouverture et l’alimentation d’un compte fiduciaire prévu par les dispositions légales en la matière, pour parer à une éventuelle chute des cours de l’or, ne sont toujours pas appliqués. Pourtant, sur le terrain, selon les informations recueillies par le collectif des ressortissants de Kédougou à Dakar : des arbres et arbustes sont abattus, des champs et le cheptel décimés, des cimetières profanés.  

Nécessité d’un Programme Social Minier

C’est la combinaison des efforts de ces sociétés citées ci-haut et titulaires de permis d’exploitations ou de prospections minières qui a abouti à la mise en place avec l’Etat du Sénégal d'un programme social minier. Ce programme social minier, d’un coût de 3,676 milliards de Fcfa pour une durée de cinq ans a été mis sur place par l’Etat du Sénégal et les sociétés minières. L'objectif est de venir en aide aux populations riveraines de ces zones d’extraction minière par la construction d’infrastructures scolaires, sanitaires et socioprofessionnelles. Sont concernés par ce programme les villages des communautés rurales de Saraya, de Khossanto, de Missirah Sirimana de Médina Baffé et celles de la commune de Kédougou.
Aujourd’hui, deux ans après son lancement, les résultats escomptés se comptent à la pelle. Pour le collectif, ce programme social s’impose, car au regard du contenu de la fiche citée plus haut, il est évident qu’il y a nécessité absolue d’un programme social minier, comportant des mesures d’accompagnement, qui éliminent et/ou corrigent les impacts négatifs des activités minières sur l’écosystème. Les recommandations pour le suivi-évaluation du programme social minier, devront figurer dans le plan de gestion environnemental et social, qui résultera de l’étude d’impact environnemental. Ce plan de gestion environnemental devra surtout prendre en compte les préoccupations sociales des communautés vivant dans les zones minières. Dès lors que les conventions sont signées, ce programme social minier s’impose.
Réagissant à la publication des réalisations du programme social minier par le ministre d’Etat ministre des mines Me Ousmane Ngom, le collectif pense que « le programme Social Minier ne peut être considéré comme un cadeau,   encore moins comme de la charité". Pour la mise en œuvre effective de ce programme, il a été mis sur pied un Comité technique restreint, chargé du suivi - évaluation des infrastructures qui devaient être réalisées par le programme . En réalité, ce Comité ne semble ne pas fonctionner comme il le faut. Selon les Acteurs non étatiques qui opèrent dans la Région et les élus locaux, la gestion de ce fonds relève du Ministère des mines. C’est un secret de polichinelle de dire que le Président du Conseil Rural de Khossanto s’était élevé contre le fait qu’il n’était associé en rien à cette gestion, et que le Conseil dont il est le Président ne dispose d’aucun moyen de vérification et de contrôle des opérations. Par ailleurs, l’Ong «  la Lumière  » avait décrié le mode opératoire dans la gestion de ces fonds sociaux et avait exigé un minimum de transparence. Après la validation du Programme Social Minier en juillet 2006, il avait été proposé de mettre en place un mécanisme de mise en œuvre.

Réalisations du programme social minier

Monsieur le Ministre d’Etat chargé des mines, affirmait selon M.Camara:« ce programme social minier résulte d’engagements spécifiques d’investissements sociaux, négociés dans le cadre des conventions minières, au profit des populations des collectivités locales abritant les opérations minières ». Dans la même logique, il avancera : « cette conception du programme social minier nous paraît quelque peu réductrice au regard de ce qui a été dit plus haut sur les impacts sur l’environnement ».  

Nature et consistance des réalisations :

Selon les enquêtes menées sur le terrain, l’ingénieur expert en hydraulique Mady Camara nous révélera : «les Infrastructures hydrauliques ne sont que les réalisations et équipements de forages indiqués et ne nécessitent pas des grosses dépenses, quand on sait qu’il s’agit de petits forages percés dans le socle, communément appelés Forage Marteau Fond de Trou (Fmft). Leur coût est relativement modeste (moins de 10 millions de Fr cfa, y compris les équipements d’exhaure et de surface), car   ils    sont en petits diamètres sur de faibles profondeurs avec des débits faibles à très faibles, généralement équipés de pompes manuelles.
La façon dont ils sont présentés peut prêter à confusion, du fait de   l’existence d’autres forages réalisés par les différents programmes du Ministère de l’Hydraulique dans la zone». Quant aux infrastructures routières, le collectif note une totale confusion dans cette rubrique. En effet, selon le tableau de réalisations par Mdl, il y a à retenir la réhabilitation de voiries en indiquant une liste de villages de façon pêle-mêle: Sabodala-Bransa-Kayan-Khossanto-Sabodala-Mandankoling-Sabodala-Makhana. «Par contre, en consultant la carte routière du Sénégal au 1/200 000, nous nous apercevons qu’il n’y a que deux axes routiers à savoir : l’axe Khossanto – Kayan via   Mamacono, Brassan, sur 71 km et l’axe Brassan – Makhana en passant par Faloumbou et Sabodala pour une vingtaine de km», lance -t-il. Concernant les infrastructures sanitaires, il a été noté que sur la dizaine de cases de santé annoncée, quelques unes sont achevées, sans précision sur leur état de fonctionnement et sans indication de leur coût.
Ensuite, compte tenu du nouveau statut de Sabodala, de l’accroissement continu de sa population et du fait de la présence des chantiers à haut risque d’accidents de travail, mais aussi de la propagation probable des Mst comme le Sida,   il devrait être doté d’une structure sanitaire de niveau supérieur à celui d’un simple poste de santé. Ninéfécha qui ne dispose pas de mines, a bien un Hôpital moderne, malgré son implantation excentrée. Le District sanitaire de Saraya devrait disposer d’un niveau d’hôpital moderne.
Les infrastructures scolaires ne sont pas en reste car   le Collège d’Enseignement Moyen de Khossanto, d’un coùt de 100 millions de Fcfa, n’est toujours pas achevé, et son équipement est encore incomplet. Quant au Lycée Technique, Minier et Industriel de Kédougou, le collectif pense que le renforcement de ses capacités devrait porter sur son équipement en machines-outils   conventionnelles (Tours, Fraiseuses, perceuses, Plieuse, cisaille guillotine, thermo formeuse, polisseuse, appareil de soudure, etc.) et en machines outils à commandes numériques, au lieu des micro- ordinateurs. Concernant l’Immeuble conventionné affecté aux étudiants ressortissants de Kédougou par Arcelor/Mital et les bourses offertes par Mdl/Sgo, les étudiants ont déjà apporté des éclaircissements dans leur mémorandum. Seulement, une dizaine de bourses est accordée aux étudiants pour la France le Maroc et la Tunisie.  

Le problème d'emplois

Les activités minières nécessitent une main-d’œuvre abondante en général. Au cours de l’atelier du 05 mai, destiné à définir les mécanismes de mise en œuvre du programme social minier, présidé par le Ministre d’Etat Ousmane Ngom, il avait été annoncé en grande pompe, que lorsque les exploitations   minières commenceront, elles permettront la création de 10 000 à 20 000 emplois directs et indirects. C’est justement ce qui avait fait naître chez les populations locales, surtout chez les jeunes, beaucoup d’espoir. Maintenant que les mines d’or de Sabodala sont effectivement en cours d’exploitation, on avance que ces opérations exigent des ouvriers qualifiés que l’on ne trouve pas dans la région.
Ce qui continue à faire des vagues de contestations de la part des populations. Ceux parmi les résidents qui avaient pu obtenir des contrats à durée déterminée, sont en train d’être licenciés, et déjà, une bonne douzaine a reçu une notification de licenciement. Moussa Cissokho, un jeune de Sabodala rencontré sur place,, et par ailleurs animateur sur l’industrie extractive minière et Ist/Sida, très déçu de la présence de ces sociétés minières, n’ y est pas allé par le dos de la cuillère. « Les compagnies minières sont installées ici depuis 3 à 4 ans, mais jusqu’à présent, les populations ne cessent de se plaindre de beaucoup de problèmes à Sabodala tels que l’expropriation de nos terres, les licenciements abusifs dans les sociétés, le manque d’infrastructures sanitaires. Car au moment où je vous parle, l’ambulance mise à la disposition des populations, n’est pas opérationnelle », lance –t- il.
Au cours de sa visite à Sabodala, le Ministre d’Etat Ministre, chargé des Mines, soutenait que les emplois journaliers ont été réservés aux populations des villages environnants et que pour les emplois qualifiés, à qualification égale, les ressortissants de Kédougou ont été privilégiés. Cependant, il est quand même étonnant de noter que la principale revendication des jeunes, lors des   manifestations du 23 décembre 2008 à Kédougou, a été la question de l’emploi des jeunes. A l’annonce de l’exploitation des mines de la région de Kédougou, on voyait déjà la vie en rose dans la nouvelle région de Kédougou. Mais hélas, rien de tout ce rêve n’est encore devenu réalité. En tout cas, les populations de la nouvelle région de Kédougou fondent beaucoup d’espoir sur les retombées de ces exploitations minières. Il reste à savoir si leur rêve sera réalisé. En attendant cela, le collectif des ressortissants de Kédougou ne compte pas croiser les bras et promet de lutter farouchement pour participer à la sauvegarde des intérêts des populations locales.   



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