Au plan économique, le constat est amer : défaillance des marchés, déficits budgétaires, crise énergétique structurelle, chute du taux de croissance économique, défaillances du secteur productif, etc… Face à une telle situation, l’instauration d’un nouvel ordre s’avère plus que nécessaire. Je l’appellerai « Conscience Nationale pour un Nouvel Ordre ». Celle-ci aura pour objectif premier, d’assainir le milieu politique qui actuellement est hors de son cadre moral et social de fonctionnement. Ce nouvel ordre visera aussi la liberté d’expression et d’action de chaque individu dans le respect de la loi, ce qui est en définitive, la plus sûre garantie de la sécurité publique et le progrès national. Ce dont notre pays a besoin, c’est une action gouvernementale moins partisane, plus positive et active. La décadence nationale que nous vivons dans tous les domaines de la vie nationale n’est en fait que la somme des égoïsmes, des lâchetés, des hypocrisies, en gros, des insuffisances de tous. Cessons en fait de faire reposer tout sur le dos des institutions car, disposer des meilleures institutions sans une bonne conduite des populations, ne sera d’aucune utilité. Le nouvel ordre proposera dans sa volonté de changer et d’améliorer les choses, quelques mesures telles que la dissolution du SENAT qui, de notre point de vu, ne sert à rien. D’autres changements dans les institutions seront aussi nécessaires dans le but de gagner du temps dans les prises de décisions, l’adoption des projets de loi et l’efficacité des décisions. Pour que l’action gouvernementale puisse avoir un impact réel et efficace sur la vie des populations, les gouvernants devront avoir comme obligation de descendre fréquemment sur le terrain et être au maximum à l’écoute des populations afin que leurs légitimes préoccupations soient prises en compte.
Au plan social, il sera intéressant d’étudier les méthodes et stratégies permettant de renforcer la protection sociale des sénégalais. Les travailleurs doivent être protégés des aléas du chômage afin que ce dernier ne sera plus une descente aux enfers pour ceux qui en sont victime. Pour ce qui est de la prévoyance maladie, il s’agira d’arriver contre cotisation mensuelle, à la gratuité des soins pour tous les sénégalais, aussi bien dans les hôpitaux publics que privés étant précisé, qu’il faudra veiller à la qualité des prestations, sans oublier la pharmacopée traditionnelle. Le Gouvernement, inspiré par la conscience et la volonté d’instaurer un nouvel ordre devra être mu par les principes de démocratie, de justice, de liberté, de bonne gouvernance clamés un peu partout mais très peu appliqués. Avec l’instauration de ce nouvel ordre, il n’y aura pas de favoritisme, d’avantages particuliers, encore moins de passe droit pour certains car, c’est dans le règlements des détails qui peuvent sembler insignifiants que, plus de justice et d’équité pourront garantir au pays la paix et la stabilité bases de tout développement. La Conscience Nationale pour le Nouvel Ordre se gardera d’abuser de son pouvoir au détriment des populations ; tout devra être fait dans l’intérêt des populations avec le soucis constant d’ordre et de justice pour tous, sans exception. Il faut dans ce pays que le culte du travail soit élevé au plus haut rang et que, certains maux tels que vols, agressions, meurtres, détournements de fonds, enrichissements illicites soient des phénomènes exceptionnels, par la sensibilisation, l’éducation scolaire (civique, morale) et religieuse. En outre, l’ordre public ainsi que la sécurité des populations sera une préoccupation permanente et, pour cela, il faudra faire preuve de fermeté et de justice en toute circonstance. Nous devons finir avec ce complexe d’infériorité qui veut faire croire que le noir n a rien inventé. Loin de là, le noir est à l’origine de toutes les avancées technologiques. Les bras de l’Afrique ont construit aujourd’hui cette Amérique et cette Europe forte. Senghor ne présentait-il pas le Nègre sous les traits d’un sensuel ? C’est-à-dire qu’il vit par ses sens ; ce qui supprime la distance entre le sujet (l’homme) et l’objet (la nature, l’environnement). « Le Nègre est un être aux sens ouverts, sans intermédiaire entre le sujet et l’objet, sujet et objet à la fois. » Tous les sens du Nègre sont en branle comme le montre les correspondances : « Il est sons, odeurs, rythmes, formes et couleurs. » Il y a ici comme une assimilation par l’homme noir de toutes les sensations. C’est l’occasion pour Senghor d’insister sur son sens tactile qu’il oppose au sens virtuel du Blanc. Le passage de la forme active à la forme pronominale : « il n’est pas assimilé, il s’assimile », montre la fusion entre le sujet qui est l’homme noir et l’objet (la nature). Senghor rejette la négation de la raison chez le nègre : « Le Nègre n’est pas dénué de raison comme on a voulu le faire dire. » Il estime que la spécificité du Noir réside dans sa manière d’appréhender les choses. Et, pour mieux asseoir son propos, il use de l’art laudatif et ainsi oppose les deux modes de connaissance du Blanc et du Nègre : le Nègre comprend les choses sans les décomposer, le Blanc analyse les choses et les décompose ; le Nègre accepte le milieu et se l’assimile, le Blanc domine le milieu ; le Nègre se coule dans les artères des choses, le Blanc appauvrit les choses, « il les moule en des schémas rigide ». Ainsi nous disons que la raison nègre est intuitive c’est-à-dire : synthétique, sympathique et participative ; alors que la raison blanche, elle, est discursive, analytique et antagoniste. Senghor pense que chez le Noir la compréhension se fait par intuition. C’est-à-dire que le Noir vit en harmonie, en symbiose avec tout ce qui l’entoure. Cela traduit en outre sa volonté de communion avec la nature qu’il entend enrichir ou tout au moins maintenir comme telle. Quant à l’homme Blanc, il utilise la nature à sa guise. C’est ainsi qu’il l’analyse, la dissèque et la dessèche ; mieux il la rend artificielle. C’est ce qui fait dire à Senghor que « La raison européenne est analytique par utilisation, la raison nègre, intuitive par participation. » Le Noir ne s’attache pas à ce qu’il voit (au quantifiable, au mesurable, à l’aspect superficiel) parce que nous dit Senghor, il est un être d’émotion. Il rejette alors l’apparence et s’adonne à une surréalité. Dès lors ce qui le saisit : « C’est moins l’apparence de l’objet que sa réalité profonde, sa surréalité ; moins son signe que son sens. » Il ressort de tout ce qui précède que nous ne devons nourrir aucun complexe vis-à-vis de l’occident. Bien qu’ayant été colonisés par la Grande Bretagne, les Etats-Unis en sont arrivés aujourd’hui à inverser les rôles sans complexe, s’attelant même au sortir de la deuxième guerre mondiale, à saper les bases de ce qui faisait la puissance de l’Empire britannique. L’Inde et la Chine sont en train de prendre place dans le gotha des grands de ce monde. La France a été libérée du joug nazi par une coalition menée par les américains et pourtant elle a néanmoins gardé son indépendance, sa fierté par rapport à l’Amérique. Il en est de même avec le Japon qui, après avoir été occupé et administré par les USA, leur tient tête aujourd’hui sur le plan économique malgré un sous-sol pauvre et un relief difficile. On peut citer aussi les anciennes républiques soviétiques qui s’émancipent aussi de la tutelle russe ainsi que les pays de l’ancien bloc de l’Est au gré de leurs intérêts politico-économiques.
Pour le nouvel ordre, l’un des défis majeurs sera de mettre fin à l’évolution macro céphalique du Sénégal à savoir, une capitale super active qui concentre la quasi-totalité de l’activité socio-économique et administrative du pays et le reste du territoire qui demeure désespérément à la traîne. Dans un premier temps il s’agira de changer la capitale car Dakar étouffe. Un meilleur maillage permettra de relier toutes les capitales régionales par un réseau autoroutier qui sera nécessairement complété par des routes secondaires. Des villages seront regroupés pour faciliter leur gestion. Le déplacement sera plus facile pour la population et pour les entreprises qui pourront plus facilement écouler leurs produits partout dans le pays. Ainsi il sera possible d’envisager des mesures incitatives visant une meilleure occupation des espaces.
En outre, il est inconcevable que 48 ans après les indépendances, nous soyons encore obligés de recourir aux importations d’appareils comme les compteurs d’eau, d’électricité, etc., de matériel d’adduction d’eau ; même les ampoules électriques sont importées. Et pourtant nous disposons d’hommes capables d’inventer, de créer. Pour preuve, les gens qui s’activent dans la mécanique et qui sont en général d’un niveau d’instruction bas font des merveilles dans la fabrication de véhicules pourtant fabriquées à l’étranger. Nous n’oublions pas ceux qui s’activent dans l’informel mais aussi la médecine traditionnelle, secteur ou l’Etat hésite encore à prononce la reconnaissance officielle malgré les résultats extraordinaires que certains tradipraticiens ont eu dans le traitement de certaines maladies.
En effet, la Conscience Nationale pour le Nouvel Ordre tentera de former les mentalités à certaines vertus fondamentales, à savoir le gain honnête et l’utilisation bien entendu de l’argent. La corruption ne sera plus tolérée à aucun niveau. La transparence sera rendue obligatoire dans l’octroi des marchés publics ou privés, les appels d’offres et actes seront étroitement surveillés et les meilleurs systèmes pour juguler les tentatives de corruption, seront appliquées strictement. Désormais, les exigences de cahiers de charge seront respectées à la lettre, les dépouillements se feront en public sous le contrôle d’organes prévus à cet effet et en présence des soumissionnaires. Ensuite, dans l’exécution des travaux et surtout après, il faut que chacun sache qu’en cas de dysfonctionnement, les chefs d’entreprise devront rendre des comptes. De même les « fonds politiques » ou présentés comme tels, devront être rendu publics et leur utilisation bien que soumise à la discrétion du Chef de l’Etat, devra faire l’objet d’une transparence.
Sous le nouvel ordre, il ne sera plus question de sortir les populations dans les rues pour accueillir un soi-disant Chef d’Etat étranger. On ne peut pas oublier la visite en juillet 2003 du président américain qui constitua une gifle magistrale sur la joue du paisible sénégalais. Cette visite qui verra la population de Gorée parquée comme du bétail, sous prétexte de sécurité, sur cette terre symbole de ce qu’on dénonce à longueur d’année, à savoir la traite des noirs. Nous ne passerons pas aussi sous silence la visite en avril 2006 du Président Kadhafi qui s’est permis de suggérer de changer notre constitution et d’instaurer la présidence à vie. Les problèmes de délestage montrent peu d’ambition que les sénégalais ou du moins ceux qui ont le destin de cette nation, ont pour leur pays. Nous aurions préféré que le débat, au lieu de se poser au niveau de la fourniture de carburant, se pose au niveau de la production d’énergie. En effet la question urgente qui se pose sera de voir selon le Nouvel Ordre, comment disposer de sources d’énergie renouvelable suffisantes et sûres, et jusqu’ici on ne semble pas trop s’intéresser là-dessus. Nous devons nous interroger sur la question de l’après pétrole que les pays développés sont en train de préparer. Notre pays et l’Afrique en général, a obligation de développer les énergies renouvelables en investissant dans la recherche avec des projets ambitieux. La maîtrise de ces énergies propres et renouvelables ouvrira de grandes perspectives dont le plus important sera l’indépendance totale mais aussi la possibilité d’amoindrir le coût de la vie parce que la ressource sera disponible en permanence à moindre frais, ce qui fera qu’elle intéressera tout le monde.
Le Nouvel Ordre préconisera désormais une grandeur de l’homme noir face au racisme et à la discrimination. Il nous faudra aussi concrètement réaliser l’Unité Africaine et non l’Union Africaine. L’Unité Africaine suppose une unité d’action pour défendre les intérêts généraux et particuliers de l’Afrique. Elle signifie aussi une solidarité africaine face aux agressions extérieures. Le Nouvel Ordre préconisera désormais un nouveau comportement au sein de la classe politique. Il faudra en finir avec les politiciens pour laisser la place aux hommes politiques, le discours démagogique laissera la place au discours de vérité et d’humilité. De nouvelles méthodes de contrôle à la fois permanents et inopinés seront mises en place pour que les mauvaises gestions, les détournements, les enrichissements illicites ne soient plus possibles aussi bien dans le public que dans le privé. Par ailleurs, la prostitution sera interdite et tout un arsenal pénal à la fois dissuasif sera mis en place pour éradiquer ce fléau. Selon toujours le Nouveau Ordre aucun sénégalais exerçant une fonction élective ou gouvernementale ne pourra disposer d’ un éventuel compte à l’étranger, et, des voies seront trouvées pour pouvoir rendre cette mesure effective. Pour finir beaucoup seront de ceux qui vont penser que les objectifs visés par le Nouvel Ordre sont trop ambitieux voir utopiques, fantaisistes ou démagogiques, mais loin de là. L’histoire de l’humanité nous a montré combien l’homme peut changer les choses de par la force de sa volonté. Il faudra que les Africains et les Sénégalais en particulier sachent en finir avec cette vieille rhétorique qui veut que l’Occident soit à l’origine de tous nos maux.
Serigne Samba Ndiaye : Enseignant, Chercheur, Phytothérapeute Site web : www.sambamara.com Skype : sambamara
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